Trois semaines après le lancement de l'appel à manifestation d'intérêt de la SMVK (Société marocaine de valorisation des kasbahs) pour la sélection des kasbahs et ksours qui feront l'objet d'un vaste programme de réhabilitation, le ministre du Tourisme et de l'artisanat Yassir Zenagui a présenté vendredi à Ouarzazate les grandes lignes du projet de mise en valeur touristique de ces kasbahs. S'inscrivant dans le cadre du programme Patrimoine & Héritage qui fait partie des six programmes structurants de la Vision 2020, «ce chantier est le premier à être concrétisé», a précisé à plusieurs reprises Yassir Zenagui. Ce chantier vient donc au secours de ces édifices historiques qui tombent en ruine. En effet, «l'objectif de ce projet est de donner une dimension économique, sociale et humaine à ces vestiges du passé, en les préservant contre les menaces qu'ils encourent et surtout en faisant revivre une partie de l'histoire et de la culture marocaine reléguée aujourd'hui au second plan», a-t-il ajouté. Le projet de mise en valeur touristique des kasbahs devrait donc contribuer à la création de nouveaux postes d'emploi (à travers notamment la formation des jeunes de la région) et à l'intégration de la population locale (vente des produits du terroir...). S'étalant sur la période 2011-2013, la première phase de ce projet nécessite un budget de 400 millions de dirhams, dont 150 MDH en fonds propres. Le projet est en effet piloté par les trois acteurs nationaux qui constituent le tour de table de la société-projet SMVK, en l'occurrence Madaëf (filiale de la CDG), la SMIT (Société marocaine d'ingénierie touristique) et le groupe Akwa. «À travers la création d'un produit touristique unique qui préserve le patrimoine, financé par l'Etat et le secteur privé, nous voulons installer un effet boule de neige, en encourageant d'autres partenaires privés à s'intéresser à ces kasbahs», a expliqué le ministre. Forte implication des propriétaires Avant le lancement de cette initiative, plusieurs études ont été menées par le ministère du Tourisme, afin de spécifier les besoins de la population locale, ainsi que la nature du partenariat avec les propriétaires des kasbahs sélectionnées. Le processus de sélection, lui, est appliqué sur deux étapes. La première consiste à présélectionner selon des critères juridiques, architecturaux, historiques et géographiques les kasbahs. À l'issue de la seconde étape, les dix kasbahs objet du programme de revalorisation pour la période 2011-2013, seraient sélectionnées selon des critères techniques, juridiques et financiers. «L'appel à manifestation d'intérêt est ouvert jusqu'au 21 juin aux personnes physiques ou morales propriétaires, représentantes des héritiers ou ayants droit des kasbahs et ksours, qui doivent être localisés au niveau des provinces de Ouarzazate, Zagora et Tinghir», précise-t-on auprès de la SMVK. Outre la préservation des kasbahs détériorées pour des raisons climatiques, sociales, historiques et tribales, le projet, qui cible dans un premier temps la région de Souss-Massa-Drâa (le choix de cette région n'est pas anodin, puisque Marrakech Tensfit-Al Haouz et Souss-Massa-Drâa couvrent plus de 50% des arrivées touristiques au Maroc), aspire à l'implication des habitants de la région, afin de ne pas déshumaniser ces vestiges. «Trois formules sont proposées aux propriétaires : vendre leurs kasbahs, les louer ou participer au projet de leur réhabilitation», est-il ajouté. Une fois réhabilitées, ces kasbahs transformées en hôtels auront, selon les participants au projet, des retombées positives sur la région du Sud, en particulier et sur le royaume en général. Préserver une partie de l'histoire et du patrimoine de la marginalisation et de la disparition, garantir la sauvegarde et l'entretien du patrimoine concerné, augmenter le niveau de vie dans la région, assurer le désenclavement et limier l'exode à travers la création de nouveaux emplois, l'utilisation des produits du terroir, multiplier les postes de dépenses pour les visiteurs, promouvoir le tourisme culturel et renforcer la marque Maroc, telles sont, entre autres, les retombées escomptées. Toutefois, Yassir Zenagui a souligné que tous ces objectifs ne peuvent être atteints sans une restauration stricte des bâtiments avec les matériaux d'origine. L'objectif