Le mercredi 11 septembre a porté bonheur à la 18e édition du festival Jazz au Chellah qui se poursuit jusqu'au 15 septembre, avec une programmation des plus diversifiées, laquelle fait honneur au jazz européen et à la femme. Sitôt arrivé dans le site du Chellah, l'ambiance feutrée et musicale s'empare de vous. La file d'attente est immense, les mélomanes sont au rendez-vous, les curieux également. Cette année, le festival Jazz au Chellah s'est fait entendre et pour cause une centaine de personnes ne sont pas rentrées faute de places disponibles. Les chanceux venus tôt pour être sûr d'avoir une place et ne pas rater une miette du spectacle, n'ont pas hésité à s'asseoir par terre ou dans les escaliers. En guise d'entrée en matière, c'est le groupe suédois Naoko Sakata Trio qui a ouvert la scène du Chellah mercredi dernier. Le trio, issu de la scène scandinave émergente, arbore un répertoire unique rythmé par des compositions originales et des improvisations tendres, le tout orchestré par l'interprétation majestueuse de Naoko Sakata, pianiste virtuose d'origine japonaise. Le trio est techniquement parfait, une perfection qui fait des musiciens presque des robots. Le public agréablement surpris profite du spectacle qui s'offre à lui. Le plat de résistance sera servi par les Français du Papanosh Quintet, un collectif libertaire sur fond musical d'Europe de l'Est qui rencontrera pour cette ouverture Oum, la voix soul du Maroc qu'on ne présente plus. Le quintet fou présente ses compostions brillantes et pleine d'humour, à l'image des titres improbables comme «Chameau» ou encore «Balaise». Les chansons sont surprenantes, et bien trouvées. Les musiciens très bons. Au bout du cinquième morceau, Oum les rejoint pour une belle fusion sur des classiques arabes et des chants gnaouis. Le tout livré à un public fidèle et plein de respect sous le ciel étoilé de Rabat. Jeudi a eu son lot de surprises également puisqu'il a vu sur la scène du Chellah le quartet «Fugara Quartet» (Hollande, Allemagne, Finlande), qui placera l'interaction au centre d'une création musicale où le jazz rencontre une musique orientale et spirituelle. Big band miniature au jazz anticonformiste, les belgo-français de «Trio Grande» accompagné du britannique Matthew Bourne on fait la rencontre, en deuxième partie de soirée, de «Driss El Maaloumi Quartet», des ambassadeurs de la culture amazighe. Pour le marocain originaire d ́Agadir, c ́était l ́occasion de retrouver la scène du Chellah, où il avait fait sensation en 2009. De retour avec un nouveau projet, l'un des meilleurs joueurs d'Oud du monde arabe est revenu accompagné de ses frères et sœurs. Pour ce vendredi 13, le public aura la chance d'assister à une soirée purement méditerranéenne, emmenée par les italiens du «Nuevo Tango Ensamble», qui revisitent la tradition argentine pour nous servir un jazz épicé. «Tamara Obrovac Quartet» (Croatie, Slovénie) prendra ensuite le relais à coup de musiques folkloriques jazzy interprétées en istrien, un dialecte issu d'une région intermédiaire entre l'Europe centrale et les régions méditerranéennes. C'est donc la culture méditerranéenne dans son ensemble qui sera incarnée dans sa rencontre avec «Rachid Zeroual Ensemble», virtuose de la flute orientale. Venant de sortir son premier disque, sa musique est le produit de toutes ses rencontres, dont il s'inspire en puisant également dans ses origines amazighes. Faisant écho à la tendance de cette 18e édition, le samedi 14 septembre sera une soirée féminine. «Savina Yannatou Salonico Quartet» (Grèce) nous introduira d'abord à son monde, habité par la musique traditionnelle, la musique grecque d'aujourd'hui et l'école d'improvisation issue du jazz contemporain. La violoncelliste Asja Valcic et l'accordéoniste Klaus Paier (Autriche-Hongrie) nous emmèneront à leur tour sur une nouvelle planète, où deux univers musicaux se côtoient pour créer un Tango contemporain, et finalement rencontrer «Karim Kadiri Trio», mené par un grand maître de l'Oud. De retour au Maroc après de nombreuses années aux Etats Unis, ce grand amoureux de l'Oud aime donner la part belle à des improvisations d'un Jazz à la fois avant-gardiste, contemporain et oriental. Enfin, la clôture du festival, le dimanche 15 septembre, sera sous le signe des contrastes, où les pôles nord et sud s'uniront pour créer un big bang musical. Daniel Casares (Espagne) présentera d'abord «Guernica 75», un spectacle engagé tenu par l'un des artistes les plus talentueux du renouveau flamenco. L'occasion de se remémorer la triste mais emblématique œuvre de Picasso, qui fête ses 75 ans. Les Finlandais du «Gourmet Sextet», au jazz très rythmé, créatif et brillant, seront rejoints par Khadija El Ouarzazia & «Bnet Houariyat Quintet», véritables divas de la musique gnaoua, pour un final explosif, coloré et inédit. Très sollicitées pour les festivals nationaux et internationaux, les «Bnet Houariyat» servent un genre musical issu d'un patrimoine oral et culturel marocain hors du commun. Si le festival tient chaque année ses promesses en termes de diversités et de rencontres, c'est parce que «le Jazz au Chellah n'est pas seulement un festival, mais doit aussi être vu comme un forum de rencontres au cours desquelles naissent des projets musicaux originaux et des relations solides entre les deux rives de la Méditerranée», souligne Majid Bekkas, directeur artistique Maroc du festival. Jazz au Chellah s'impose, depuis sa création en 1996, comme un événement incontournable de la scène culturelle du Maroc. Le festival est une initiative de la délégation de l'Union européenne au Maroc en partenariat avec le ministère de la Culture, la wilaya de Rabat-Salé et le Goethe Institut, en collaboration avec les ambassades et instituts culturels des Etats membres de l'Union européenne, en partenariat avec CDG Développement. De plus, en marge des concerts, une masterclass jazz et improvisation est ouverte depuis jeudi jusqu'à ce vendredi de 11h à 15h30 à l'Instiut Goethe par Manuel Hermia. À la fois improvisateur, compositeur et explorateur des musiques du monde, Manuel Hermia a développé des projets personnels parallèlement et dans plusieurs directions. Son groupe «Slang» a rencontré Yacir Rami au Festival Jazz au Chellah 2012.