Avec sa stabilité politique et ses infrastructures, le Maroc est devenu une destination de tournage phare pour les grosses productions hollywoodiennes et bollywoodiennes. Avec 97% des investissements obtenus grâce au cinéma et à la télévision, le Maroc a plus à gagner en encourageant ces tournages. D'ailleurs, la loi qui régit le Centre cinématographique marocain (CCM) devrait être revue dans ce sens. 1,166 MMDH : tel a été l'investissement des productions cinématographiques étrangères en 2014. Le chiffre a été quasiment multiplié par 6 en comparaison avec 2013, où l'investissement était de 200 MDH. Et pour cause, de grosses productions américaines ont été tournées au Maroc. Selon Sarim Fassi-Fihri, directeur général du Centre cinématographique marocain (CCM), cela est dû à la stabilité politique du pays. «En effet, dans notre région, nous sommes le seul pays «assurable» au Sud de la Méditerranée: notre stabilité politique a attiré des productions prévues pour être tournées ailleurs, en plus de celles destinées au Maroc. L'administration marocaine est, comme disent les Anglo-saxons, «film-friendly», c'est-à-dire qu'elle facilite au maximum les tournages. Et là, je parle de toute l'administration marocaine, pas seulement du CCM. Enfin, le Maroc a développé des ressources humaines reconnues par la communauté professionnelle internationale», ajoute Sarim Fassi-Fihri. Pour sa part, Khalil Lougmani, DG de Magic Pictures, assure que la stabilité du pays a un rôle à jouer mais il déplore la rude concurrence menée par la Jordanie ou encore les Emirats arabes unis qui financent les productions étrangères, comme c'est le cas de Mission impossible 4, tourné en partie à Dubaï. «En ce qui concerne les films tournés en mer, avec nos 3.500 km de côtes, nous n'arrivons pas encore à en profiter. À titre d'exemple, le tournage du film Captain Philips avec Tom Hanks était prévu au Maroc avant de changer de cap pour Malte, un archipel doté de 140 km de côtes seulement», déplore Lougmani. Rappelons que ce film est sorti en 2013. À l'époque, les grosses productions américaines n'étaient pas aussi attirées par le Maroc comme destination de tournage, pas autant qu'aujourd'hui du reste, malgré un nombre d'autorisations de tournage en baisse. Le cinéma délivre 97% des investissements En effet, selon le directeur du CCM, 654 autorisations de tournage ont été délivrées en 2013 contre 631 en 2014, pour un investissement beaucoup plus important l'année dernière. On a quand même gagné en valeur grâce à la production cinématographique. «Avec une moyenne de 687 autorisations de tournage par an ces cinq dernières années, 73,9% de ces autorisations (plus de 500) le sont pour des reportages et des émissions TV. La fiction (cinéma et télévision) représente un peu moins de 4% du nombre des autorisations de tournage délivrées entre 2010 et 2014, mais plus de 97% des investissements», remarque Sarim Fassi-Fihri. Ce sont les productions américaines qui y mettent le prix. Ainsi, la série américaine historique King Tut, sur la période des pharaons, actuellement en diffusion aux Etats-Unis, a été tournée totalement à Ouarzazate depuis 2014. Le budget qui lui a été octroyé est phénoménal. Celui-ci a bénéficié à 100% au Maroc. Le process de tournage au Maroc est bien ficelé. Le pays essaie de booster les revenus du tournage. Mais ce seront les opérateurs qui en profiteront le plus. Le Maroc, lieu de tournage «réel» En effet, à leur arrivée, les producteurs étrangers font d'abord appel à une agence de production exécutive qui s'occupe du volet administratif. Ils ont comme prérogative que 25% de l'équipe de production soit marocaine. Pour ce faire, la production étrangère ouvre un compte bancaire en dirhams convertibles leur permettant de gérer leurs dépenses au Maroc et de rapatrier l'argent restant au moment de leur départ. Les producteurs étrangers bénéficient aussi d'avantages comme l'exonération de la TVA. En outre, l'infrastructure existe. Les productions étrangères font appel aux studios marocains ainsi qu'à une main-d'œuvre locale: costumiers, maquilleurs, techniciens, figurants... Il faut savoir que les plateaux de studios marocains sont loués entre 10.000 et 15.000 DH/jour. Les tournages de films étrangers font beaucoup de bien à l'activité économique de la ville. Les hôtels, restaurants affichent complet lors des tournages, sans compter les sociétés de location de matériel, de transport... L'Etat en profite également avec des taxes d'autorisation de tournage de 3.000 DH/semaine et les frais d'import/export de matériel et de transit. Quant à la boîte de production exécutive marocaine, elle encaisse 1 à 2% du budget global du film qui se chiffre parfois à des millions d'euros. En fin de compte, tout le monde y gagne. Encore faut-il que le Maroc demeure «safe». Les opérateurs déclarent que les tournages de productions étrangères se font moins importants à cause des attentats de Sousse (Tunisie), dont les répercussions touchent aussi les pays voisins. Néanmoins, le Maroc reste une bonne référence qui offre un lieu de tournage «réel». À titre d'exemple, les scènes du Liban de Spy Game de Tony Scott ont été tournées à Casablanca et celles du Vietnam à Ouarzazate. Mais aujourd'hui, on tourne les scènes au Maroc, comme cela a été le cas de Mission Impossible 5 à Casablanca ou des films indiens qui choisissent de tourner des histoires vécues réellement à Tanger, Casablanca ou Marrakech. Sarim Fassi-Fihri, DG du CCM Le CCM fonctionne avec une loi datant de septembre 1977... qu'il faut totalement revoir 38 ans plus tard. C'est ce que j'ai fait dès janvier, en proposant à la tutelle un nouveau texte. Il a également été soumis au Conseil d'administration du CCM en juin dernier. Il est actuellement en cours de négociations avec le ministère de l'Economie et des finances et avec le ministère de la Communication. J'espère qu'il pourra être transmis au Secrétariat général du gouvernement avant fin septembre. L'aboutissement de ce processus, c'est-à-dire l'adoption de cette nouvelle loi, va nous permettre de revoir la loi sur l'industrie cinématographique qui, elle, date de 2001. Quinze ans peuvent paraître peu pour amender un texte, mais dans notre secteur d'activité, l'évolution technologique (et en particulier la révolution numérique) a rendu le texte de 2001 proche de l'obsolescence. Enfin, trois textes vont être proposés au ministre de la Communication ce mois-ci. Il s'agit d'un amendement au décret du 17 août 2012 fixant les conditions et les procédures d'aide à la production cinématographique, à la numérisation, à la rénovation et à la création de salles de cinéma et à l'organisation des festivals de cinéma, ainsi qu'à deux arrêtés datant du 19 septembre 2012 et issus de ce même décret. Ceux-là concernent la production étrangère et les festivals.