Bien que l'industrie cinématographique ait été sujette à plusieurs réformes, elle souffre encore de l'impact du piratage... À deux ans de l'échéance de la suspension de la diffusion terrestre, seulement 0,3% des Marocains sont équipés pour recevoir la TNT. Quant aux artistes, ils boudent toujours l'administration à cause de leurs droits d'auteurs non protégés... Le Programme Euromed Audiovisuel III de l'Union européenne et l'Observatoire européen de l'audiovisuel trace le topo du secteur de l'audiovisuel marocain. Il s'agit du deuxième rapport du genre publié par l'institution après celui réalisé pour l'Egypte. Il est réalisé dans le cadre d'un projet de collecte de données sur le secteur audiovisuel et cinématographique sans toutefois forcément formuler des recommandations. «La réalisation de ce document a déjà eu un impact positif», explique Wolfgang Closs, directeur exécutif de l'Observatoire européen de l'audiovisuel. «Les progrès accomplis, notamment en matière de données sur le cinéma sont remarquables. En novembre dernier, notre Conseil exécutif a donné une réponse positive à l'adhésion du Maroc à l'Observatoire. Celle-ci devrait être finalisée courant 2013 par une décision du Comité des ministres du Conseil de l'Europe», ajoute-t-il. Ce rapport revient en fait sur les principaux challenges et handicaps du secteur audiovisuel marocain. Les paradoxes du cinéma «La production nationale est encouragée et évolue, ouvrant la voie à l'émergence d'une vague de réalisateurs et d'acteurs qui donnent un nouvel élan au cinéma marocain», atteste le rapport. Néanmoins, selon le document, le secteur subit un certain nombre de paradoxes . Ainsi, au moment ou le nombre de films produits connaît une augmentation et un bon nombre de reconnaissances internationales, le nombre de salles de cinéma est en chute. Aussi, malgré l'augmentation de la créativité dans le cinéma, la production privée fait strictement défaut. En outre, en dépit de la popularité du cinéma marocain auprès du public, le manque de formation subsiste. Le piratage se conjugue avec la désaffectation des salles par le public et l'accentue, malgré les efforts fournis pour la lute contre le phénomène et le dynamisme des différents festivals organisés un peu partout dans le royaume. Chiffres à l'appui, les recettes guichets n'ont pas cessé de baisser à partir de 2004. Même l'implication des chaînes de télévision, surtout par obligation de leurs cahiers des charges depuis 2006 à participer dans la production et la coproduction de téléfilms reste insuffisante, surtout lorsqu'on dresse le tableau du secteur, qui montre que les productions étrangères se développent au détriment de la production nationale. Ceci dit, d'autres mesures ont été prises en janvier 2013. Elles consistent surtout en la mise en place par le CCM de deux commissions, visant à soutenir la modernisation et la numérisation des salles de cinéma et le soutien aux festivals. Par ailleurs une initiative du ministère de la Communication vise à assurer une meilleure transparence entre les diffuseurs publics et les sociétés indépendantes de production, par la création d'un portail dédié au dépôt des projets des sociétés de production. La transition à la TNT se fera-t-elle à temps ? Selon l'Accord régional de Genève 2006, les réseaux de diffusion télévisuelle analogique terrestre dans la bande UHF doivent cesser d'émettre le 17 juin 2015. Cela concerne aussi bien 2M et partiellement la SNRT, mais aussi les chaînes privées dont la HACA accordera l'autorisation. Le rapport note ici que l'initiative d'assurer gratuitement le contenu numérique au téléspectateur marocain a coûté au Maroc quelque 104,080 MDH (12 millions de dollars). Cependant, la transition ne semble pas prendre dans le public puisque à deux ans de l'échéance, seulement 0,3% des foyers TV au Maroc se sont équipé en TNT. Ceci est totalement compréhensible, puisqu'un tel investissement revient bien trop cher pour le citoyen moyen. Le rapport «Media et société au Maroc Synthèse et recommandations de la feuille de route Dialogue national «Media & Société», publié par le Parlement en octobre 2011 constate qu'«alors que le Maroc est en passe de réussir la couverture universelle par la TNT, il serait équitable qu'un abaissement de taxe de 20%, sur les téléviseurs équipés en récepteur TNT soit accordé le temps d'atteindre un équipement en TNT de tous les ménages, soit un moratoire d'ici 2015, date butoir à l'échelle internationale pour l'universalisation de la TNT. Une libéralisation pas encore aboutie Au moment où la libéralisation du secteur audiovisuel marocain a trouvé sa meilleure expression dans le domaine radiophonique, il n'existe au Maroc aucune chaîne de télévision privée, note le rapport. Une situation qui contraste avec les autres marchés audiovisuels arabo-méditerranéens, où le secteur privé constitue plus de 70 % des chaînes. «En dépit de la dernière décennie marquée par des profondes mutations du statut juridique et organisationnel du secteur audiovisuel, le marché télévisuel n'a pas assisté à la naissance de chaînes privées», note-t-on. Ajoutons que ce chantier a fait l'objet d'une réforme qui avait pour but de démocratiser et de moderniser le secteur. Ce chantier a été jalonné par la création de la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA), la suppression du monopole de l'Etat en matière de radiodiffusion et de télévision. Pourtant, presque une décennie après cette reforme, aucune chaîne privée n'a été autorisée. Le rapport fait également écho aux multiples déclarations des responsables étatiques concernant des futures ouvertures de chaînes télévisées privées. Aussi, diverses réflexions ont porté sur cette problématique notamment le dialogue national «Media & Société» publié par le Parlement en octobre 2011 (www.leseco.ma). Droit d'auteur, toujours à la traîne... Le rapport n'a pas manqué de revenir aussi sur la problématique des droits d'auteur. Le document revient notamment sur la signature de la pétition pour un audit du bureau marocain des droits d'auteur, qui a réuni 656 signatures. Suite à cet acte, l'association des musiques actuelles du Maroc, l'Association Racine, EAC-L'Boulvart et Bassata Productions ont organisé une table ronde réunissant les acteurs culturels pour débattre de la question. Les spécialistes avaient surtout mis l'accent sur le flou entourant la gestion des droits d'auteur, l'attente sans fin des résultats du dépôt d'un dossier de propriété intellectuelle auprès du BMDA et la réception de sommes dérisoires par certains artistes et leur non versement pour d'autres. Selon le document, à ce jour, seules trois radios et deux chaînes de télévision reversent les droits d'auteur. La réponse du directeur général du BMDA Abdallah Ouadghiri était que les perceptions constituent pas moins de 140 millions de MAD par an, ajoute le rapport. 13 MDH sont consacrés à la restructuration de l'organisme. Un partenariat a été conclu entre le BMDA, Médi1 et Maroc Cultures pour le paiement des arriérés liés à l'exploitation des droits d'auteur.