L'Istiqlal et le PAM affichent déjà leurs ambitions en matière d'indicateurs économiques. Le PJD, l'USFP et le PPS, mais aussi le RNI, n'en sont qu'au stade préparatoire de leur programme. Il ne faut pas s'attendre à 35 programmes, pour autant de partis ; au-delà de quelques particularités, le reste se ressemble. Moins de trois mois nous séparent des futures élections législatives du 7 octobre. Les partis politiques devraient déjà commencer à «marketer», sinon les grandes lignes, du moins les points marquants de leur programme électoral. Il n'en est rien pour le moment, en ce qui concerne les formations représentées au Parlement. Quelques-unes ont tenu, toutefois, à se distinguer. Et c'est l'Istiqlal qui ouvre le bal. Pour faire court, le parti de Hamid Chabat, du haut de ses 80 ans d'existence et une riche expérience électorale, ne cache pas son ambition de gagner les prochaines élections. Il se positionne déjà en troisième alternative. Il s'y est donc pris très tôt pour préparer son programme. Pour cela il n'a pas hésité à mettre à contribution ses réseaux d'alliances, d'organisations parallèles et d'experts et cadres parsemés à tous les niveaux de l'administration marocaine. De cette cogitation qui a mobilisé des centaines de cadres et nécessité des dizaines de réunions, est né un programme dont les grandes lignes se résument en une croissance de pas moins de 5% et une inflation maintenue à moins de 2%. Cela alors que, faut-il le rappeler, différentes institutions nationales spécialisées prévoient un chiffre de croissance en deçà de 2% pour cette fin de mandat de Benkirane. Rappelons aussi qu'à son départ en novembre 2011, le gouvernement de Abbas El Fassi en était à un chiffre supérieur à 4%. En matière de création d'emplois, l'Istiqlal promet au moins 30 000 emplois dans la fonction publique et 130 000 autres postes dans le secteur privé. On parle, bien sûr, d'une cadence annuelle de création d'emplois. Ce qui fait pas moins de 800000 emplois sur toute la durée du mandat. Le deuxième parti à avoir presque finalisé son programme est le PAM. Le parti a tenu une rencontre avec le patronat, fin juin dernier, pour sonder ses attentes et recueillir ses suggestions afin de finaliser son programme. Cela dit, le parti a déjà une idée de ce qu'il peut réaliser comme performances une fois au pouvoir. Ainsi, il promet un taux de croissance d'au moins 6% «bien que personnellement je m'attends à plus», précise son ancien secrétaire général actuellement président de la Région Casablanca-Settat, Mustapha Bakkoury, lors d'une rencontre tenue avec des opérateurs économiques. La Région comme domaine d'expertise Le PAM compte s'appuyer sur le levier de l'enseignement et de la formation, y compris dans le domaine agricole pour créer des richesses. Il ambitionne d'améliorer le pouvoir d'achat des Marocains et d'arriver à un revenu moyen par habitant de l'ordre de 6 000 dollars au lieu de 3200 dollars actuellement. Bref, les équipes du PAM, à l'image d'un shadow-gouvernement propre aux grands partis dans les démocraties occidentales, se sont particulièrement attelées à combler les lacunes de l'actuel gouvernement. Elles se sont intéressées aux domaines dans lesquels il a échoué pour préparer une alternative politique et économique. En gros, c'est un nouveau modèle économique capable de hisser effectivement le Maroc au rang des pays émergents. Et pour prouver que ce ne sont pas des mots en l'air et sans attendre d'être au gouvernement, le PAM montre déjà l'exemple. La Région Tanger-Tétouan-Al Hoceima fait valeur de test pour le parti en ce sens. Son président qui n'est autre que le secrétaire général du parti multiplie les contacts au niveau international. Cette ouverture sur le monde porte déjà ses fruits. Le projet chinois concernant une zone industrielle capable de créer des centaines de milliers d'emplois, objet d'une convention entre la Région et le gouvernement de ce pays, en est une preuve. Le président de la région ne dort pas pour autant sur ses lauriers, il signe une convention avec l'Anapec pour l'intégration dans le marché d'emploi de près de 8 000 jeunes diplômés et non-diplômés, qui auront été formés auparavant. Cela alors que le gouvernement porte un projet de formation de 25 000 jeunes diplômés afin de les aider à trouver un travail dans le secteur privé. En même temps, alors que d'autres régions consacrent des millions de DH à l'achat de voitures considérées comme de luxe, il s'engage à consacrer le budget réservé à l'achat de véhicules de fonction à l'acquisition des ambulances. Les autres formations n'en sont encore qu'au début de la réflexion sur leur projet de programme. C'est le cas de l'USFP pour qui «un programme électoral qui se respecte ne s'improvise pas comme il ne peut