La chute des prix du pétrole constitue l'une des rares bonnes nouvelles pour la reprise mondiale, un moindre mal pour les producteurs, et une preuve de l'emprise des fonds spéculatifs sur le marché du brut. Le pétrole a perdu près de 20% de sa valeur, environ 18 dollars par baril depuis le début du mois. Une baisse opportune Alors que les mauvaises nouvelles pleuvent sur l'économie mondiale, les pays importateurs de pétrole peuvent se réjouir d'une chose : leur facture pétrolière n'augmentera pas, du moins à court terme. Mardi, le Brent de la mer du Nord cotait autour de 69 dollars. Les cours de l'or noir s'étaient approchés des 90 dollars fin avril avant de chuter. Le marché a été frappé de plein fouet par la crise européenne de la dette, qui a fait grimper le dollar et jeté le doute sur la vigueur de la reprise mondiale. Bien que la crise de l'euro n'ait pas été déclenchée par les prix du pétrole, aspirer à des prix plus modestes pendant une certaine période serait profitable à la fois à la reprise économique mondiale et à la santé à long terme du marché pétrolier. Le cabinet londonien Center for Global Energy Studies (CGES) recense la flambée des matières premières comme l'une des principales causes de la hausse des prix, l'hydre de l'inflation devrait au moins être muselée. La chute des prix a en tout cas fourni une nouvelle preuve éclatante que le pétrole est devenu un produit financier et non plus seulement une matière première obéissant aux lois de l'offre et la demande. Le rôle des fonds spéculatifs semble avoir été crucial: ils pourraient avoir été à l'origine de l'ascension des prix en avril, sans justification réelle, et de leur forte baisse du mois de mai. Selon des notes publiées par la banque UBS la semaine dernière, les hedge funds se sont mis à vendre dans des proportions qui n'avaient plus été vues depuis janvier 2009. «La grande foire aux achats est devenue d'un coup une grande braderie», commente ainsi David Hufton, de la maison de courtage PVM. Inquiétudes des producteurs Quand les consommateurs respirent, les producteurs, eux, font sans doute la grimace. Habitués à encaisser plus de 80 dollars par baril en avril, ils voient leurs revenus maigrir. Mais ce n'est pas encore la panique : le baril reste tout proche de la tranche des 70-80 dollars où l'Organisation des pays exportateurs de pétrole souhaite le voir pour être à même de continuer ses investissements. Et même après une baisse de 20%, le brut vaut deux fois et demie plus qu'après la chute de Lehman Brothers. En décembre 2008, au plus fort de la crise financière, les cours avaient en effet plongé jusqu'à 32 dollars. Donnant le ton, le ministre koweïtien du Pétrole, cheikh Ahmad Abdallah al-Sabah, a affirmé mardi que l'organisation n'était «pas encore» inquiète de la chute des prix. Gardant aussi leur calme, ses homologues libyen et algérien avaient écarté la tenue d'une réunion extraordinaire la semaine dernière. «Des cours à 70 dollars sont proches de la perfection (...). Bien qu'ils ne soient pas aussi beaux que 80 dollars, ils restent très acceptables pour l'Opep et ne devraient pas causer trop de tort à une fragile reprise économique», résume Christophe Barret, analyste chez Calyon. De nombreux analystes voient la baisse des cours comme un assainissement, sur un marché dont les performances semblaient suspectes et seulement dues au «dopage» des spéculateurs.