L'une des principales raisons qui font de ce Siam 2014 un cru au goût bien particulier, c'est que la loi de Finances encadrant l'actuel exercice fiscal a activé le processus de fiscalisation du secteur agricole. En effet, une imposition progressive des sociétés agricoles est en marche depuis le 1er janvier dernier pour assujettir aux taxes les grandes sociétés agricoles qui réalisent un chiffre d'affaires supérieur ou égal à 5 MDH. Cette mesure, rappelons-le, a été introduite conformément à l'instruction royale formulée dans le dernier discours du trône. «Ayant à cœur de marquer notre sollicitude pour cette catégorie de la population, nous continuerons à la faire bénéficier de l'exonération fiscale. Cette exemption cessera d'être en vigueur à la fin de l'année en cours pour les gros investissements agricoles, mais nous la maintiendrons en vigueur pour la moyenne et la petite agriculture», a ainsi exprimé le souverain dans son discours. On l'aura donc compris : l'exonération fiscale accordée au secteur de l'agriculture est maintenue uniquement au profit de la moyenne et la petite agriculture. Cependant, ce sont les sociétés qui génèrent un chiffre d'affaires supérieur ou égal à 35 MDH qui se trouvent concernées par la mesure et ceci jusqu'au 31 décembre 2015. Début 2016 viendra le tour des exploitants agricoles qui réalisent un chiffre d'affaires supérieur ou égal à 20 MDH et qui auront jusqu'à 31 décembre 2017 pour se conformer. Le dernier palier, qui couvre les sociétés dont le chiffre d'affaires est supérieur ou égal à 10 MDH, rentrera dans le périmètre d'imposition à partir de début 2018 jusqu'à fin 2018 puis jusqu'au 31 décembre 2019. Dans ce contexte, d'ailleurs, le souverain avait invité le gouvernement à mettre en place une agence spéciale qui veille à mettre en adéquation la stratégie agricole et l'espace territorial de la population concernée, surtout dans les régions montagneuses où l'exploitation des terres marque un certain recul. «Ces efforts doivent être menés en parfaite complémentarité avec les programmes d'aménagement du territoire», a souligné le roi à ce sujet. L'enjeu de cette fiscalisation du domaine agricole, qui a suscité de vifs débats dès l'annonce de la mouture de la proposition de la loi de Finances 2014, est celui de la participation du secteur agricole aux ressources publiques et à l'effort de développement national. Une équation supposant, d'une part, d'assurer au secteur agricole son élan tel que tracé par le Plan Maroc Vert et, d'autre part, le faire contribuer sans pour autant mêler agriculture vivrière et grandes exploitations. Le CESE est passé par là ! Notons que le Conseil économique, social et environnemental (CESE) avait étudié de près la question de la fiscalisation du secteur agricole. Le constat du CESE traçait déjà l'orientation prise par le gouvernement quelques mois plus tard, puisqu'il avait estimé nécessaire d'imposer les grandes exploitations. La fiscalisation doit jouer un rôle structurant en faveur du développement du secteur agricole dans sa spécificité (...) C'est pourquoi une étude approfondie de la mise en place de la fiscalité agricole est à lancer rapidement», expliquait le Conseil dans son rapport publié en novembre 2012. En définissant le plan technique de la fiscalisation du secteur, l'étude indiquait qu'il serait adéquat de mettre en place des modalités appropriées en matière de TVA agricole. Il s'agit notamment de taux à retenir et du mode de recouvrement de la TVA. Dans un second plan, le CESE proposait le rétablissement d'un équilibre entre la TVA payée par l'amont et l'aval du secteur. Pour ce qui est de l'imposition des revenus des agriculteurs en matière d'IS ou d'IR, des seuils d'exonération et des modalités pratiques d'imposition en l'absence d'un plan comptable agricole étaient notamment proposés. Par ailleurs, le Conseil avait mis l'accent sur la nécessité de mettre en place un plan comptable agricole permettant aux exploitations une meilleure maîtrise financière de leur activité. Flash-back Dans les milieux agricoles, l'année 2014 était attendue avec une certaine appréhension car elle était synonyme de l'arrivée à échéance de la défiscalisation de la paysannerie marocaine. Durant la colonisation, le paysage agricole national représentait 12% des recettes fiscales totales de l'Etat. C'est en 1960 que l'impôt agricole a été instauré en vue d'alléger la pression fiscale sur la majorité des agriculteurs, tout en introduisant le concept fiscal du revenu virtuel (calculé pour chaque type de culture ou d'élevage sur la base de la capacité de production potentielle de la terre et du bétail. En 1966, un barème progressif et détaillé a été mis en place, allant de 8% pour la tranche de revenu variant entre 1.400 et 6.000 DH, jusqu'à 20% pour la partie du revenu supérieure à 120.000 DH. Plus tard, durant les années de sécheresse du début des années 80, l'impôt agricole s'est trouvé levé par l'Etat avant que le 21 mars 1984, le roi Hassan II ne décide par Dahir l'exonération «jusqu'au 31 décembre de l'an 2000, de tout impôt direct présent ou futur sur les revenus agricoles relevant de l'impôt agricole». Une exonération que le défunt souverain prolongera jusqu'en 2020, à l'occasion du discours inaugural d'un barrage en 1992. Plus tard, l'année 2014 est revenue souvent dans les débats, notamment depuis que les finances de l'Etat l'ont poussé à reconsidérer de plus près les différentes «largesses» accordées jusque-là.