C'est aujourd'hui que s'ouvre la quatrième semaine du Sénégal au Maroc. Cette manifestation annuelle, à forte connotation économique, organisée par l'Association des Sénégalais résidents au Maroc (Arserem), est traditionnellement l'occasion de revenir sur les grands axes de ces relations économiques entre les deux pays. Cette année, institutionnels et opérateurs économiques du Maroc et du Sénégal se penchent sur un thème, aussi important qu'actuel : «L'Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa) : vecteur de consolidation de l'axe Maroc-Sénégal et d'intégration régionale». Cet axe Casa-Dakar des relations économiques a toujours été cité en modèle de coopération bilatérale, à orientation sud-sud. Les échanges entre les deux pays ont connu une longue histoire, et n'ont cessé de se développer, pour finalement passer à une vitesse supérieure à partir de 2000. Une année charnière, coïncidant avec la première visite du Roi Mohammed VI, à Dakar. Le second déclic a été provoqué par la Royal Air Maroc, qui a lancé des lignes aériennes régulières et en vol direct vers Dakar. On a ensuite commencé à avoir des précurseurs sur le marché sénégalais : BMCE Bank et Attijariwafa Bank se sont installés. On a eu l'aérien, le bancaire et le soutien de l'institutionnel. «Toutes les conditions étaient donc réunies pour développer des échanges à très fort dynamisme», développe Abdou souleye Diop, président de l'Arserem et directeur associé du cabinet d'experts comptables Mazars Masnaoui. Ce qu'il faut retenir par ici, c'est que c'est l'institutionnel qui a établi les bases, avant que le privé n'ait eu le «courage» de lancer le business. En sens unique... Toutefois, en termes de statistiques, les échanges commerciaux entre les deux économies affichent un Maroc qui exporte beaucoup plus qu'il n'importe du Sénégal. Cette tendance excédentaire est restée la même, si l'on prend la fourchette des quatre dernières années. De 2006 à 2009, les exportations marocaines vers le Sénégal ont connu une croissance de près de 16%, passant de 473 millions de dirhams en valeurs, à près de 700 millions à la fin de l'année dernière. Là, où les importations en provenance de ce pays du sud du Sahara, n'ont atteint qu'une croissance de 4%, allant de 90 millions de dirhams en 2006, à 100 millions de dirhams en valeurs cumulées en 2009. L'année 2010 n'a pas apporté beaucoup de changements sur l'état de ces relations. Les derniers chiffres de l'Office des changes reflètent ces mêmes évolutions. Les services, les TIC...et le Statut avancé En décembre dernier, ce business a été remis sur la table d'auscultation, lors de la première caravane organisée par Maroc Export vers trois pays du sud du Sahara, dont le Sénégal. L'idée est clairement affichée : trouver une autre manière de faire des affaires. «Les chiffres ont besoin d'être améliorés et le partage d'expériences peut être facilité par la proximité géographique», a déclaré Abdellatif Maâzouz, ministre du Commerce extérieur, à Dakar, en marge de cette visite. Il d'agit de dépoussiérer des échanges économiques dominés, pendant des décennies, par les produits finis de grande consommation, notamment agroalimentaires. L'avenir des relations entre les deux pays se trouve maintenant dans les secteurs des services... et du transfert des technologies nouvelles, encore très peu présents. Outre cette volonté d'orienter ces échanges vers de nouveaux secteurs, le statut avancé du Maroc constitue aussi une bonne opportunité pour le Sénégal et les pays de la région subsaharienne. Le Royaume se retrouve là dans une position de trait d'union économique pour des relations Sud-Sud-Nord. L'ensemble économique constitué par les huit Etats membres de l'Union économique et monétaire ouest africaine est un espace d'avenir en matière d'échanges pour le Maroc. Le marché européen étant devenu saturé et surexploité, se tourner vers l'intérieur du continent se trouve être la seule est une alternative qui s'offre aujourd'hui aux opérateurs économiques marocains, pour exporter leur savoir-faire. Mais si l'idée est là, la concrétisation demeure incomplète. En effet, un accord de commerce et d'investissement entre le Maroc et l'UEMOA suscite encore beaucoup de débats entre les parties. Le dernier round des négociations portant sur cet accord remonte à novembre 2008, pour une signature et une entrée en vigueur prévues - a priori - dès janvier 2009. Mais seulement a priori, puisque, «entre-temps, certains pays ont eu, soit des élections, des perturbations, soit d'autres types de contretemps du même genre, ce qui a par conséquent occasionné un retard dans le processus de concrétisation de cet accord», a expliqué Abdellatif Maâzouz. Cette déclaration a été faite lors de la première Caravane marocaine de l'export, vers trois pays de l'ensemble UEMOA, que sont le Sénégal, la Côte d'Ivoire et le Mali. Ces derniers entretiennent, depuis des années, des relations économiques privilégiées avec le Maroc. Les exemples du Sénégal et de la Côte d'Ivoire, deux des plus grandes économies de l'espace UEMOA, suffiraient à illustrer l'importance de ces marchés. «La priorité va à l'équilibrage des relations»Abdou souleye Diop : Président de l'Arserem Les Echos quotidien : Quel intérêt pourrait jouer le Sénégal, dans le développement des échanges entre le Royaume et l'espace UEMOA ? Abdou Diop : Je pense qu'il y a un réel enjeu économique. La colonne vertébrale des échanges entre le Maroc et l'Afrique subsaharienne, et en l'occurrence les 8 pays de l'Uemoa, c'est l'axe Casablanca, Nouakchott, Dakar. Et cet axe a permis aux entreprises marocaines de marquer de plus en plus leur présence, dans les marchés subsahariens. Donc, je pense qu'en multipliant ces partenariats maroco-sénégalais ou maroco-ivoiriens, cela devrait donner naissance à des entreprises africaines à dimensions régionales, et qui pourraient ainsi mieux s'imposer à l'échelle mondiale. Cependant, il ne faut pas aussi que ce soit dans un sens unique. Il faut que les entreprises des pays subsahariens, puissent faire de même et jouer la complémentarité. Le Maroc peut en effet, représenter, par exemple, une plateforme d'exportation vers l'Europe pour ces entreprises. À cela s'ajoutent les opportunités offertes par le statut avancé du Maroc vis-à-vis de l'espace UE. Quelle est votre lecture de l'évolution des échanges Maroc-Sénégal ? Un dynamisme, qui reste encore, toutefois, très timide. Beaucoup de potentiels ne sont pas encore exploités comme il se devrait. C'est le cas de l'axe routier et de la voie maritime, qui pourraient pourtant donner un grand élan à ces échanges. Et je pense que s'il y a vraiment une chose à améliorer, ce serait l'équilibrage des relations. J'ai comme l'impression que les opérateurs économiques sénégalais ont peur du Sahara. Ils investissent au Gabon, en Afrique du Sud, au Ghana. Mais quand il s'agit de virer vers le nord, il y'a encore beaucoup de réserves. La source des craintes... ? Je pense qu'il ya d'abord une crainte en termes d'effets volumes. Les opérateurs sénégalais se disent que le Maroc est plus développé et donc, n'espèrent pas pouvoir occuper beaucoup de place sur le marché marocain. C'est aussi une crainte qui a été exacerbée par la multiplication des absorptions de grandes entreprises sénégalaises par des compagnies marocaines.