est de garder tout le charme des bâtisses. Dans le même registre, le directeur général de Madaëf, Abderrahmane El Ouazzani, a affirmé que la réussite commerciale de ces établissements repose sur une restauration en l'état des bâtiments, afin de leur conserver leur authenticité. Quid du ministère de la Culture ? Partenaire majeur du ministère du Tourisme pour la mise en place de ce projet, le département de Bensalem Himmich veut mettre à la disposition de la SMVK l'expérience accumulée par la direction du patrimoine et de l'Institut national d'archéologie. «À travers la mise en valeur touristique des kasbahs, nous allons œuvrer pour l'immunisation de l'activité touristique au Maroc, pour qu'elle soit en mesure de créer davantage d'emplois et de contribuer à la promotion de l'héritage civilisationnel national», a précisé le ministre de la Culture. Ainsi, ce projet compte tirer profit de la dynamique mondiale en matière de tourisme culturel. Ce segment représente aujourd'hui environ 35% de la clientèle touristique au niveau mondial. «Vous savez, 39% des touristes qui comptent venir au Maroc s'intéressent au tourisme culturel», précise le ministre du Tourisme. De son côté, le directeur général de la SMIT, Imad Barrakad, a donné l'exemple de la réussite des modèles des Paradores en Espagne. Ce projet vise notamment l'entretien de monuments historiques convertis en hôtels de bonne qualité. La mise en valeur touristique des kasbahs, très bien accueillie par les professionnels du secteur dans la région, devrait donc mettre en place un nouveau type de tourisme à Ouarzazate et sa région, dont le nombre de touristes devrait s'établir à 1,9 million, pour des recettes de voyages de 13 milliards de DH, et un PIB touristique direct de 13,1 milliards de DH. Cependant, l'accès à ces kasbahs et ksours demeure le maillon faible de toute la chaîne. «J'avoue que le transport reste notre point faible. J'espère qu'on arrivera à mettre en place, avec le ministère du Transport, une stratégie pour y remédier», conclut Yassir Zenagui. Des rôles déterminants à jouer pour la SMVK Créée en marge des 10e Assises du tourisme en novembre 2010, la Société marocaine de valorisation des Kasbahs (SMVK) qui a tenu vendredi à Ouarzazate son premier conseil de surveillance, vise à porter le projet de la mise en valeur touristique des Kasbahs. Cette nouvelle entité ( qui élargira son intervention notamment uax kasbahs, médinas ou autres bâtisses anciennes) se veut un instrument qui contribuerait à amorcer une dynamique de réhabilitation du patrimoine. De ce fait, elle a de multiples intérêts : patrimonial, touristique, économique et social. Au niveau du patrimoine, la SMVK contribuera à préserver et valoriser un patrimoine architectural ancestral. Elle se présente également comme une importante force de développement territorial à même d'attirer et de faire découvrir aux touristes des régions peu ou pas connues. Sur le plan économique, la société dont le siège se trouve à Ouarzazate favorisera les investissements touristiques régionaux tout en générant des retombées sur les économies locales. Elle est considérée également comme un moyen de fixer les populations locales en créant de l'emploi et des activités génératrices de revenus. Par ailleurs, la SMVK structurera son intervention autour des quatre axes suivants : récupération des bâtisses, réhabilitation du patrimoine architectural, reconversion en activité génératrice de revenus et enfin consolidation autour d'une marque. Engouement pour Ouarzazate Au cœur de la Vision 2020, la ville de Ouarzazate et sa région ont été fortement présentes lors des dernières assises du Tourisme, qui ont eu lieu en novembre 2010 à Marrakech. En effet, sur les 10 conventions signées lors de ces assises, deux concernent directement cette région. Outre la première, relative à la création de la Société marocaine de valorisation des kasbahs (SMVK), une deuxième convention dédiée au projet «Ouarzazate, destination carbone neutre en 2015» a été également signée. Cette convention cherche à donner un label à cette destination qui devra par ailleurs loger un complexe d'énergie solaire de 500 MW, sur un site s'étalant sur une superficie d'environ 2.500 ha. La mise en service de la première phase de ce méga-projet est prévue pour le début de l'année 2014.