Au terme de deux jours de travaux à Douala, les organisations patronales des deux sous- régions ont convenu de la nécessité de renforcer leurs liens en vue d'un partage d'expérience, et ce afin de contribuer à l'accélération du développement des pays du continent. «Nous décidons d'instituer une alliance stratégique entre la FOPAO et l'UNIPACE». Cette phrase peut être considérée comme la principale résolution de la rencontre qui a regroupé, les 9 et 10 octobre derniers à Douala, les chefs d'entreprises de l'Afrique centrale réunis au sein de l'UNIPACE (Union des patronats d'Afrique centrale) et leurs homologues de l'Afrique de l'Ouest, regroupés au sein de la FOPAO (Fédération des organisations patronales d'Afrique de l'Ouest). Selon la «Dynamique de Douala», le communiqué final qui a sanctionné les travaux, cette alliance revêtira la forme d'une plateforme d'échanges organisée autour de trois pôles stratégiques. Il y aura, premièrement, le partage et la diffusion d'expériences, de connaissances et de programmes; deuxièmement, la réalisation de projets et études et, troisièmement, l'organisation d'une manifestation phare du monde de l'entreprise tous les deux ans. Comment en est-on arrivé là ? «En janvier 2014, explique Ousseine Diallo, le secrétaire exécutif de la FOPAO, il y avait le forum «Investir en Côte d'Ivoire». Au cours des discussions de coopération, il a été noté qu'il n'y avait pas de communication entre nos différentes régions, du point de vue du business, alors que dans ces régions, les entreprises fonctionnent très bien. On s'est dit : «pourquoi ne pas développer la coopération pour pouvoir profiter des bonnes pratiques des régions? Pourquoi ne pas monter des projets régionaux, profiter des opportunités qui existent et permettre à nos entreprises de grandir ?». Et André Fotso, président du Groupement interpatronal du Cameroun (GICAM) et de l'UNIPACE, d'ajouter : «l'Afrique va être pour les prochaines décennies la principale destination des investisseurs et des investissements du monde entier. Et si nous, les entreprises africaines, ne nous organisons pas, nous risquons de ne pas en tirer profit». Aussi les participants à la réunion de Douala se sont-ils accordés sur le fait qu'il est devenu «prioritaire d'agir et de réaliser ensemble, de mettre en commun les bonnes pratiques développées par chacun, de mutualiser nos moyens et de multiplier les partenariats afin d'investir dans des projets de dimension régionale, en vue de renforcer la coopération sud-sud à laquelle nous ne devons plus hésiter à recourir». Au cours des échanges, les chefs d'entreprises ont néanmoins reconnu que l'un des problèmes majeurs à surmonter dans cette nouvelle dynamique est la pesanteur de la monnaie. En effet, bien que l'Afrique centrale et l'Afrique de l'Ouest aient en partage le FCFA (franc de la communauté financière africaine), cette monnaie n'est pas interchangeable et il n'est pas possible de faire ses courses en Afrique de l'Ouest avec le FCFA de l'Afrique centrale, et vice-versa. Il faut chaque fois passer par une conversion en euro ou en dollar. «Les aspects de circulation et de monnaie sont des questions sur lesquelles on va travailler», rassure cependant Lakoun Ouattara, le directeur général de la Confédération générale des entreprises de Côte d'Ivoire (CGECI), précisant que «nous allons y travailler notamment avec nos autorités qui sont en charge de ces questions-là afin de voir comment, avec cette demande des deux blocs à travailler ensemble, l'on peut faciliter les opérations au niveau de la monnaie et de la circulation des biens et des personnes». Organisée autour du thème de la «Contribution du patronat à l'émergence de l'Afrique», la rencontre était la première du genre, même si les membres des deux grands regroupements ont déjà eu des contacts antérieurs. La prochaine session de cette plateforme d'échanges est prévue pour l'an prochain en Côte d'Ivoire, à Abidjan. L'espoir qui vient du patronat La rencontre qui vient de regrouper à Douala les organisations patronales de 21 pays d'Afrique centrale et de l'Ouest est la preuve que l'on peut compter sur le secteur privé pour l'accélération du processus d'intégration sur le continent africain. C'est la preuve aussi que les opérateurs économiques africains ont d'ores et déjà pris conscience du fait que l'Afrique ne peut pas véritablement prétendre à l'émergence si les échanges restent aussi marginaux entre les Etats qui la composent. Un rapport du Conseil économique et social des Nations Unies publié en 2013 indique en effet que «le commerce intra-africain représentait environ 12% du total des échanges du continent en 2010, alors que la majeure partie du commerce (88%) se faisait avec le reste du monde». Et bien que fluctuant d'une année à une autre, le niveau des échanges entre les pays du continent est resté constamment inférieur à 15% entre 2000 et 2010. La rencontre de Douala, qui n'est pas le premier contact solennel entre les créateurs de richesses des deux sous-régions (il y a eu septembre 2012 à Douala et janvier 2014 à Abidjan), porte en elle beaucoup d'espoirs, d'autant plus qu'elle coïncide avec l'implication des politiques. Car on n'a pas oublié l'appel du roi du Maroc, Mohammed VI, qui, le 26 septembre dernier, depuis la tribune des Nations Unies à New York, a vanté les mérites d'une plus intense coopération sud-sud. Thierry Ekouti, Dir. pub - Le Quotidien de l'Economie (Cameroun)