«Accompagnement, information, compétences et convergence des bailleurs de fonds avec les besoins effectifs». La problématique a été posée d'emblée par Sonya Mezzour, secrétaire générale de l'Agence de développement des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique (Aderee), lors du séminaire qui s'est tenu mardi à Rabat autour de la thématique des «villes face aux enjeux de l'efficacité énergétique». Avant de revenir aux problématiques fondamentales qui ont foisonné autour de la question durant l'événement, une première au niveau national s'est confirmée : les appels d'offres sont en cours de lancement par la commune urbaine de Salé, pour sélectionner son partenaire privé pour la première SDL (Société de développement local), qui sera dédiée à l'optimisation de la gestion de l'éclairage public. En fait, cette thématique spécifique de l'éclairage public a accaparé l'essentiel des débats et pour cause : celle-ci engloutit en moyenne 25% de la consommation énergétique communale au Maroc, avec certains mauvais élèves pour qui cette proportion atteint les 40%. C'est dire combien l'efficacité énergétique urbaine dépend en grande partie de ce poste énergivore. Pour l'expérience pilote de Salé, l'ambition est de réduire la facture de l'éclairage public de 50%. Rien que ça. Pour donner un ordre de grandeur, la facture électrique d'une ville comme Fès s'élève à 28 MDH, comme avancé par Hassan Zaghdane, chef du département exploitation et électricité à la Rdeef ! Les bénéfices théoriques de ce type de projets sont indéniables, surtout que sa mise en œuvre ne devrait occasionner aucun surcoût pour les communes et donc pas de pression supplémentaire sur les deniers publics (Voir encadré). Dans ce sens, l'Aderee annonce avoir entamé une coopération similaire avec la ville d'Oujda, en partenariat avec la SFI pour un investissement global de 100 MDH. Ceci dit, la tâche est particulièrement ardue et nécessite de dépasser les limites problématiques citées quelques lignes plus haut, principalement celles des compétences humaines et de la convergence financière. En effet, du côté des ressources humaines, la filière souffre d'un manque patent de programmes de formation dédiés à l'efficacité énergétique, que ce soit pour des cursus d'ingénieurs ou de techniciens et techniciens spécialisés. Aussi, du côté financier, l'on assiste à une déconnexion entre les bailleurs de fonds et les porteurs de projets avec des besoins de liquidités. Ce décalage est autant géographique (concentration sur les grandes villes au détriment d'une logique régionalisée) que culturel, l'approche purement financière étant insuffisante pour justifier l'attrait d'un projet (nécessité d'intégrer d'autres éléments dans la rentabilité, notamment environnementaux). «Il faut encourager les interfaces entre les bailleurs de fonds et les porteurs de projets d'efficacité énergétique», confirme Mezzour. SDL et éclairage public : comment ça marche Dans son intervention, Ahmed Baroudi, dg de la Société d'investissement énergétique (SIE), détaille le processus de mise en œuvre des programmes d'optimisation de l'éclairage public, sur lequel se base le projet pilote de Salé. «Nous avons travaillé pour définir un modèle de fonctionnement de l'éclairage public au Maroc avec comme conclusion que le cas de figure le plus adéquat est celui de la gestion déléguée, même s'il n'y a pas eu que des succès dans les expériences menées au Maroc», explique Baroudi. «Il faut tirer les enseignements des expériences passées», poursuit-il. Ainsi, dans ce modèle, les intervenants, notamment la SIE, tentent s'assurer du respect d'un certain nombre de principes. À la tête de ces principes, éviter tout conflit d'intérêt. Concrètement, chaque commune retient un partenaire privé par appel d'offres ou appel à manifestation d'intérêt. Ce partenaire vient participer à un montage financier et juridique de partenariat public-privé (SDL) aux cotés de la commune, qui rend des comptes à ses citoyens et reste leader, avec le concours de la SIE. Une fois désigné, le partenaire doit apporter son savoir-faire dans le métier, mais ne fournit en aucun cas les équipements, d'où l'éviction d'une grande part des conflits d'intérêts. La mise en œuvre devra être conduite de manière à réduire fortement la consommation. Un objectif impératif, puisque la rémunération du partenaire dépendra entièrement des économies réalisées puisque la facture de la commune urbaine restera constante. Le financement pour sa part sera apporté à un véhicule financier dédié (en cours de mise en place avec la Banque européenne de reconstruction et de développement), n'induisant aucun surcoût pour la commune pendant la durée du payback). «Le professionnel ne touchera pas un centime si sa mise en œuvre n'est pas performante», insiste Baroudi. Cette durée de payback, par ailleurs durée de la concession, reste la grande inconnue parmi les variables de cette équation, puisque d'elle dépendra le degré de rentabilité attendu de l'opérateur, à travers la durée d'amortissement qui lui sera accordée. «Cette durée sera déterminée au cas par cas et sera également le fruit d'une négociation avec le prestataire», nous confie Baroudi. Après le remboursement, la commune reprendra le relais de ses équipements, désormais efficaces énergétiquement. Objectifs et réalisations, des repères en chiffres 7% de croissance annuelle moyenne de la consommation sur les 10 dernière années. 12%, l'objectif de gain en efficacité énergétique à l'horizon 2020 et 15% d'ici 2030. Depuis 2009 le plan national des actions prioritaires a permis d'installer 5 millions de lampes à basse consommation, permettant l'effacement de 200 mégawatts en heures de pointe. Un nouvel appel d'offres a été lancé par l'ONEE pour un nouveau programme portant sur 10 millions de nouvelles lampes à basse consommation, avec comme objectif d'effacer 360 mégawatts supplémentaires en heures de pointe. Le passage à l'horaire GMT +1 a permis d'effacer 80 mégawatts pendant le pic de consommation. Les droits de douane sur l'importation des lampes LED et leurs composants est passé de 20% à 2,5%.