L'heure est au bilan pour le Jazzablanca qui vient de baisser son rideau ce jeudi 4 avril. Une huitième édition des plus réussies, des couleurs, une programmation riche et variée, de la qualité et surtout une ambiance de fête et d'amour pour le Jazz. Un festival encore petit mais qui a tout d'un grand... Pourquoi n'entend-on pas assez parler du Jazzablanca ? Pourquoi ne fait-il pas le buzz comme certains de ses confrères ? Pourtant, les six jours du festival ont laissé entrevoir le goût raffiné de la ville pour les belles choses. En effet, Casablanca a vécu la magie du jazz et des rythmes du monde le temps d'une semaine, du 30 mars au 4 avril. Au programme, un concentré de virtuosité, de talents, de générosité et de figures emblématiques. Si Vaya Con Dios, le groupe mythique belge et le tromboniste le plus funky du monde, Fred Wesley, ont décidé de prendre la scène de l'hippodrome en otage musical, c'est pour une bonne raison. Le petit festival, en effet, a pris de l'ampleur et vole de ses propres ailes. Il n'a pas lésiné sur la programmation et la qualité des intervenants musicaux, tout en diversifiant les styles, puisque le jazz est tout sauf classique. De New York à Bruxelles, en passant par Tunis, Casablanca, Agadir ou encore Cuba, tous les instruments se sont liés d'amour et d'amitié pour proposer du beau spectacle à un public chaleureux et clairement mélomane. Ayant été critiqué pour un système de sonorisation défaillant lors des précédentes éditions, le Jazzablanca a surpris cette année. C'est parce que les spectacles font du bien aux oreilles que du Jazz oriental au klezmer, en passant par le manouche ou le latino, la musique, cette année, a dépassé les frontières et que son langage a su prouver encore une fois qu'elle était universelle. Tout a commencé samedi dernier où le ton a été donné avec la diva du jazz moderne : Melody Gardot. Avec une grande classe et malgré son handicap, puisqu'elle chante assise et avec des lunettes noires, celle-ci a fait défiler ses morceaux de jazz et de fado à mi-chemin entre la folk et la pop, sous l'admiration du public présent et en nombre. Par ailleurs, c'était une soirée sous le signe de la douceur que Dani Klein, chanteuse du groupe Vaya Con Dios, a su balayer pour faire bénéficier aux mélomanes, aux fans, aux curieux, aux invités incultes, de ses 30 ans de carrière et de ses 7 millions d'albums vendus dans le monde. C'est deux heures de nostalgie et de pur bonheur que le groupe a partagé pour une dernière, puisque Casablanca fait partie de la tournée d'adieu du groupe. Les chansons ont défilé dans une ambiance jazzy-manouche-swing loin de l'instrumentation des années 90, qui étaient les années glorieuses du groupe. Ce soir-là, l'ambiance était à la nostalgie et au renouveau car, avec Jazzablanca, l'on revisite le jazz et l'on redécouvre la musique. Il s'agissait de redécouvrir ou de découvrir tout simplement puisque c'est le troisième soir, en guise de claque musicale, qu'un extraterrestre encore méconnu, s'apprêtait à atterrir sur la scène de l'hippodrome : Dhafer Youssef. Avec sa voix, sa présence, son instrument de prédilection oriental à la sauce occidentale, sa musique tourne autour de l'oud qu'il mélange avec les sonorités du piano, de la contrebasse et de la batterie, ce maestro chante telle une diva, à 5 octaves dans le timbre de voix, maîtrise sa scène et ses musiciens, éblouit le public ! C'est ainsi que d'autres concerts se suivent et ne se ressemblent pas, chaque jour est une émotion différente, une expérience à vivre. Comme ce mardi improbable où une énergie de folie a conquis les corps et les cœurs des Casablancais et du public présent. Le groupe de jazz new-yorkais Abraham Inc a surpris. Tout le monde s'attendait à voir un de ces groupes des petites scènes underground de quartiers, bien classique et qui swinge comme dans les films. Au lieu de cela, un clarinettiste fou sous le nom de David Krakauer, un tromboniste de funk parmi les meilleurs au monde, sous le nom de Fred Wesley, et un DJ pianiste de Hip Hop: Scoalled, ont proposé un panaché d'énergie et de belles ondes, funky, hip hop et klezmer. La musique traditionnelle juive version funk-jazz-hip hop, n'était pas en reste et a bluffé, surpris, puis tout simplement fait danser ! Même les plus réfractaires des premiers rangs se sont levés, faisant de l'hippodrome d'Anfa une piste de danse géante. De la danse au swing et au «Moud'swing» surtout, c'est ce qui attendait un public déjà amoureux et habitué des lieux, ce mercredi dernier. Le groupe marocain du luthiste Karim Kadiri et du claviériste et producteur américain Barry Sames a donné à son tour du bon spectacle et a montré le Maroc sous son meilleur jour, à l'instar de l'artiste lauréat des MTV Music awards qui a fait la première partie : Ahmed Soultane. Généreux, énergique et positif, le chanteur marocain qui s'exporte à l'international avec une facilité déconcertante, a montré l'étendue de son talent en toutes langues, de l'anglais au français en passant par l'amazigh, et le Jazzablanca n'aurait pas pu se terminer autrement qu'avec un grand nom de la scène internationale : Chucho Valdès pour un «closing» illuminé des feux de Cuba, durant lequel le pianiste aux huit Grammy Awards a donné une leçon de latin jazz, à l'âge 71 ans ! Il s'agissait en somme d'émotions, de bonne musique et de bonnes ondes que la huitième édition de ce Jazzablanca a données, sans concession, du 30 mars au 4 avril dernier. Une semaine digne d'un concentré des plus grands noms du jazz, que Casablanca a accueilli laborieusement, étant donné les problèmes de logistique et d'organisation qu'un tel événement suscite, mais il est un autre bémol qui vaut pour tous les évènements musicaux, il s'agit de ces places au devant de la scène, dédiées aux VIP, des «very important personnes» qui n'ont fait aucun effort de sociabilisation musicale, laissant les groupes frustrés et déçus de voir que le public marocain était tout sauf chaleureux et réceptif, alors que les gradins situés derrière étaient emplis de mélomanes et de fans, qui ont su profiter de la bonne musique.