Rectifier le tir. C'est dans ce grand chantier de mise à niveau que semble vouloir se lancer le département de l'Environnement. Face à la mise à flot continue, de nombreux projets d'extension portuaire et un trafic en intensification (au cours du premier trimestre 2011, le port Tanger Med a enregistré un trafic de 8 millions de tonnes, soit une augmentation de 106% par rapport au premier trimestre de l'année passée), la tutelle s'est enfin décidée à «évaluer» la pertinence du Système national de lutte contre les pollutions marines accidentelles. Une étude est en préparation dans ce sens. Il s'agit là de dépoussiérer un décret vieux de quinze ans déjà ( portant le n° 95-717) relatif à la préparation et à la lutte contre les pollutions marines accidentelles. Dailleurs le texte d'application de ce décret, instituant le Plan d'urgence national de lutte contre les pollutions marines accidentelles (PNU), n'est en vigueur que depuis 2003. L'objectif était en effet de faire face aux pollutions marines accidentelles massives et aux menaces sérieuses. Toutefois, les lacunes et manquements de cette stratégie – qui semble caduque face aux évolutions des infrastructures portuaires et la hausse de la menace ces dernières années – n'ont pas tardé à se faire sentir. De fait, pour la mise en œuvre de ce Plan, le département de l'Environnement organise depuis chaque deux ans des exercices de simulation en partenariat bien sûr avec les départements civils et militaires concernés. La plus récente de ces simulations remonte à l'année dernière, à Tanger. Une région dont le littoral est fortement menacé par les pollutions accidentelles. Cinq millions de tonnes de fuel par an transitent par le détroit de Gibraltar, selon les derniers chiffres connus. Une première évaluation de ces tests grandeur nature a permis de déceler plusieurs failles dans ce PNU. Dysfonctionnement Ces défaillances ont pour objet, en tête de liste, «le manque de moyens de communication et le retard dans la circulation de l'information, ainsi que l'insuffisance des moyens de lutte spécifique», relève-t-on de source ministérielle. Un problème dont on avait d'ailleurs déjà conscience. «À ma connaissance, il n'existe en effet aucune société spécialisée dans la gestion des cas de pollution maritime. Si une marée noire de grande ampleur se produisait au niveau de nos côtes, l'Etat serait obligé de faire appel à des entreprises étrangères», nous expliquait Mustapha Belfaquir, membre du directoire de la société Drapor. L'enseigne, filiale du groupe éponyme, est spécialisée dans le dragage des ports, qui constitue sa principale activité au Maroc. Par ailleurs, s'ajoutent aussi des dérèglements d'ordre technique, allant de «l'insuffisance de communication entre le poste de commandement national et le poste de commandement local», à «l'absence de support cartographique montrant les zones sensibles à protéger et utile à la prise de décision». Même la couverture médiatique aurait été jugée «mauvaise», pourtant capitale pour informer les populations des zones touchées en cas de situation d'urgence. Les maux à corriger sont donc légion. Réparatrice Pour le détail, l'étude que s'apprête à lancer le département de l'Environnement vise ainsi à établir une évaluation critique du système national existant de lutte contre les pollutions marines accidentelles et d'identifier les mesures à prendre pour sa mise à niveau. La tutelle commencera d'abord bien sûr par identifier les déficiences du système, précisant ainsi «les éléments du Plan à réorienter, à réviser et/ou à améliorer suite aux résultats de l'évaluation». Des procédures d'évaluation du PNU seront ainsi mises en place sur la base d'un processus de concertation, pour en tirer un plan d'action pour améliorer le système existant. Dans cet ensemble, le volet financier sera sans doute déterminant. La mise en œuvre d'opérations de dépollution et de lutte contre les marées noires est réputée chère. Un exemple, il faut savoir qu'un navire dépollueur coûte en moyenne 30 millions d'euros, soit à peu près 337 millions de dirhams. Le coût élevé des équipements décourage ainsi déjà tout investissement pour mettre en place des structures spécialisées dans le domaine. Du préventif à l'opérationnel La configuration actuelle du PNU n'a pas bougé depuis son institution en 2003. Elle se structure autour de plusieurs dispositions, dont la première est la mise en place d'un système approprié de détection et d'alerte en cas de pollution marine massive. Au-delà du préventif, l'opérationnel prévoit «l'organisation rapide, efficace et coordonnée des actions de prévention et de lutte». L'objectif est de définir les principaux éléments de cette organisation, en termes notamment de gestion rationnelle des moyens de lutte, de répartition des responsabilités et des tâches, de recensement des zones les plus sensibles à protéger en priorité, ainsi que l'aménagement des sites de stockage pour les produits récupérés. Par ailleurs, le PNU prévoit aussi un recours à la coopération internationale. À cela s'ajoutent également les dispositions de «gestion comptable des opérations en vue d'une indemnisation ultérieure éventuelle». La gestion du stock de produits et d'équipements anti-pollution ainsi que la mise à jour de l'inventaire des moyens disponibles en personnel et en matériels figurent parmi ces mêmes dispositions. Enfin, «la formation d'un personnel» est le maillon qui vient compléter la chaîne. De plus, du côté du ministère de l'Equipement et des transports, on compte aussi intervenir sur un autre front, celui des pollutions d'origine criminelle. Un projet de législation, portant sanction des rejets illicites de matières polluantes par les navires, est en effet actuellement dans le circuit. Ce texte, à terme, devrait s'appliquer «aux navires marocains où qu'ils se trouvent, ainsi qu'aux navires étrangers se trouvant dans les eaux sous souveraineté ou juridiction nationales», précise-t-on auprès du ministère de Karim Ghellab. À cet aspect réglementaire s'ajoute celui opérationnel, qui se limite toutefois à la surveillance du littoral. Pour le cas précis du détroit de Gibraltar, le ministère a tenté de prendre les devants en construisant sur place un centre de surveillance du trafic maritime à Tanger, baptisé CSTM Tanger«Tangier Traffic». Cette structure a pour mission, entre autres, de «coordonner des opérations de lutte contre la pollution marine accidentelle», nous explique-t-on auprès de la direction de l'agence spéciale Tanger Med (TMSA).