«Il n'y a pas d'autres choix que d'opérer la transition, même dans la douleur» La Vie éco : Tout d'abord, parlez-nous de la Coalition marocaine pour la justice climatique (CMJC) ? La CMJC, créée le 7 février 2016, compte près de 200 organisations et réseaux ainsi que huit syndicats. Pour la création de la CMJC il y a eu convergence de deux situations : l'opportunité de la tenue de la COP22 au Maroc, et la carence de réflexion, de programmes et d'actions collectives sur les enjeux climatiques au sein du mouvement associatif des droits humains. Pourquoi avoir choisi de se lancer dans la lutte contre les sacs en plastique, et pas une autre cause écologique ? Quand on lance une campagne, il faudrait aussi s'assurer de sa réussite et de son impact. Quatre éléments favorables convergent pour ce choix. D'abord, l'adoption de la loi 77-15 à l'unanimité, y compris par les représentants des syndicats et des professionnels de l'industrie plasturgique. Puis le caractère symbolique du sachet en plastique qui offre les ingrédients des grands débats des COP. Ensuite, il s'agit d'un produit de grande consommation quotidienne et qui nécessite l'adhésion de la population pour lutter contre ce fléau. Enfin, l'approche de la COP 22 à Marrakech. La campagne touche tous les pays : 500 milliards de sacs en plastique seraient consommés chaque année sur la planète. 250 milliards d'éléments en plastique se sont répandus dans les eaux de la Méditerranée...et seuls 5% du plastique utilisé dans le monde sont recyclés. Quels sont vos partenaires dans cette opération «Zéro Mika» ? La vision de partenariat de la CMJC était claire depuis le départ : réussir l'implication des membres de la société civile, les collectivités locales et les citoyens, les autorités. L'opération «Zéro Mika» interpelle non seulement les autorités pour l'effectivité de la loi, les autorités locales pour mettre en place les mesures d'éradication des sachets en plastique mais aussi les Marocaines et les Marocains dans le but de se mobiliser et s'engager localement pour un environnement sain. Sommes-nous préparés pour opérer cette transition du sac en plastique vers des produits plus écolo ? La question est de savoir s'il faut continuer indéfiniment à jouer avec la santé des citoyens pour préserver une production polluante ? Les déchets en plastique constituent une menace grave pour notre environnement, pour la santé humaine et pour le cheptel durant tout son cycle de vie. La production d'emballages en plastique consomme des produits pétroliers, de l'eau, de l'énergie et émet des gaz à effet de serre responsables du réchauffement climatique. Les déchets sont notamment non biodégradables. Pour certaines catégories de ces déchets en plastique, la durée de vie est estimée à des centaines voire des milliers d'années. Les multiples difficultés pour la collecte, le transfert et l'élimination des déchets ont des impacts tant environnementaux (enlaidissement du paysage de la ville, infertilité des sols, bouchage des canalisations du réseau et stagnation des eaux) que sanitaires (propagation de maladies hydriques, la mortalité du bétail suite aux indigestions du plastique...). Il n'y a pas d'autres choix que d'opérer la transition, même dans la douleur. Notre rôle est de contribuer à la protection des citoyens, à l'implication de l'Etat pour l'accompagnement de la transition, au respect de la loi, et au changement de nos comportements et de notre manière de consommer En pratique, qu'est-ce que vous allez entreprendre sur le terrain ? Une campagne de ramassage et de sensibilisation qui a d'ailleurs montré à quel point la population est consciente des dangers qui guettent sa santé, d'où la réaction positive à la campagne. On va maintenir l'incitation de l'Etat à prendre le relais, ce qui a été fait (la circulaire du ministère de l'intérieur, la conférence de presse du ministre de l'industrie, la campagne de ramassage et de destruction des sachets en plastique) Puis, agir au niveau de la COP22 pour élargir à l'échelle internationale l'interdiction des sachets en plastique. Mais soyons clairs, la lutte contre les sachets en plastique n'est qu'un petit élément dans une grosse bataille des énergies fossiles et de la justice climatique. Comment êtes-vous parvenus à identifier les points noirs de plastique ? Nous aurions souhaité avoir des photos satellitaires sur ces points noirs, mais, faute de mieux, nous avons fait confiance à la connaissance des associations qui militent sur le front de la préservation de l'environnement pour l'identification de certains points noirs. Nous n'avons pas couvert tous les points noirs. Notre action est symbolique et politique. L'Etat doit assumer ses responsabilités. Nous sommes un catalyseur et un organe de veille et de propositions d'alternatives. Nous sommes aujourd'hui convaincus qu'un Maroc sans sachets en plastique dans la nature est possible. Qu'est-ce que vous allez faire avec tout ce plastique ramassé? Deux solutions se dessinent. L'incinération qui serait une opération nationale de réduction drastique des milliards de sachets en plastique. L'opération, la nôtre et celle de l'Etat, a abouti au ramassage de 377 tonnes de sacs dont 17 tonnes ont déjà pu être incinérées. Opération malheureusement qui ne va pas sans pollution de l'atmosphère, mais les experts estiment qu'elle est limitée. Il y a le recyclage mais à condition qu'il ne serve pas à reproduire les sachets en plastique. Il y a à ce niveau toute une gamme de possibilités où peut se nicher l'économie sociale et solidaire. L'interdiction du sac en plastique est-elle généralisée à tous les types de sacs ? La loi n°77-15 interdit la fabrication, l'importation, l'exportation, la commercialisation et l'utilisation des sacs en matières plastiques qui sont fournis, à titre onéreux ou gratuit, aux consommateurs dans les points de vente de biens, de denrées ou de services et destinés à l'emballage de leurs marchandises. Sont exclus de l'interdiction les sacs en matières plastiques à usage industriel et agricole, ainsi que les sacs isothermes, de congélation ou surgélation, de collecte des déchets ménagers et autres déchets. C'est dire que la bataille contre l'usage du plastique n'est pas finie avec la loi 77-15.