ALM : Comment se porte le secteur du bâtiment et des travaux publics au Maroc ? Bouchaïb Benhamida : Les évaluations officielles sont assez contrastées. Le Haut-Commissariat au Plan relève dans le Budget exploratoire publié en juin 2012 que le secteur du Bâtiment et travaux publics poursuit sa tendance favorable et devrait connaître une croissance soutenue en 2012, bénéficiant des programmes de logements sociaux et de la progression de l'auto-construction et de la poursuite de la politique des grands projets structurants dans plusieurs secteurs et dans l'aménagement urbain. Les indicateurs conjoncturels font ressortir une hausse de cette activité. Les ventes du ciment ont progressé de 12,3% à fin mai 2012. En matière de financement immobilier, l'encours des crédits a enregistré un accroissement de 7,6% à fin avril 2012 par rapport à la même période de 2011. Le nombre de crédits accordés dans le cadre du fonds de garantie Fogarim s'élève à 1.448 prêts et leur montant total a atteint, à fin avril 2012, environ 842 millions de dirhams pour un total de 5.300 bénéficiaires, alors que le montant des prêts attribués dans le cadre du fonds Fogaloge s'est établi à 373 millions de dirhams en faveur de 1.244 bénéficiaires. Les opérateurs du BTP s'attendent à des perspectives meilleures pour le reste de l'année 2012, en liaison avec la poursuite de plusieurs projets et chantiers d'infrastructures. Pour 2013, le même HCP, dans le document, prévoit que le secteur devrait poursuivre son dynamisme retrouvé en 2012, en raison de l'importance des programmes des opérateurs publics et privés dans l'habitat social, et dans la réalisation des grands chantiers d'infrastructures et d'aménagement urbain. Ainsi, le logement social reste la priorité de l'Etat durant la période 2012-2016. Le plan d'action pour cette période a pour objectif de consolider la politique engagée durant la dernière décennie, à travers le renforcement de l'offre pour atteindre une production de 170.000 unités par an. L'objectif est de réduire le déficit de moitié. Celui-ci avoisine actuellement 840.000 contre 1,2 million d'unités auparavant. En outre, l'Etat compte réaliser 500.000 nouvelles unités dans le cadre du programme «Villes sans bidonvilles» et la construction durant ladite période de 100.000 logements destinés à la classe moyenne. S'agissant des travaux publics, le caractère pluriannuel des grands projets d'infrastructures et le lancement de nouveaux projets, en particulier, les projets des routes et autoroutes, l'extension des aéroports, ainsi que les grands projets d'aménagement urbain, sont autant de facteurs qui favoriseraient la pérennisation du dynamisme de l'investissement public en 2013. Cependant, dans la note de conjoncture du HCP publiée en octobre dernier, les rédacteurs notent un ralentissement de l'activité de construction, amorcée au début de 2012 et qui s'est poursuivi au troisième trimestre 2012. Les ventes du ciment, corrigées des variations saisonnières et des effets des fêtes religieuses mobiles, se seraient inscrites en baisse de 0,5%, en glissement trimestriel, après s'être déjà infléchies de 10,2% au deuxième trimestre. A noter que l'indice de production des minéraux de carrière avait reculé de 3%, au cours du deuxième trimestre. S'inscrivant dans la même trajectoire, les créations nettes d'emplois dans le secteur ont été moins vigoureuses, affichant un repli de 1,3%, en variation trimestrielle, après s'être inclinées de 1,4% un trimestre auparavant. Par ailleurs, le secteur a perdu 40.000 emplois au 3ème trimestre de l'année en cours. Les entreprises sont d'ailleurs inquiètes pour l'évolution de leurs carnets de commandes en 2013 avec les signes avant-coureurs d'une raréfaction des ressources allouées aux investissements publics. Cette inquiétude est aggravée par la persistance de l'afflux d'entreprises étrangères de toutes tailles et de toutes origines qui s'attaquent à tous les segments du marché du BTP dans notre pays et pratiquent une concurrence déstructurante.