être une pâle copie consécutive à quelque vil plagiat sommairement commis au gré des échéances électorales», pour citer un cadre du parti. Presque du réchauffé On apprend toutefois que pour son programme électoral, l'USFP a réuni ses militants et toutes ses compétences pour procéder, en premier lieu, à une analyse de la conjoncture politique, économique et sociale actuelle. Ces compétences ittihadies se sont réparties en sous-commissions pour une meilleure efficacité, précise-t-on. Elles concernent les affaires financières et économiques, les affaires sociales, les institutions, la justice et les droits de l'Homme, les affaires culturelles et l'information, la parité et l'égalité des chances, les relations extérieures... Bref, pour reprendre les termes de Habib El Malki, «nous sommes en train de préparer un programme électoral et l'un des axes fondamentaux est de rendre le Maroc un pays émergent. Et pour le rendre émergent, il n'y a pas seulement la dimension économique mais il y a celle politique aussi». Le PPS est également dans la même situation. Le processus de confection de son programme a été lancé le 20 mai dernier, les grandes lignes ne peuvent être connues qu'à partir de la deuxième moitié de ce mois de juillet. Le programme, précise-t-on au sein du parti, ne sera rendu public que début septembre. Cela étant, le programme du PPS sera articulé autour de six axes : les politiques publiques et le développement durable, la justice sociale et l'efficacité économique et financière, l'Homme au centre des politiques publiques, les libertés publiques et individuelles, la gouvernance démocratique et la mise en œuvre progressiste de la Constitution et l'ouverture du Maroc sur le monde. Pour le PJD le programme électoral se limite, pour le moment, à combattre le «Tahakkoum» (velléité de contrôle et de domination, inféodation). Accessoirement, le chef du parti a lancé le 2 juillet dernier le processus de confection du programme électorale qui sera confié au «forum des cadres et experts» du parti. Selon des sources du PJD, Abdelilah Benkirane a insisté sur la «bonne gouvernance» comme axe central de ce programme dont une grande partie sera accaparée par le bilan de son action au gouvernement. C'est également, il faut le préciser, l'axe central retenu par le PJD dans son programme électoral de 2011. Du réchauffé, en somme. Un exercice récent Tout comme le PAM, le RNI est allé, lui aussi, à la rencontre du patronat parce que la création des richesses et donc de l'emploi et de la prospérité rime avec l'amélioration de l'environnement des affaires. Son ministre de l'économie et des finances et celui du commerce et de l'industrie, qui vient de lancer coup sur coup un plan de relance et d'accélération industrielle et un plan de réforme de l'investissement, viennent d'exposer l'ossature du programme électoral du parti devant un parterre d'hommes d'affaires dans la capitale économique. Un programme qui se veut réaliste et surtout opérationnel. Le RNI s'engage à proposer des mesures qui peuvent être mises à exécution à partir du premier jour du mandat du gouvernement. Car, explique le président du parti, Salaheddine Mezouar, «les programmes économiques réussis démarrent dès la première année du gouvernement. Les mesures que prévoit le parti seront à même de redonner confiance aux opérateurs économiques et donner une forte impulsion à l'économie nationale et, par extension, résoudre une grande partie des problèmes sociaux notamment par la réduction du taux de chômage». La question du programme électoral à proprement parler est relativement récente pour les partis politiques. Cet exercice n'est entré dans les mœurs des partis que depuis les élections de 2002. En 2007, les partis ont commencé à s'ouvrir sur les milieux des affaires et la société civile et produire des programmes chiffrés. Bien sûr, ce n'est pas le cas pour toutes les formations. Car il est inutile, même aujourd'hui, d'espérer 35 programmes politiques différents. Hormis les grandes formations, estime cet analyste politique, les autres partis se contentent d'énoncer les grands principes et des lieux communs du genre : la réalisation d'un développement économique et social durable, l'appui au développement et à la promotion de l'entreprise, la promotion de la bonne gouvernance… mais rares sont les partis qui peuvent prévoir des mesures concrètes pour y arriver. Même en 2011, les programmes électoraux qui se respectent (et encore !) pouvaient se compter sur les doigts d'une main. Pour ce qui est des grands principes, l'électeur peut très bien se référer à la constitution sans attendre qu'un parti n'en fasse étale pour espérer le convaincre à voter pour lui. Tout est à refaire après les élections En effet, les articles 35 et 36 de