Sont concernés les ouvrages en R+4 et plus, les habitations à usage propre de moins de 800 m2, et les bureaux et commerces inférieurs à 400 m2. L'objectif des assureurs est de couvrir au moins 70% des habitations et bureaux en RC décennale et tous risques chantier. Un grand virage se profile pour le secteur des assurances. La RC décennale et la tous risques chantier seront obligatoires à partir de 2017. Le projet de loi 13-59 modifiant et complétant la loi 17-99 portant code des assurances vient d'être voté au parlement. En vertu de ce texte, un entrepreneur ne pourra plus obtenir l'autorisation de construire s'il ne présente pas une assurance tous risques chantier. De la même manière, aucune personne ne pourra prendre possession de son immeuble sans une garantie décennale. Le même texte, déposé fin 2013 auprès du SGG, met également en place la solvabilité basée sur les risques et introduit un cadre pour l'assurance participative (Takaful). «Les arrêtés ministériels, les décrets d'application et les circulaires seront prêts avant la fin de l'année. A ce rythme, nous attendons l'application de l'obligation RC décennale et la tous risques chantier à partir de 2017», informe Hassan Boubrik, président de l'Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS). 100 MDH de primes en 2015 Pour Abdelmajid Mimouni, chef de division Assurances dommages à l'ACAPS, qui chapeaute les deux chantiers, l'autorité de contrôle s'est engagée avec les autres parties prenantes du secteur pour que les deux textes entrent en vigueur le 1er janvier 2017 et travaille d'arrache-pied pour être dans les délais. C'est une bataille de longue date qui arrive à son terme! Ces deux assurances faisaient en effet partie des demandes récurrentes de la profession. Elles figurent en tête des couvertures à rendre obligatoires par le contrat programme 2011-2015, aux côtés de la RC habitation, la RC des professions à risques et la RC des établissements recevant du public. Selon la profession, l'objectif est de couvrir au moins 70% des habitations et bureaux en RC décennale et tous risques chantier. La première a pour objet de couvrir, pendant dix ans après la réception des travaux, les réparations de tous les dommages affectant la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination, tandis que la seconde concerne les dommages à l'ouvrage et la responsabilité civile vis-à-vis d'autrui pendant le processus de construction. D'après les chiffres de la Fédération marocaine des sociétés d'assurance et de réassurance (FMSAR), les primes émises au titre de ces deux assurances n'ont pas dépassé 100 MDH en 2015. Pas plus de 15% des habitations et bureaux sont assurés, selon des estimations recoupées de la profession. Cependant, la majorité des assureurs sont optimistes. A leur avis, notamment ceux qui sont présents sur les risques techniques, les primes pourraient dépasser le milliard de DH sur les deux premières années d'entrée en vigueur de l'obligation. L'ACAPS est aussi confiante. «Nous attendons une montée en flèche du volume des primes émises dès 2017», projette M. Mimouni. L'autorité de contrôle et les patrons des compagnies d'assurance sondés s'accordent sur l'importance de ces deux couvertures. «Les opérateurs du BTP sont très conscients de l'utilité et des gains de souscrire ces assurances, mais ne le faisaient pas tant qu'il n'y avait pas d'obligation légale», explique le directeur technique d'une grande compagnie. La RC habitation et la RC des établissements recevant du public seront les priorités au retour des vacances Cependant, le niveau des primes jugé élevé reste, dans une moindre mesure, un facteur inhibant. «Il est clair que ces couvertures sont aujourd'hui relativement chères. Mais avec la pénétration qui s'améliore, les assureurs auront plus d'éléments pour apprécier leur risque. Ce qui les encouragerait à proposer plus d'offres et la concurrence aidant, les prix vont s'orienter à la baisse», analyse le directeur technique. A ce jour, l'ACAPS n'a pas encore eu d'offre de produits soumise pour homologation. «Mais les compagnies se sont déjà préparées et la mise sur le marché devrait aller vite, d'autant plus que la majorité a déjà l'expérience de ces garanties», souligne M. Boubrik. Il faut noter à cet égard que les assureurs se sont engagés avec la tutelle à développer des offres associées aux nouvelles assurances obligatoires, renforcer leur dispositif commercial, former leurs réseaux à la commercialisation de ces nouvelles offres et se conformer aux règles du Bureau central de tarification qui surveille les refus des compagnies d'assurer certains risques. Dans la profession, on estime que le potentiel aurait pu être plus élevé si la loi incluait toutes les constructions et tous les chantiers. Or, l'assurance n'est rendue obligatoire que pour quelques bâtiments et bureaux selon des critères bien précis. Pour les bâtiments résidentiels, la RC décennale et la tous risques chantier s'imposent pour les ouvrages en R+4 et plus. Dans la construction pour compte (habitat à usage propre), elles concernent les habitations principales de moins de 800 m2. Pour les bureaux et commerces, toutes les constructions et ouvrages inférieurs à 400 m2 sont soumis à la loi. «Ce que vise la loi, c'est d'abord les entrepreneurs et les sociétés de promotion», nuance une source à la FMSAR. En substance, M. Boubrik explique que le grand apport de la RC décennale est de protéger les acquéreurs, puisque c'est l'assurance qui prend en charge la réparation en cas de problème. Cette garantie contribuera aussi à améliorer la qualité du bâti du fait du suivi des assurances. Quant à la tous risques chantier, elle protégera mieux les entreprises du fait que leur responsabilité civile ne sera plus engagée. La loi introduit également des sanctions pour les contrevenants et des mécanismes de contrôle. Pour les autres types d'assurance, les compagnies devront prendre leur mal en patience ! Il en est ainsi de la RC habitation et la RC des établissements recevant du public. Il n'y a pas encore d'obligation légale, alors que le secteur tablait en 2015 sur la couverture de 50% de la population urbaine en RC habitation et/ou multirisque habitation et 40% des établissements ouverts au public. «Pour ces deux assurances, la difficulté réside dans la multiplicité des parties prenantes avec lesquelles il faut se concerter vu les enjeux que ces garanties supposent. C'est ce qui retarde la préparation d'un texte à introduire dans le circuit d'adoption», explique M. Boubrik. «Ces deux textes figurent parmi les priorités de la nouvelle feuille de route remplaçant le contrat programme que nous avons élaboré avec l'ACAPS», confie Bachir Baddou, directeur de la FMSAR. Le texte sur les risques catastrophiques, quant à lui, sera soumis à la deuxième Chambre dans les semaines qui viennent.