Le secteur du BTP peine à voir le bout du tunnel. Après une décennie faste, c'est aujourd'hui la récession qui s'empare du secteur. Les entreprises, généralement des PME, ont de plus en plus du mal à joindre les deux bouts. Pour cause, les retards de paiement de la part de plusieurs départements ministériels, qui compromettent la pérennité même de ces entreprises. Le gouvernement, censé donner l'exemple en matière de respect des délais de paiement, se trouve aujourd'hui pointé du doigt par la fédération du BTP. La santé du secteur est un vrai baromètre des politiques publiques en matière d'investissement. Aujourd'hui, le verdict de Bouchaïb Benhamida, président de la FNBTP est sans appel. La fédération qui a bataillé pour l'application de la préférence nationale en 2012 change aujourd'hui son fusil d'épaule pour s'attaquer à la problématique des retards de paiement. Selon Benhamida, les problèmes de paiement sont monnaie courante et les quelques règlements enregistrés se font au compte-goutte. Il faut dire aussi qu'il n'y a pas tellement d'affaires qui sortent. On avait déjà décrété que la crise était bien installée, mais aujourd'hui la reprise attendue n'est pas au rendez-vous. Il y a de moins en moins d'appels d'offres qui sortent, malgré un budget d'investissement annoncé dans la loi des finances qui est assez conséquent. Résultat, la reprise annoncée en début d'année pour le troisième trimestre manque toujours à l'appel. «L'on nous annonce des chiffres mirobolants concernant l'investissement public, mais l'on ne voit rien venir», martèle Benhamida. En sa qualité de président de la Fédération, ce dernier a adressé une lettre au ministère de l'Education nationale le 5 août au sujet des retards de paiement. «Nous avons aujourd'hui des entreprises qui sont menacées au pénal à Agadir et à Meknès et je n'ai reçu aucun écho de ma lettre. Les directeurs des académies de ces régions nous ont donné des explications vaseuses», explique Benhamida dépité. Malgré plusieurs réunions avec ces responsables, la situation ne semble pas évoluer. Les directeurs invoquent la non disponibilité des budgets. D'autres avancent le manque de signatures par leurs prédécesseurs. Au final, ils expliquent qu'au pire ces entreprises peuvent toucher des intérêts moratoires. Or, ces entreprises qui sont toutes des PME sont aujourd'hui menacées. Les intérêts moratoires qui sont au taux de 3% ne peuvent remédier aux conséquences engendrées par un climat social tendu suite au non versement des salaires et par le manque d'approvisionnement des chantiers qui impactent la productivité. Sans parler de la pression des fournisseurs, qui de par la loi sur les délais de paiements doivent être payés en 90 jours. Le pire, explique-t-on, c'est qu'il n'y a même pas de communication à ce sujet. Selon un opérateur, il aurait fallu au moins mettre ces entreprises en confiance en leur fixant des dates de paiements au lieu qu'elles soient livrées à elles-mêmes. Bouchaïb Benhamida, Président de la FNBTP Les ECO : Est-ce que le ministère de l'Education nationale est le seul concerné par les retards de paiements ? Bouchaïb Benhamida : Aujourd'hui, tous les ministères sont concernés par ces retards de paiement. Le département de l'Equipement a fait un effort par le règlement d'une première tranche de 42 MDH, qui représentent la moitié des sommes dues, mais il reste encore la moitié des paiements à effectuer. Ce qui n'est pas négligeable. Au-delà de cette problématique des paiements, qu'en est-il du projet de classification des entreprises du BTP ? Nous sommes en train de faire le travail qu'il faut avec les ministères concernés. Il s'agit d'abord d'unifier quatre systèmes qui cohabitent. Il s'agit des systèmes relevant des ministères de l'Equipement, de l'Habitat, de l'Agriculture et des Eaux et forêts. Ensuite, il faut généraliser ce système unifié à tous les maîtres d'ouvrages publics. Enfin, introduire de nouveaux critères pour rendre ce système plus efficace, notamment la solvabilité financière et la qualité des équipements des entreprises concernées. Ce chantier qui est en cours de réalisation avec les ministères concernés a été décidé en 2004, mais pour plusieurs raisons, nous n'avons pas pu le lancer avant. Aujourd'hui, le nombre des entreprises qualifiées et classifiées doit se situer entre 6.000 et 7.000. Peut-on s'attendre à ce que les choses s'améliorent d'ici la fin de l'année ? Cela dépendra de la volonté du gouvernement de donner une impulsion à un secteur qui dans tous les pays du monde est considéré comme la locomotive de l'économie. Toutes les régions du pays ont besoin d'infrastructures et pas uniquement l'axe Kénitra-El Jadida. Or, nous sommes dans une période de raréfaction des affaires. Je ne vois donc pas concrètement d'efforts dans ce sens. Nous avons connu une décennie de forte progression puis nous avons commencé à sentir le repli dès 2011. Il ne faut pas se laisser duper par les chiffres d'investissements inscrits dans la loi des finances. Ce qu'il faut, c'est analyser le taux de réalisation de ces budgets. Si on en réalise la moitié, ce serait l'idéal.