La journée du lundi 17 mai a été chargée pour la caravane conduite par le ministre du Commerce extérieur, Abdellatif Maâzouz. Celle-ci a démarré par un colloque économique au cours duquel d'importants discours ont été prononcés par les ministres des deux pays, les représentations diplomatiques et le gotha des affaires. Les grandes thématiques abordées s'articulent autour des environnements économiques du Cameroun et du Maroc et des opportunités pouvant être saisies de part et d'autre. Ces allocutions ont aussi permis la prise de quelques engagements forts visant à accélérer le rythme des échanges, qui malgré les relations politiques exemplaires existant entre les deux pays sont jusque là restés à un faible niveau. En 2009, le flux d'échanges entre le Maroc et le Cameroun n'a pas dépassé les 27 millions de dollars. Constatant cela, Abdellatif Maâzouz s'adressant à son homologue camerounais lors de la journée économique, a déclaré que «Les opérateurs économiques venus dans cette caravane émanent de plusieurs secteurs. Il y a donc là de quoi doubler nos échanges bilatéraux». À cela, Luc Magloire Mbarga Attangana a répondu en présentant les opportunités dont regorge son pays, notamment dans les secteurs de l'agro-alimentaire, du BTP, du commerce et des mines. Le ministre camerounais a également souligné les améliorations apportées à leur environnement et à l'entière disposition des autorités camerounaises à promouvoir un partenariat gagnant-gagnant avec le Royaume. Faisant suite au colloque économique, les rencontres B to B ont occupé une place importante dans le programme de la caravane et n'ont pris fin que mardi en milieu de journée. À ce niveau également, des avancées notoires ont été réalisées. Engagements Au delà des actions envisagées pour doper des échanges bilatéraux, l'une des initiatives phares annoncées par la partie marocaine, c'est son souhait de faire du Cameroun un partenaire stratégique (voire une tête de pont) pour aller vers les autres pays de la CEMAC, notamment le Tchad et la Centrafrique. C'est pour réaliser cette ambition qu'Abdellatif Maâzouz a exhorté son homologue camerounais à s'engager à ses côtés en vue de parvenir à la signature d'accords préférentiels entre le Maroc et la CEMAC. Ceci devrait aboutir à la levée de la double imposition qui décourage actuellement les chefs d'entreprises. Expliquant l'importance de cette mesure, Saad Benabdallah, déclare qu'en effet, «la volonté des chefs d'entreprises marocains n'est plus seulement de gagner un marché, mais de tabler sur la continuité». L'autre engagement fort annoncé est la création de fonds d'investissement, avec par exemple la BAD (Banque Africaine de développement), dans l'objectif de promouvoir le co-investissement (maroco-camerounais). Dans la même logique, le Cameroun prévoit également, dès 2011, d'initier des journées économiques camerounaises au Maroc et, en 2012, des journées économiques marocaines au Cameroun. Cette initiative devra s'inscrire dans la durée de part et d'autre, pour aiguiser les connaissances mutuelles et rapprocher davantage les deux environnements d'affaires. Actions et projets Quant au feed back fourni par les chefs d'entreprises à la suite des différentes rencontres, celui-ci relève globalement de l'engouement des camerounais à s'engager dans des partenariats avec leur homologues marocains. Certaines entreprises, relévant notamment du secteur pharmaceutique, électrique et des nouvelles technologies, qui étaient déjà en contact avec des partenaires potentiels camerounais ont confié avoir consolidé leur partenariat et dans certains cas, cette consolidation a été suivie de promesses fermes de contrat. C'est le cas notamment de GFI qui réalise 16% de son chiffre d'affaires en Afrique subsaharienne et qui aurait des marchés en vue au Cameroun comme nous l'a souligné son directeur général adjoint Hassan Abni. D'autres entreprises, dont les attentes étaient surtout de découvrir l'environnement camerounais, se disent également plus ou moins satisfaites des rencontres qu'elles ont pu avoir. Des projets importants de partenariat sont également bien ficelés, notamment dans la filière agro-alimentaire, où Coffi Aya, une société camerounaise prévoit d'exporter vers le Maroc 10.000 tonnes de café chaque année. L'objectif, dans un premier temps, est d'assurer sa transformation et sa réexportation avant d'implanter à l'horizon 2012 une unité industrielle au Cameroun avec son futur partenaire marocain. Abdelfattah Amour : Ambassadeur du Maroc au Cameroun Le Royaume du Maroc et le Cameroun ont toujours entretenu de très bonnes relations politiques depuis leur indépendance. Le premier ambassadeur nommé par le Maroc au Cameroun était Si Ahmed Senoussi en 1965. Si ces relations n'ont pas servi de levier aux relations économiques entre les deux pays, c'est parce que c'est maintenant que le moment est venu pour une coopération économique accentuée. La première session économique entre le Maroc et le Cameroun a eu lieu en 2007. C'est donc surtout cette occasion qui a permis aux hommes d'affaires des deux pays de bénéficier d'un cadre juridique pour commencer à travailler ensemble. Aujourd'hui le message que nous envoyons à nos entrepreneurs c'est de leur dire que le terrain est libre. Les politiques et les diplômes marocains ouvrent les portes et balisent le terrain, mais c'est aux hommes de jouer en constituant des équipes fortes et gagnantes entre les deux pays. «La sécurisation du cadre des affaires est une priorité»Luc Magloire Mbarga Attangana, : Ministre du Commerce du Cameroun Les Echos quotidien : Quelles mesures politiques sont-elles prises par votre gouvernement pour rassurer les entreprises étrangères ? Luc M.M.Attangana : Ces dernières années, notre pays a engagé des mesures importantes visant à encourager les entreprises étrangères à venir au Cameroun. À titre d'exemple, je citerai la charte de l'investissement votée en 2002. Elle est accompagnée de codes sectoriels. Cette charte comporte des volets importants, tels que la protection des investissements, le rapatriement des bénéfices et la sécurité des investisseurs. Un autre aspect est celui de l'association du secteur privé dans les grandes réflexions économiques. Pour ce faire, il a été récemment institué ce qu'on appelle le Cameroun Business Forum. Cette institution, paritaire, se réunit de deux ou trois fois par an. Elle sert également comme organe de conseil pour le gouvernement et d'instance d'arbitrage. Qu'en est-il de la lutte contre la corruption considérée comme fléau au Cameroun ? Le phénomène de corruption est certes complexe. Mais le gouvernement a pris ce problème à bras le corps. Dans ce but, nous avons mis en place une commission nationale de lutte contre la corruption. C'est un organe doté de pouvoirs extrêmement importants. Cette commission a déjà fait ses preuves en menant en prison de hauts dignitaires impliqués dans des actes de corruption. À cela s'ajoute l'agence nationale des investigations financières qui permet de lutter contre l'usage de l'argent sale. Notre nouveau code des procédures est également très sévère quand il s'agit de corruption ou de malversation. Ces outils sont aujourd'hui des gages de sécurité pour tous les entrepreneurs qui s'intéressent à notre environnement des affaires. Quelle est la démarche camerounaise en matière d'attraction des investissements? Le Cameroun vient de créer l'agence de promotion des investissements. Nous avons mis en place les outils nécessaires pour y parvenir. De plus, en cette matière, nous comptons également sur l'implication de notre secteur privé. Et donc, le fait que le secteur privé camerounais soit aujourd'hui suffisamment organisé est aussi un levier pour donner confiance aux investisseurs.