Qu'est-ce qu'un développement économique sans égard ni respect pour la justice sociale ? L'accroissement du chômage, les disparités socio-économiques, l'apparition de nouvelles formes d'exclusion et de pauvreté interpellent sur le «concept de développement». En effet, l'amélioration du bien-être ne se limite pas à la croissance de la production et à l'accumulation du capital, surtout de manière restrictive. Elle est conditionnée par l'extension des libertés humaines, à la fois «objectif et vecteur d'un développement pérenne». D'ailleurs, le printemps arabe a bien mis en exergue les incompatibilités criantes entre un développement purement économique et les défaillances socio-politiques. Loin d'être «un phénomène de privilèges», le développement «part du bas». C'est essentiellement d'une distribution de la connaissance et du travail, d'une intensification de synergies entre les dispositifs législatifs, de la liberté d'entreprendre et de la diffusion des savoirs qu'est générée la prospérité. «Tout bien ayant une signification sociale importante peut être aisément converti en un «pouvoir», devenant un moyen de domination pour ceux qui en disposent», disait le philosophe Michaël Valser. Les inégalités naissent toujours de ces moyens utilisés abusivement: l'argent, le pouvoir politique, l'identité raciale ou religieuse... Ils muent en des voies d'accès à «la gamme complète des biens sociaux». Ainsi, analyser «les mécanismes de formation des richesses» est essentiel à la lutte contre les inégalités et à leurs effets sur la paix sociale. Assurément, il existe une relation indéniable entre liberté économique, libertés civiles et liberté politique. Dans une économie où les moyens de production sont centralisés, les libertés civiles et la liberté politique ne peuvent prospérer. Par contre, quand les moyens de production sont répartis entre plusieurs individus agissant de manière indépendante, sans nécessité d'une intervention coercitive ou arbitraire, personne ne dispose d'un pouvoir absolu. Des institutions efficientes et indépendantes doivent permettre de fournir une réponse aux incontournables de la coopération sociale, dont les dispositifs d'incitation et de «réduction des incertitudes». Sans climat d'affaires sain, les individus ne sont pas encouragés à prendre des risques en investissant. Indéniablement, les fondements d'un système juridique compatibles avec la liberté économique sont l'Etat de droit, la sécurité du droit de propriété, un pouvoir judiciaire et des tribunaux indépendants. La notion de liberté permet, au-delà de toute défiance, de construire une nouvelle perspective de développement. Son déni entrave le progrès social puisqu'il freine l'implication des citoyens dans le processus de décision, diminuant ainsi leurs capacités d'entreprendre dans des secteurs d'économie produc tive, non sécuritaires, à l'instar de l'économie de rente. En découlent, de surcroît, ces «stéréotypes culturels» avec de grandes conséquences sur les façons de penser et d'agir, dont l'incapacité à relever les défis du développement. En effet, par l'affirmation répétée du droit au développement, se forge la volonté de ne pas renoncer à lutter contre l'archaïsme et l'involution. Le droit de l'homme au développement, c'est le refus de laisser le sous-développement l'emporter. D'ailleurs, dans les années 60, la Corée du Sud et le Ghana avaient le même revenu par habitant. Trente ans plus tard, la Corée est devenue 15 fois plus riche que le Ghana. Les Sud-coréens valorisaient l'investissement, le dur labeur, l'éducation, l'organisation et la discipline. La tentation d'établir un pessimisme économique sur des résistances culturelles, ou du «dogmatisme», est liée au pessimisme politique et à son anachronisme. Il est de la compétence du politique d'éclairer sur les origines et les conséquences des dysfonctionnements socio-économiques, d'évaluer les politiques publiques qui se donnent comme objectif de les solutionner, et de contribuer à leur élaboration avec des outils appropriés. Sa refonte et sa détermination peuvent agir comme un levain pour favoriser d'autres actions. Aussi la justice peut-elle imposer la bonne foi, condamner l'abus, la fraude, l'indignité des opérateurs économiques en introduisant une connotation morale dans la vie économique. Donner conscience aux citoyens de l'existence du droit et de son potentiel d'effets concrets, par une instruction civique juridique dès l'école, une communication médiatique constante sur la «valeur droit» et la liberté d'entreprendre, mettre tout en œuvre pour que la croyance en «la vertu du développement» ne soit pas outrageusement démentie... sont incontournables à un essor ancré dans une authentique dynamique citoyenne.