Pendant que la star libanaise Ramy Ayach en était à ses derniers préparatifs pour occuper l'espace Nahda, le pivot de la scène musicale malienne avait déjà arboré son boubou XXL, sobre aux motifs jaunâtres, avant de prodiguer des mélopées mandingues bien exceptionnelles. Muni d'aussi prestigieuses références et d'une discographie impressionnante, Cheick Tidiane Seck arrive sur les bords du Bouregreg, avec ses 50 ans consommés, porté par un band musical où chaque musicien est virtuose de son instrument. Sans tambour ni trompette, il fait son entrée sur scène, le pied frémissant. Porté par deux choristes sensuelles, l'une aux pieds nus et au déhanchement purement africain et l'autre qui, le crâne rasé, a enflammé le public très peu timide tant son incursion raggae a duré tout le long du concert. L'organiste malien est de toutes les aventures musicales et ça, on le voit nettement dans la composition de son groupe musical. Jeux de batterie, de tambour, de percussions, guitare électrique, basse et chant accompagnent ce multi-instrumentiste, compositeur, arrangeur et directeur musical. Cheick Tidiane Seck est surtout connu pour ses talents de claviériste. En regardant ses mains magnifiques parcourir l'orgue, debout ou assis, on ne peut s'empêcher de penser à la discographie exceptionnelle du maître. Tout au long de sa carrière, il a accompagné des artistes aussi variés que Jimmy Cliff, Fela, Joe Zawinul, Carlos Santana ou Hank Jones. Un grand musicien aux dents du bonheur, mais dont le savoir-faire s'est exercé dans l'ombre, loin des feux de la rampe world music. Soixante minutes durant, il a exploré du jazz aux musiques d'Afrique, d'Inde, passant par le groove international ou la pop française et le hip hop. Seck est un insoumis et il le reconfirme à Rabat. Il ne renferme pas la musique africaine dans un ghetto. Au grand plaisir des spectateurs qui s'excitaient crescendo tout au long du concert, il a ouvert ses mélodies aux sonorités électroniques. Il a slamé, flirté avec le hip-hop et ponctué de sa voix puissante par des refrains connus de la musique marocaine. Et cela plaisait forcément au public qui l'acclamait aussi fort que l'artiste se prêtait à eux. Généreux et foisonnant, loin de lui les caprices de star et les restrictions faites aux captations photo et vidéos, sa voix puissante ne s'estompe point, portant des textes où la conscience de l'autre est sans cesse mise en avant. Pour ceux qui ne le connaissent pas, Seck collabore depuis trente ans avec tout ce que la world music et le jazz comptent de géants. S'il ne remporte pas le succès immédiat d'un Mory Kanté ou d'un Salif Keita, c'est que son travail s'inscrit dans la durée. Mieux dit : «C'est un choix», tel qu'il ne cesse de le répéter à la presse. Le brésilien Carlinhos Brown était programmé à la très grande scène de OLM Souissi où bien des surprises ont été dévoilées. L'enfant de Salvador de Bahia (Brésil), lui qui a été bercé très jeune en tapant sur les bouteilles vides, casseroles, matériaux recyclés, ne s'est pas suffi des planches de la scène. Un premier pas, puis un deuxième saut et le voilà en immersion dans le premier espace VIP qu'il ne tardera pas à franchir avant d'atteindre le restant du public. Le micro à la main, il a fait de sa virée inopinée, un sacré moment de partage, loin de toutes restrictions ou limites afférentes à son statut de star. Du moins, le statut qu'on a décidé de lui flanquer à l'occasion de Mawazine.