Augustin Yakhar Faye Directeur de cabinet du ministre du Commerce extérieur du Sénégal Les ECO : Quelle appréciation globale portez-vous aujourd'hui sur les relations économiques entre le Maroc et le Sénégal ? Augustin Yakhar Faye : L'apport du Maroc en termes d'investissement, nous en avons déjà la preuve, à travers des investissements assez importants que le Maroc a réalisé au Sénégal. Ces investissements ont porté sur des secteurs aussi divers que celui des banques, des assurances, etc. Je pense que c'est de très bonne augure que le Maroc ne souhaite pas s'arrêter en si bon chemin et qu'il tienne à explorer d'autres opportunités, notamment dans le secteur des textiles. Le développement industriel, en général, est un levier de croissance important sur lequel nous appuyons nos ambitions de développement économique. Le textile a été identifié comme l'une des grappes de croissance sur lesquelles se fondent l'accélération du développement économique de notre pays. L'Etat sénégalais vient d'ailleurs d'annoncer, tout récemment, la restructuration et le redémarrage de deux des plus grandes sociétés du secteur. Ces relances servent à matérialiser la mouvance de relance industrielle dans laquelle nous nous inscrivons. Le potentiel des échanges et des investissements reste sous-exploité ? Absolument. Il est vrai que le potentiel des échanges entre les deux pays est encore énorme. Je pense aujourd'hui que les autorités publiques des deux pays ont œuvré sur ces dernières années à mettre en place un cadre propice aux échanges et aux investissements, de part et d'autre. Il faudrait désormais que les secteurs privés des deux pays puissent prendre le relais et s'emparer de ces opportunités relatives à l'amélioration continue de l'environnement des affaires entre le Maroc et le Sénégal. Les entreprises des deux pays devraient multiplier les partenariats stratégiques, notamment dans le cadre du PPP, pour booster ces relations économiques qui pourraient pourtant largement dépasser le niveau d'aujourd'hui. Tout en privilégiant l'approche Sud-Sud... Le Maroc est une économie avec laquelle le Sénégal partage des relations privilégiées. C'est aussi un pays qui a énormément de capacités d'investissements et qui pourrait investir au Sénégal et participer à l'émergence tant souhaitée à l'horizon 2017. Quelles mesures incitatives comptez-vous mettre en place ? Nous avons tiré beaucoup d'enseignements de notre classement au dernier rapport Doing Business de la Banque mondiale. Ce classement a donné lieu à réfléchir sur l'environnement des affaires au Sénégal. Nous avons décidé de saisir le taureau par les cornes et sommes engagés à revoir plusieurs volets liés à la compétitivité de notre économie, en l'occurrence au climat d'affaire global. Nous avons donc pris un certain nombre de mesures. Parmi ces dernières, figure par exemple un projet de simplification de la procédure de création d'entreprises. Cela devrait permettre désormais aux investisseurs qui souhaitent s'installer au Sénégal, de pouvoir monter leur business en moins de 48 heures. À termes, il s'agit d'aller progressivement vers la possibilité de créer des entreprises en ligne. Je crois que ce sont des avancées assez importantes. Nous comptions également multiplier les conventions de protection des investissements étrangers avec des économies partenaires, ainsi que de rapatriement en tout sécurité des bénéfices issus de leurs activités. Ce sera sous forme de conventions-cadres à développer avec des pays partenaires. Qu'en est-il de l'accord en négociation entre le Maroc et l'UEMOA ? Le projet est toujours à l'ordre du jour. Disons plutôt que les gouvernements de la région ont pour le moment en priorité la prochaine entrée en vigueur du tarif extérieur commun de la CEDEAO, à partir de janvier 2015. Cela n'a cependant jamais remis en cause notre volonté politique à arriver à une intégration des marchés de la région avec celui du Maroc. Les instances de l'UEMOA ont donné des directives à leurs experts portant sur l'évaluation de l'impact de la mise en œuvre de ces accords sur les économies de la région. La restitution des résultats devrait pouvoir nous permettre d'avancer dans les négociations avec le Maroc. C'est un travail de longue haleine et qui prendra le temps qu'il faudra, évidemment. Certains observateurs estiment que le Maroc privilégie le Sénégale... Nous revendiquons bien sûr des relations privilégiées avec le Maroc, mais ce n'est pas pour autant que nous remettons au second plan les obligations liées à notre intégration régionale. Les règles communautaires ne permettent plus aux économies membres de l'UEMOA de mener séparément des négociations d'accord d'ordre commercial avec un partenaire hors UEMOA. Toute négociation devra être conduite dans un cadre communautaire.