la Constitution tracent le cadre général de l'économie nationale. Le premier instaure le libéralisme comme fondement de l'économie nationale, avec une forte touche sociale, et le second met en place les règles de libre concurrence et l'égalité des chances. Pour ce qui est des attentes sociales, la loi suprême fixe également le niveau des prestations obligatoires de l'Etat quant à l'enseignement, la santé, l'emploi, le logement, l'environnement… De même en matière des libertés publiques et individuelles ainsi que de la bonne gouvernance. Aussi, l'électeur n'attend-t-il pas des partis politiques d'énoncer les grands principes déjà contenus dans la Constitution, mais de mettre en place des mesures et des actions concrètes pour leur donner corps. Or estime cet analyste, les partis politiques, du moins la plupart d'entre eux, ne disposent pas de véritable projet de développement. Théoriquement, on devrait s'attendre à quatre grandes familles de programmes politiques : ceux de la droite libérale (UC, MP), ceux de la droite conservatrice (PJD et Istiqlal), ceux de la gauche (USFP, PPS, FGD) et ceux des partis qu'on pourrait considérer du centre-gauche (PAM et RNI, bien que le premier penche plus pour la gauche et le second pour la droite). En réalité, et au vu de ce qu'ils ont déjà présenté aux précédentes échéances électorales, malgré la multitude de programmes, on ne retrouve pratiquement pas cette ventilation. Il est même presque impossible de tomber sur un véritable programme de développement qui se réfère à des bases politiques ou idéologiques claires. Tous les programmes se recoupent à un moment ou un autre. Et même sur le plan social, les partis politiques ne s'adressent pas à une catégorie sociale (ou économique) précise en faveur de laquelle ils s'engagent à défendre les intérêts. Le PJD a certes tenté de le faire en s'engageant à défendre les couches démunies, mais il s'est avéré au final que ce n'étaient que des promesses électorales. En définitive, et quand bien même certains partis politiques arrivent à se distinguer par leurs propres programmes, ils finissent tous par recourir aux mêmes outils pour les mettre en œuvre. Pire encore, et c'est pratiquement toujours le cas, ce n'est qu'après les élections et la formation des alliances électorales que le véritable programme du gouvernement est élaboré. Et cela nous le devons au système électoral qui empêche qu'un parti ou un nombre réduit de partis (deux ou trois) puissent constituer une majorité confortable au Parlement. [tabs][tab title ="Le programme économique et social selon la Constitution"]Article 31. L'Etat, les établissements publics et les collectivités territoriales œuvrent à la mobilisation de tous les moyens à disposition pour faciliter l'égal accès des citoyennes et des citoyens aux conditions leur permettant de jouir des droits : y aux soins de santé, y à la protection sociale, à la couverture médicale et à la solidarité mutualiste ou organisée par l'Etat, y à une éducation moderne, accessible et de qualité, y à l'éducation sur l'attachement à l'identité marocaine et aux constantes nationales immuables. y à la formation professionnelle et à l'éducation physique et artistique, y à un logement décent, y au travail et à l'appui des pouvoirs publics en matière de recherche d'emploi ou d'auto-emploi, y à l'accès aux fonctions publiques selon le mérite, y à l'accès à l'eau et à un environnement sain, y au développement durable. Article 33. Il incombe aux pouvoirs publics de prendre toutes les mesures appropriées en vue de : y Etendre et généraliser la participation de la jeunesse au développement social, économique, culturel et politique du pays, y Aider les jeunes à s'insérer dans la vie active et associative et prêter assistance à ceux en difficulté d'adaptation scolaire, sociale ou professionnelle, y Faciliter l'accès des jeunes à la culture, à la science, à la technologie, à l'art, au sport et aux loisirs, tout en créant les conditions propices au plein déploiement de leur potentiel créatif et innovant dans tous ces domaines. (…) Article 35. Le droit de propriété est garanti. La loi peut en limiter l'étendue et l'exercice si les exigences du développement économique et social de la Nation le nécessitent. Il ne peut être procédé à l'expropriation que dans les cas et les formes prévus par la loi. L'Etat garantit la liberté d'entreprendre et la libre concurrence. Il œuvre à la réalisation d'un développement humain et durable, à même de permettre la consolidation de la justice sociale et la préservation des ressources naturelles nationales et des droits des générations futures. L'Etat veille à garantir l'égalité des chances pour tous et une protection spécifique pour les catégories sociales défavorisées.[/tab][/tabs]