Lorsque Alfred Hitchcock avait décidé, en 1938, de tourner à Ouarzazate son film devenu culte, «L'homme qui en savait trop», il ne soupçonnait point que cette petite ville située au sud du royaume allait devenir un jour la destination privilégiée des cinéastes internationaux. Diversité des paysages, lumière exceptionnelle, main-d'œuvre qualifiée, figurants abondants... font de Ouarzazate la «Hollywood de l'Orient». Des années durant, cette cité pourtant calme a été le théâtre de la «fabrication» de films inoubliables tels que «Ali Baba et les 40 voleurs» de Jacques Becker, «Gladiator» et «Kingdom of Heaven» de Ridley Scott, «Astérix et Obélix» d'Alain Chabat, «Un thé au Sahara» de Bernardo Bertolucci ou encore «Le diamant du Nil» de Lewis Teague. Une longue liste qui démontre que la ville a su au fil des années charmer les plus grands réalisateurs. «Outre toutes ces caractéristiques qui font de notre ville un véritable temple de cinéma, nous proposons aux professionnels des coûts de production inférieurs de 50% à ceux pratiqués aux Etats-Unis. Des facilités administratives et logistiques sont également accordées», nous explique Abdessadek El Alem, secrétaire général de «Ouarzazate Film commission». Les membres de cette commission se sont d'ailleurs déplacés récemment à Los Angeles pour promouvoir la destination Ouarzazate. Un musée pas comme les autres Conscient de l'importance de renforcer l'infrastructure d'une région aussi prisée par les grands producteurs américains, le gouvernement a mis en place trois studios – y compris un musée de cinéma-, une faculté pluridisciplinaire spécialisée dans les métiers du cinéma ainsi qu'un centre de l'OFPPT qui forme chaque année un nombre important de techniciens. «Les moyens humains demeurent parmi les points forts de notre région. Il y a une véritable diversité ethnique, une main-d'œuvre bon marché, des artisans et des techniciens qualifiés... Vous savez, nous commençons à exporter notre savoir-faire dans le domaine en Tunisie par exemple», ajoute El Alem. En visitant le musée du cinéma, créé en 2007, on se rend vite compte du talent des artisans et des techniciens locaux. Les décors qui y sont installés (ils se renouvellent perpétuellement) pour les besoins de tel ou tel film, impressionnent les visiteurs. S'étalant sur une superficie de trois hectares, ce musée-studio de cinéma situé en plein centre-ville de Ouarzazate a servi de lieu de tournage pour bon nombre de productions internationales. Une prison qui date de l'ère des Romains, un temple ou encore la salle du trône sont fièrement installés depuis quelques années. En se promenant dans les différents endroits de ce palace fictif, on se pose tout naturellement cette question : «le cinéma est-il un art ou une industrie ?». «C'est une question que l'on se pose depuis de nombreuses années. Je pense qu'il s'agit d'une industrie parce que le réalisateur n'est intéressé que par les décors qui seront pris en image, d'où l'absence de la notion artistique dans tout le processus», explique le SG de «Ouarzazate Film commission». Un spectacle majestueux et des retombées importantes Loin du musée du cinéma, à 3 km à l'entrée de la ville plus précisément, s'érige le plus grand studio de la ville : Atlas Corporation. Créé en 1983 sur une superficie de 30 hectares, ce studio offre un spectacle grandiose. Entouré de Pharaons, le studio Atlas a abrité le tournage de grands films comme «Kingdom of Heaven» de Ridley Scott. D'ailleurs le village conçu spécialement pour cette production est toujours en place. « Les studios Atlas et Cla sont complémentaires. Alors que le premier offre un remarquable décor naturel, le deuxième se distingue par ses installations modernes qui répondent aux normes internationales», nous explique Amine Tazi, directeur des studios Cla et Atlas. «Vous savez, ce qui impressionne avec les Américains c'est qu'ils débloquent un budget énorme et passent des mois pour installer un décor. Une fois le tournage entamé, ils ne l'utilisent que pour quelques minutes. C'est le cas de Gladiator où la scène tournée au Maroc n'a pas dépassé 28 minutes», nous souligne Imad, un jeune guide, lauréat du centre de formation des métiers de cinéma (ce centre qui a fermé ses portes a été initié par le réalisateur Mohamed Asli en partenariat avec la région italienne Lazio). Grâce à ses trois studios de cinéma (Atlas, musée du cinéma et Cla Studio), l'activité touristique et économique de Ouarzazate et de sa région connaît un nouvel essor. En effet, le tournage des productions étrangères génère annuellement (selon les chiffres de 2005) un chiffre d'affaires supérieur à 100 millions de dollars et crée des milliers d'emplois. « En 2010, une vingtaine de productions ont été tournées dans nos studios. Ces productions qui varient entre longs et courts métrages, films documentaires et publicitaires ont généré 1.000 postes d'emploi directs. «Il y a des gens qui passent des mois à attendre l'arrivée d'une équipe de tournage étrangère... C'est devenu presque leur seule raison d'existence», ajoute Imad. Les exemples sont là pour prouver à quel point les productions étrangères peuvent changer la donne de toute la région. Lors du tournage d'Astérix (c'est grâce à la star franco-marocaine Jamel Debbouze que ce film a été tourné au Maroc) qui a duré 14 semaines, 2.500 figurants et 900 techniciens ont participé à cette méga-production. Mieux, entre 1997 et 2001, 340 tournages ont rapporté un total de près de 1,4 milliard de DH. Un chiffre qui en dit long sur les retombées socioéconomiques du cinéma sur la région. Le tourisme demeure ainsi parmi les grands bénéficiaires de cette situation. Selon le directeur des studios Cla et Atlas, les différentes installations cinématographiques sont un vecteur d'attractivité touristique. «Nous développons depuis quelques années le cinétourisme en permettant aux touristes locaux et étrangers de visiter nos studios. Ce n'est pas tout, nous proposons aux entreprises d'y organiser des team building, des soirées inédites inspirées du temps des Romains ou des Pharaons». Une ambiance unique digne d'une ville comme Ouarzazate !