Une délégation russe est attendue au Maroc pour auditer les autorités sanitaires nationales ainsi que les méthodes utilisées pour la gestion du dossier de contrôle des unités industrielles souhaitant exporter vers le marché russe. Le Maroc a-t-il pu profiter de l'embargo russe sur les importations de fruits et légumes ainsi que des produits de la mer provenant des USA, du Canada et de l'UE ? Les opérateurs marocains pensaient, en effet, que le Maroc serait un des grands gagnants de l'embargo russe. Or,, semble-t-il, ce n'est pas encore le cas. Selon des opérateurs contactés par Les ECO : «Depuis que la Russie a annoncé, en août dernier, son embargo sur les produits US, canadiens et de l'UE, les opérateurs-exportateurs s'attendaient à voir les exportations marocaines s'accroître sur le marché russe, mais ce ne fût pas le cas», indique un industriel membre de la Fédération nationale des industries de la pêche (FENIP). Et ce n'est pas faute de demande. À l'Office national de la sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA), on indique que la demande des opérateurs marocains souhaitant exporter sur ce marché enregistre une hausse importante. «Nous oeuvrons actuellement pour l'établissement d'une troisième liste des unités industrielles de produits de la pêche, désireuses exporter en Russie. À partir de cette semaine, cette liste sera remise aux autorités sanitaires russes», déclare Abdelaziz Choukri, chef de service de l'hygiène alimentaire à l'ONSSA. Cela veut dire, souligne celui-ci, qu'«une demande importante est relevée aussi du côté marocain que russe». Il explique que «c'est sur la base des contrats conclus avec des sociétés russes que les opérateurs marocains demandent l'autorisation d'exporter sur ce marché, lequel connaît une demande importante sur les produits marocains». Pourtant, depuis la création de l'Union douanière Russie, Biélorussie et Kazakhstan, en 2012, de nouvelles exigences et une nouvelle charte ont été mises en place. Dès lors, les unités marocaines devaient respecter ces nouvelles exigences. Les opérateurs marocains doivent ainsi effectuer une demande pour pouvoir exporter sur le marché russe. Bémol: les délais de traitement de ces demandes par les autorités russes sont longs. C'est que le marché russe travaille selon un système d'enregistrement. Or, toutes les sociétés marocaines ne sont pas enregistrées. «D'où nos quatre réclamations aux autorités russes pour accélérer les procédures d'enregistrement», explique Choukri. Du côté des opérateurs marocains, on assure que quelques 42 unités industrielles agréées attendent, depuis 2012 des autorisations pour exporter vers ce marché. «En matière de réglementation, les exigences russes sont devenues draconiennes et certains exportateurs, pourtant agréés, n'arrivent plus à accéder ce marché», selon Ahmed Alaoui, un industriel exportateur de produits de la mer. «D'ailleurs, les opérateurs en question ont interpellé l'ONSSA pour intervenir auprès des autorités sanitaires russes au sujet des unités concernées», poursuit-il. À en croire cet opérateur, ce dossier traîne depuis maintenant trois ans, nourrissant l'inquiétude des opérateurs. Des avis mitigés Depuis quelques jours,ces industriels en arrivent à pointer du doigt la liste établie par l'ONSSA. Ahmed Alaoui, qui est aussi membre de la FENIP, soutient que «suite à l'envoi de cette liste aux Russes, les usines concernées ne peuvent plus exporter sur ce marché et se retrouvent aujourd'hui au chômage». Ce qui est demandé, selon cet opérateur, c'est d'activer la procédure pour que les opérateurs ne figurant pas dans la base de données russe «reprennent leur activité d'export le plus vite possible car les unités industrielles en question ont été agréées et avaient même conclu des contrats avec des opérateurs russes». Interrogé sur le sujet, le président de la FENIP, Hassan Sentissi est d'un tout autre avis. Il souligne que «c'est un faux problème. La Russie n'est pas un pays bananier. C'est un pays qui a ses normes et ses exigences à l'importation et les opérateurs doivent donc suivre la réglementation de cette union douanière». Ceci dit, l'on apprend que des responsables marocains sont en négociation avec leurs homologues russes pour l'accélération de l'enregistrement en vue de faciliter l'accès aux unités exportatrices marocaines ayant été pénalisées. Le sujet a, selon nos sources, été discuté lors de la dernière réunion de la Commission mixte maroco-russe, en septembre dernier à Rabat. Selon ces sources, il n'y a pas beaucoup d'avancées dans ce sens, mais les autorités compétentes marocaines ne comptent pas rester les bras croisés. D'ailleurs, aussitôt interpellée par les opérateurs en question, l'ONSSA a établi une autre liste. À ce sujet, le chef de service de l'hygiène alimentaire à l'ONSSA fait savoir qu'«en 2012, les autorités sanitaires marocaines ont procédé à la mise à jour des listes de tous les établissements ayant formulé la demande d'exporter leurs produits vers la Russie, mais, à ce jour, les autorités sanitaires russes n'ont pas encore fait de mise à jour». En septembre 2014, les Russes ont publié la première liste et n'ont pas pris en compte la deuxième envoyée en août dernier. Pour Abdelaziz Choukri, «le problème n'est donc pas au niveau de l'ONSSA, mais plutôt du côté des autorités sanitaires russes». En témoignent les nombreux courriers adressés aux autorités russes dans ce sens», soutient-il. Les responsables russes ont notifié à L'ONSSA que pour modifier leur base de données, «ils doivent d'abord faire un audit au Maroc», ajoute Choukri. C'est dans ce sens qu'une délégation russe se rendra l'année prochaine au Maroc en vue «d'auditer» les autorités sanitaires, à savoir l'ONSSA et la direction de l'industrie du poisson. Cette délégation devra aussi «auditer» les établissements marocains désirant exporter des produits halieutiques vers le marché de l'union douanière. Notre interlocuteur fait savoir qu'une visiteprogrammée en octobre 2014 a été reportée par la partie russe pour cause de planning chargé. «À l'ONSSA, nous nous engageons auprès des autorités russes pour que toutes les unités industrielles citées dans ces listes répondent aux normes», conclut le chef de service de l'hygiène alimentaire à l'ONSSA. Notons enfin que le marché russe représente seulement 6% des exportations globales. Environ 87 usines de produits halieutiques ont bénéficié de l'autorisation sanitaire des autorités russes afin de pouvoir exporter leurs produits, mais pour les autres établissements, ceux-ci devront prendre leur mal en patience et attendre que la date de la visite des responsables russes soit fixée.