«Emplois ou privilèges, libérer le potentiel de création d'emplois dans la région Moyen-Orient Afrique du Nord» est le titre du nouveau rapport de la Banque mondiale sur la région MENA. Synthèse des recommandations de l'institution financière pour le Maroc. Le 29 janvier à HEM Casablanca, la Banque mondiale a tenu une rencontre de présentation de son nouveau rapport sur la politique de l'emploi dans la région MENA. Ce rapport (Cf. www.leseco.ma) avance l'hypothèse «que les politiques contribuant à affaiblir la concurrence dans les pays de la région MENA entravent le développement du secteur privé et la création d'emplois». Les économistes de la BM le confirment dans le cas du Maroc. Les constats Cette nouvelle étude couvre six pays: l'Egypte, la Jordanie, le Liban, le Maroc, la Palestine et la Tunisie. La première grande conclusion du rapport, valable pour le Maroc, concerne la faible création d'emplois. «Le marché de l'emploi a été faiblement performant pour une longue période, écrivent les auteurs. La région MENA connaît un des plus importants taux de chômage, dans la région, des jeunes diplômés et des femmes». Deuxième constat, vérifiable également au Maroc: le profil des entreprises créatrices d'emplois dans la région. Au Maroc, 87% des entreprises emploient moins de 16 salariés. Ces entreprises PME ou TPE ont de la difficulté à se développer. «Les start-up et les entreprises innovantes sont les moteurs de la création d'emplois dans la région MENA, mais elles peinent à se développer», observent les auteurs du rapport. «Ces entreprises se heurtent actuellement à une multitude d'obstacles qui, trop souvent, doivent leur présence dans l'environnement des affaires». Un constat confirmé par Jamal Belahrach, président de la Commission emploi au sein de la CGEM, invité à commenter à chaud les conclusions du rapport de la BM. «Les grandes entreprises marocaines ne sont plus dans une dynamique de création de l'emploi», affirme-t-il. Peu soutenues par des politiques efficientes, 20% des entreprises créées chaque année au Maroc déclarent faillite après seulement 5 ans d'activité. Seulement 10% des nouvelles entreprises arrivent à se développer. «Ces gazelles», comme les surnomment les économistes de la Banque mondiale, sont à l'origine des nouvelles créations d'emplois dans les six pays de l'étude, tout spécifiquement le Maroc et la Tunisie. Les conseils Les principaux domaines et axes de réforme à inscrire au programme d'actions pour le développement du secteur privé et de l'emploi au Maroc sont, selon la Banque mondiale, au nombre de quatre. Premièrement, le gouvernement devrait revoir certaines politiques qui réduisent la compétitivité des entreprises. Parmi ces politiques décriées, les auteurs citent les subventions énergétiques, le système discrétionnaire des licences d'exploitation et les barrières au commerce incluant les barrières non tarifaires. Les lois réglementant le recrutement, le licenciement, les déclarations en faillite peuvent également constituer un frein à la compétitivité des entreprises selon la BM. Deuxièmement, le rapport met en avant les réformes visant à réduire la portée des privilèges profitant à certaines entreprises connectées aux milieux politiques (voir encadré). «Ces mesures seront portées par une administration publique forte, dont les agents sont recrutés en fonction de leur mérite, qui mettra en œuvre les changements voulus et créera des marchés à l'épreuve du risque de mainmise», souhaite la BM. Ce document de 231 pages, rédigé par sept économistes de la BM, se focalise sur les politiques industrielles des six pays étudiés. Les auteurs arrivent à la conclusion suivante: «il est nécessaire d'apprendre des erreurs passées, en faisant la promotion de la compétition et de la performance des industries de ces pays, en faisant profiter toutes les entreprises de ce secteur des politiques de soutien mises en place à cet effet». Enfin, la BM insiste sur la nécessite d'impliquer la société civile dans la prise de décision sur ces questions, une démarche transparente et ouverte est recommandée. Enfin, il est à noter que ce rapport est le troisième sur le thème de l'emploi dans la région MENA en l'espace de quatre ans. Un premier rapport est paru en 2009, puis un deuxième a été publié en 2013. L'intérêt de ce troisième document réside dans le fait qu'il est le résultat d'un travail sur des bases de données réactualisées. Les entreprises connectées politiquement Le rapport présente une analyse exhaustive du «préjudice que les privilèges accordés à des entreprises ayant des liens avec les milieux politiques portent à la concurrence». En Egypte, la croissance de l'emploi diminue d'environ 1,4 % par an lorsque ces entreprises font leur entrée dans de nouveaux secteurs qui, auparavant, étaient libres de toute influence politique. Selon le rapport, toujours en Egypte, 71% des entreprises entretiennent des liens avec les milieux politiques, mais seulement 4% de l'ensemble des entreprises vendent des produits qui sont protégés par au moins trois barrières techniques à l'importation. En Tunisie, 64% des entreprises ayant des connexions politiques interviennent dans des secteurs soumis à des restrictions sur les investissements directs étrangers, contre 36% d'entreprises n'entretenant pas ce type de relations. Dans le cas du Maroc, la BM botte en touche: «Aucune donnée sur les connexions entre emplois et privilèges politiques au Maroc n'est disponible».