Les Marocains d'Espagne poussent un ouf de soulagement. Désormais, ils pourront prendre part à la vie politique espagnole si le projet de la nouvelle Constitution est adopté. L'article 30 a fait le bonheur des associations et des ONG œuvrant pour les droits des Marocains en Espagne. Il stipule que «Les étrangers jouissent des libertés fondamentales reconnues aux citoyennes et citoyens marocains, conformément à la loi. Ceux d'entre eux qui résident au Maroc peuvent participer aux élections locales en vertu de la loi, de l'application de conventions internationales ou de pratiques de réciprocité». De facto, les Marocains peuvent aussi bénéficier de ce droit sur leur lieu de résidence. Le combat pour l'intégration des Marocains dans leur pays d'accueil a fini par triompher. «C'est un grand pas en avant pour notre intégration dans notre pays d'accueil», jubile El Hassane Jeffali, président de l'association catalane Adib Biladi. Les associations n'ont pas cessé de frapper à toutes les portes pour en finir avec cette injustice. L'Espagne avait permis à plusieurs nationalités de participer activement à ses élections municipales, à travers le principe de réciprocité, une occasion que plusieurs pays d'où sont originaires les immigrés installés sur le sol espagnol, ont saisie au vol, sauf le Maroc car cette décision ne pouvait découler que d'une révision de la Constitution. Malgré les multiples critiques formulées à l'encontre du Conseil de la communauté marocaine à l'étranger par les acteurs sociaux, il faut reconnaitre que les membres originaires d'Espagne ont fait de cette affaire leur cheval de bataille. Des lettres ont été adressées au Souverain afin de rectifier le tir. Mais selon une source digne de foi, les MRE étaient à deux doigts de rater ce virage historique. «Dans la version présentée par la commission présidée par Abdelatif El Menouni, aucune mention n'a été faite de cet article. Ce n'est que dans la version présentée par le conseiller royal Mouatassem que l'article a été introduit», confie notre source. Une chose est sûre, le rôle des Marocains dans la société espagnole se confirme. «On peut mieux se défendre avec cette nouvelle donne. Les partis racistes et xénophobes réfléchiront à deux fois avant de nous pointer du doigt ou de nous faire porter le chapeau de l'insécurité et de la décadence économique», estime El Jaffali. De même, les Marocains peuvent se porter candidats aux élections et décrocher des postes de conseillers dans les municipalités à forte concentration marocaine. Dorénavant, les partis de la droite mettront de l'eau dans leur vin en parlant des Marocains. Les arguments anti-immigration, érigés avant comme slogans électoraux céderont la place à des campagnes moins virulentes pour les immigrés marocains. Sans l'ombre d'un doute, on peut parler à présent d'une redistribution des cartes sur la scène politique espagnole. D'ailleurs, ce point de grande importance pour les Marocains d'Espagne n'échappe pas aux Espagnols eux-mêmes. Dans une analyse du projet de la nouvelle Constitution publié par le think thank Instituto Real El Cano, l'universitaire Bernabé Lopez García n'a pas manqué de mettre l'accent sur cet article. Selon lui, un demi-million d'électeurs vont pouvoir voter dorénavant. «Si cela s'était produit avant le 22 mai, le résultat dans plusieurs municipalités aurait pu être différent», analyse Lopez. Voilà ce qui résume le poids de la communauté marocaine au sein de la scène politique espagnole. Pourquoi tant de retard ? Selon les explications données aux intéressés lors des différentes rencontres organisés en Espagne et au Maroc, les responsables marocains craignaient une influence du vote des étrangers dans le cours de la politique marocaine. «Mais il s'agit plus d'un enrichissement pour la gestion locale. Les étrangers sont rompus à l'exercice démocratique. De plus, le Maroc pourrait tirer profit de l'expérience des ces candidats s'ils décident de se présenter aux élections», souligne le militant associatif. Concernant les articles 16, 17 et 18, s'intéressant à la participation des Marocains résidant à l'étranger à la vie politique comme électeurs et éligibles, le flou règne toujours. Certaines associations estiment que le fait que le projet en parle est une avancée, mais les modalités de cet acte restent à définir et c'est là où le bât blesse. L'exercice repose sur la loi portant sur les élections, laquelle devrait détailler les modalités de cette participation. À ce niveau, on prévoit que la question sera remise aux calendes grecques. «De notre part, nous ne lâcherons pas prise et nous continuerons notre combat jusqu'à ce que tous nos droits soient pris en considération», assure avec ferveur El Jaffali. Seul bémol pour mener à bien cette mission, le financement. En effet, les associations installées en Espagne se plaignent du manque de ressources pour sensibiliser les citoyens à la portée de la participation au référendum. «Nous avons soulevé cette question lors de notre rencontre organisée au Maroc le week-end dernier, mais nous n'avons reçu aucune réponse à ce propos», regrette El Jaffali.