Il était un peu plus de 18h, en ce lundi 27 mai, lorsque le président du Rassemblement national des indépendants (RNI), Salaheddine Mezouar, fit une entrée des plus triomphales dans la grande salle des fêtes de l'hôtel de ville de Meknès. Ils étaient près de 7.000 militants du parti à l'accueillir sous une chaleur des plus étouffantes, mais dans une ambiance festive que surchauffait, de temps à autre, une des plus grandes gloires de la musique nationale. Cette mobilisation, à la taille de l'attente de la délégation nationale qui arrivait de Kénitra, était composée entre autres des ministres Moncef Belkhayat, Yasser Zenagui et Anis Birou, les nouvelles têtes d'affiche du parti de la colombe. Amina Benkhadra se joint également au rythme des meetings et des journées de campagne explicative sur les enjeux du référendum constitutionnel qu'entreprend le RNI sur toute l'étendue du territoire national. Le RNI a décidé de sortir les gros moyens pour cette campagne référendaire, avec des activités de mobilisation au niveau de toutes les structures et deux meetings régionaux quotidiens pour Mezouar et compagnie, afin de galvaniser leurs troupes à l'approche de l'échéance du vendredi 1er juillet. Après la région du Grand Casablanca, Béni Mellal et l'Oriental, le président du RNI était le weekend passé au niveau de Fès, Tanger puis Rabat-Salé, avant d'atterrir en début de semaine à Meknès, puis Marrakech et Agadir et enfin bouclant la boucle par les provinces du sud, Laâyoune et Agadir, la veille du référendum. Un programme des plus chargés donc, mais que le RNI a tenu à respecter jusqu'au bout pour aller au devant des militants. Objectif : justifier les raisons qui ont guidé le RNI à «adhérer fortement au projet de réforme constitutionnelle en cours, qui constitue un tournant historique pour l'édification d'un Maroc véritablement démocratique et moderne», selon le président Mezouar. Le parti a, en effet, été un des premiers à se mobiliser en faveur du «oui», et la nature de la campagne qu'entreprennent les indépendants traduit largement les aspirations du parti pour les prochaines élections. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le discours du RNI s'est orienté vers les perspectives qu'offre le nouvel édifice démocratique national, propice à la réhabilitation de l'action politique, à une gouvernance efficace et de proximité ainsi qu'à l'émergence citoyenne, conditions préalables à «la résorption des déficits sociaux, économiques et spatiaux, qui constitue la principale attente des citoyens marocains». Ambitions électorales La campagne a pourtant un peu mal démarré pour le RNI. Le prix des grandes ambitions certes, mais aussi de certaines défaillances au niveau de l'organisation, partagée entre les vieux réflexes du passé et la nécessité de se servir de ce tremplin qu'offre la campagne référendaire pour jauger de l'impact de la nouvelle orientation du parti. À Casablanca, El Jadida et Fès, des rumeurs d'une «mobilisation achetée» ont couru après la sortie catastrophique de certains membres de la délégation, sous le mécontentement de la salle. La direction du parti, notamment son président, Salaheddine Mezouar, rejette en bloc ces accusations, mettant ces agissements sur le compte d'éléments perturbateurs et même pas «de divergences ou querelles internes au parti», comme certains le laissent entendre, et même si, de sources proches de la direction, une enquête interne a été ouverte. Il a d'ailleurs été décidé par le bureau national de maintenir le programme initial contre vents et marées, notamment après les mésaventures de certaines formations dans certaines localités du royaume. Le RNI s'est permis d'alterner meetings en salle et en plein air, comme à Tissa dans la province de Taouanate, où le président du parti s'est même laissé emporter par la liesse populaire dans un bain de foule sans doute revigorant, devant au moins 12.000 personnes. Mais plus les journées passent, plus le discours se rode et l'organisation s'affine. Il faut dire que c'est l'une des premières sorties électorales de «la nouvelle équipe portée par le courant réformiste, qui a pris la direction du parti depuis plus d'une année». En dépit des arguments qu'apporte à chaque fois Mezouar pour convaincre que le RNI reste «strictement dans le respect du contexte référendaire de la campagne en cours», le discours ne trompe guère. Le RNI a de grandes ambitions pour les prochaines élections communales et législatives, et se donne les moyens d'y parvenir. Ce nouveau positionnement un peu libéral mais qu'on annonce dosé avec une approche sociale, un élargissement de la base électorale et un programme axé sur une approche locale du projet de société, se décline dans les déclarations que fait le président du parti à propos du contenu de la nouvelle Constitution, précisant ce qu'elle apportera de nouveau pour les Marocains. C'est peut-être pour cela que les jeunes et les femmes constituent la grande majorité de l'assistance, à toutes les étapes de la tournée rniste. Cette tournée a connu ses moments phares à Tanger, Oujda, Salé et Meknès, où la mobilisation de militants entièrement acquis aux idéaux du parti, et donc à la nouvelle Constitution, était à son comble. S'il est difficile, avant les prochaines consultations électorales, de mesurer «l'effet Mezouar», ce qui est sur, c'est que la nouvelle dynamique prend corps, à coup de campagne médiatique et politique soigneusement orchestrée. Des militants que nous avions approchés n'ont cessé de mettre en avant «cette proximité avec le peuple» du président du parti, qui n'hésite pas à braver les difficultés pour rencontrer ses militants et qui plus est, semble bien connaître les spécificités régionales de chaque localité. Les militants sont surtout émerveillés de voir parfois Mezouar et compagnie esquisser quelques pas de danse et même entonner quelques refrains sur fond de musique locale et d'hymne du parti. Il est sûr que les résultats du référendum de demain et surtout le niveau du taux de participation seront indéniablement à l'actif de la classe politique et des structures associatives qui se sont mobilisées en faveur du «oui». Cependant, une autre certitude veut que certaines formations politiques comme le RNI ont saisi l'occasion pour mettre un pied dans les prochaines campagnes électorales, à l'enjeu incontestablement plus crucial. La présence du parti de la colombe sur le champ public, et l'engagement de nouvelles figures, témoins de l'émergence d'une nouvelle élite dont le parti veut véhiculer l'image, en disent long sur «les velléités électorales du RNI». Pour beaucoup des membres du parti politique, tant au niveau national que régional, l'image d'un «Mezouar Premier ministre» s'affirme, surtout au regard du chamboulement que connaîtra certainement le champ politique national. Confirmation lors des législatives prochaines. D'ici là, le parti aura certainement plus de visibilité avec la publication, pour les prochains mois, du programme politique du RNI et surtout des alliances stratégiques que le parti entend nouer. Le premier test pour Mezouar dans sa conquête des électeurs...