Le cuir, un des métiers mondiaux du Maroc est actuellement dans une très mauvaise passe. En effet les exportations de la matière semi-finie (strain/crut) ont atteint des seuils dangereux. Entre 2009 et 2010, elles sont passées de 925 tonnes à plus de 15.000 tonnes. Derrière, les grosses demandes provenant de l'Italie, la Turquie et la Chine. Cette situation a engendré des hausses de prix causant à leur tour des perturbations de l'approvisionnement des artisans, des tanneurs et des industries de transformation du cuir. Selon les professionnels, le prix de la peau brute/ovin est passé de 20 à 70DH et celle du bovin de 180 à450 DH. Pire encore, le prix du pied carré (mesure dans le secteur) grimpe chaque semaine de 2 à 3 DH. À Fès, considérée comme le premier marché des peaux brutes, cette matière est en rupture. Résultat, les spéculateurs font le marché. Selon les professionnels, ces derniers ciblent surtout les entreprises avec une bonne assise financière capable de régler sur le champ le prix des commandes. Ce nouveau phénomène est aujourd'hui en train de détruire le tissu industriel et artisanal marocain. Certains grands opérateurs n'arrivent pas à honorer leurs engagements faute de matière première. « C'est le cas d'un tanneur à Marrakech qui a dû renoncer à une commande ferme de 100.000 pieds carrés», affirme-t-on auprès de la Fédération marocaine des industries du cuir (FEDIC). Toujours selon cette dernière, ces exportations massives conjuguées à la spéculation ont déjà été à l'origine de fermetures de quelques TPE. Pour faire face à cette situation, la Fédération marocaine des industries du cuir (FEDIC), a saisi le ministère du Commerce extérieur. Cette saisine a été à l'origine de l'adoption de certaines mesures pour arrêter l'hémorragie. Il s'agit du contrôle systématique des exportations de ces produits, en vue de prévenir le risque de substitution du cuir semi-fini par le wet blue, ce dernier étant soumis à licence d'exportation. En même temps la valeur des exportations de ces produits sera également contrôlée afin de contrecarrer «les manœuvres éventuelles en termes de facturation à l'exportation». De son côté, la FEDIC à saisi le Conseil de la concurrence «pour démanteler d'éventuels monopoles». Enfin, pour l'application de ces mesures, un comité interministériel public-privé a été mis en place. Cela étant, cette situation est la résultante directe de l'absence de maîtrise de l'approvisionnement. D'ailleurs, une étude sur le secteur commanditée par le ministère de tutelle a recommandé l'installation d'une bourse de cuir à l'instar de ce qui est pratiqué sous d'autres cieux. Cette bourse devant bien évidemment permettre de contrôler les approvisionnements et contrecarrer les spéculations. L'étude confirme également un constat connu depuis longtemps. Il s'agit de l'informel qui range le secteur et qui contribue à la non maîtrise des approvisionnements. L'étude recommande aussi une restructuration aussi bien en aval qu'en amont du secteur. Selon cette étude, les peaux marocaines ont une bonne qualité mais souffrent de certains défauts liés notamment à l'élevage (maladie) à l'abattage et à la conservation. Aussi a-t-elle recommandé de cartographier les abatoires mécaniques existant au Maroc et de mener des campagnes de sensibilisation auprès des éleveurs. Par ailleurs le secteur soufre également du phénomène de sous-facturation. A titre d'exemple, prés de 90% des 45 millions de chaussures qui sont vendue chaque année sur le marché marocain sont d'origines chinoises. Selon les professionnels, qui ont d'ailleurs saisi la douane à ce sujet, «le prix de revient moyen de ces chaussures chinoise est de 8 DH alors que celui des autres chaussures varie entre 80 et 100 DH».