La FNBTP a été associée par le ministère de l'équipement et du transport à l'élaboration des orientations stratégiques de développement de l'ingénierie et de l'entreprise de BTP. Quelles sont les grandes lignes de cette stratégie ? Et où en êtes-vous dans sa mise en place ? En effet, le ministère de l'équipement et du transport, au nom du gouvernement, la Fédération marocaine du conseil et de l'ingénierie et notre Fédération du bâtiment et des travaux publics ont lancé une grande étude stratégique pour diagnostiquer l'état du secteur, les forces et les faiblesses de nos entreprises et l'environnement concurrentiel dans lequel elles agissent et définir les lignes d'une stratégie de développement à l'horizon 2020. Le diagnostic a été finalisé, les benchmarks internationaux réalisés. Le cabinet en charge de cette étude stratégique en est à la phase de déclinaison de la stratégie en mesures concrètes et précises pour assurer la mise à niveau et le relèvement de la compétitivité de nos entreprises et identifier l'accompagnement gouvernemental nécessaire à ce développement. Cependant, nous n'avons pas attendu l'étude pour ouvrir un certain nombre de chantiers de réformes avec le gouvernement en matière de réglementation des marchés publics, de formation…
Quelles sont vos propositions pour la loi de Finances 2013 ? Nous proposons que le gouvernement fasse le nécessaire pour que le maximum de la commande publique soit réalisé et satisfait par les entreprises nationales pour limiter la sortie de devises et l'aggravation du déficit de notre balance des paiements. Nous continuons à croire que les programmes d'infrastructures et de logements sont très importants pour maintenir la croissance et la création d'emplois. Il faut donc maintenir l'effort d'investissement dans ces domaines tout en évitant que ces programmes ne profitent aux entreprises étrangères. Par ailleurs, nous sommes revenus sur la réglementation des marchés publics pour demander l'accélération des réformes qui doivent concerner toutes les phases de la passation à la réalisation et la liquidation des marchés. Nous insistons particulièrement sur la mise en place d'un système de recours équitable, diligent et indépendant. Concernant la fiscalité, nous avons proposé que les entreprises de BTP ne soient plus pénalisées par les exonérations accordées aux investissements en accumulant les crédits de TVA qui ne les concernent en rien. L'Etat n'a qu'à rembourser directement les bénéficiaires des exonérations. Pour la taxe sur le sable, nous proposons qu'elle ne concerne que les prélèvements des sables de dunes ou de plages qui ne nécessitent aucun investissement et affectent, parfois de façon irréversible, l'environnement. Nous proposons également la révision de la Taxe professionnelle qui dans sa forme actuelle constitue un frein à l'investissement.
Quelle est la position de la FNBTP vis-à-vis du principe de la Préférence nationale ? Notre fédération milite pour l'application systématique de la Préférence nationale à la fois pour contrer les pratiques de dumping des entreprises étrangères qui fuient la crise qui sévit en Europe notamment, mais aussi pour maximiser les retombées sur l'économie nationale de la commande publique. D'ailleurs, il faut rappeler que les marchés du BTP de ces pays sont complètement fermés pour nos entreprises ne serait-ce qu'en raison de la politique des visas. Nous rappelons aussi que beaucoup d'entreprises étrangères se sont révélées défaillantes et beaucoup de projets dont elles avaient la charge ont été retardés ou terminés avec des litiges et des réclamations. Développement durable La protection de l'environnement concerne plusieurs secteurs et notamment le BTP. Comment faut-il encourager la recherche et la mise en œuvre de solutions innovantes qui répondent aux besoins et aux exigences du développement durable ? Nous considérons que la préoccupation du développement durable, de la protection de l'environnement et de l'économie dans l'utilisation des ressources naturelles constituent des opportunités d'activités pour nos entreprises et des pistes de développement de l'excellence. Nous rappelons à cet égard que la Charte de la responsabilité sociale et citoyenne de l'entreprise du BTP que nos membres signent, prévoit cette préoccupation du développement durable. Les entreprises membres s'engagent en vertu de cette charte à gérer leurs chantiers dans le respect de l'environnement et avec le souci constant de maîtrise des nuisances et à préserver les sites et les ressources naturelles. En 2008, nous avons signé, avec sept ministères et les autres organisations professionnelles de la construction, un Pacte d'intégrité et d'engagement citoyen dans le BTP qui prévoit, dans son article 6ème intitulé «Les impératifs du développement durable», les mêmes engagements.