Développés, en voie de développement, moins avancés, émergents. Les qualificatifs attribués aux pays sont divers et variés. À ne plus savoir qui est quoi. L'une des principales bases de cette hiérarchisation est l'Indice de développement humain (IDH), mis sur pied par le Programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD) en 1990. Chaque année, la note attribuée hérisse les poils de nombreux pays. En 2009, le Maroc a été classé 130e sur 182 (le Niger était bon dernier). Le groupe d'experts désigné par la Commission des statistiques de l'Organisation des Nations-Unies pour évaluer la réforme de l'Indice, parmi lesquels figure le haut Commissariat au Plan (HCP), vient de faire part de quelques craintes et de conseils. Indicateurs insuffisants Mais d'abord, comment est calculé cet indice de toutes les discordes ? Trois agrégats sont pris en compte : L'espérance de vie à la naissance, le Produit intérieur brut (PIB) par habitant, ainsi que l'accès à l'éducation (taux d'alphabétisation des adultes ajouté au taux de scolarisation dans le primaire, le secondaire et le supérieur). Est-ce suffisant pour permettre de mesurer le développement ? Celui que le PNUD définit fièrement comme un «indice composite» ne l'est que partiellement. «Ces indicateurs ne sont pas suffisants. Le PNUD les a choisis pour avoir la possibilité d'avoir accès aux données chaque année», lance un expert en statistique qui a préféré gardé l'anonymat. Mesurer le développement d'un pays, qualitatif à souhait, est une opération périlleuse, à en juger par le nombre de paramètres qui doivent être pris en considération. L'IDH ne devrait pas omettre «l'électrification, l'accès aux soins, l'accès à l'eau potable, ou encore le désenclavement de certaines régions», ajoute l'expert. Idée confirmée par un haut responsable au HCP. «Il n'est pas possible de mesurer le développement sans prendre en compte la pauvreté». Pourquoi donc ne pas s'inspirer également des huit Objectifs du millénaire pour le développement (OMD), beaucoup plus à même de refléter la réalité ? Pauvreté, égalité des sexes, santé maternelle ou encore environnement y sont pris en compte. Comparer pour mieux juger Le groupe d'experts propose plusieurs alternatives. L'une d'elles est en relation avec la difficulté d'établir un classement entre pays. Comment comparer des pays dont l'IDH a été calculé, pour certains, sur la base de statistiques fiables, et pour d'autres, de manière plus aléatoire (sur la base d'estimations) ? 64 pays dans le monde, dont quatre en Afrique (Maroc, Tunisie, Afrique du Sud, Egypte) ont un système statistique qui adhère à la Norme spéciale de diffusion des données (NSDD). Les experts proposent donc d'établir un classement par groupe de pays présentant des similarités au niveau de la fiabilité des données fournies. Classer à tout prix À quoi bon se lancer dans une mesure du développement si le calcul est réalisé sur des données ni fiables ni exhaustives ? D'après un haut responsable du Haut commissariat au plan, «changer le calcul existant depuis vingt ans ne serait pas bénéfique pour le PNUD. Cela demanderait une mobilisation de nouveaux experts et des demandes de crédits exorbitants. Laisser l'IDH tel qu'il est les arrange un peu». En somme, c'est tout d'abord à l'IDH lui-même de se développer, avant de s'atteler à classer les pays, dont l'amour-propre est titillé chaque année par ce classement quelque peu aléatoire.