La majoration est étalée sur 7 ans pour les affaires en cours. Un surplus de 5 à 12 % en fonction du risque moyen de chaque secteur. Finalement, les entreprises devront se résigner à une nouvelle hausse de la prime d'assurance relative à l'accident du travail. Cela pourrait être une simple hausse si ce n'est le surcoût non négligeable qu'elle engendrera pour l'économie formelle dont les entreprises enregistreront dès cette année une nouvelle envolée de leurs charges sociales. La hausse sera de 40 % au moins, applicable immédiatement pour les nouvelles souscriptions et étalée dans le temps pour les entreprises déjà assujetties au paiement de l'AT. Sans compter un surplus de 5 et 12% selon le risque spécifique au secteur (de 5 % pour les services – le moins risqué – à 12% pour le BTP – réputé le plus risqué). En définitive, la hausse, qui sera comprise entre 45 et 52%, devrait normalement intervenir lors du paiement des primes AT à fin mars, sinon à l'issue du trimestre suivant (fin juin) avec effet rétroactif. Procédure d'indemnisation désuète Cette augmentation est jugée nécessaire par Ali Boughaleb, directeur de la FMSAR (Fédération marocaine des sociétés d'asssurance et de réassurance). Il affirme qu'elle était «inévitable, en raison de l'introduction, par un arrêté du 10 octobre 2005, de la nouvelle table de mortalité, qui implique une revalorisation technique des provisions mathématiques». Le même arrêté autorise toutefois les assureurs à répartir ce surcoût sur les sept prochaines années pour les affaires gérées. Mais dans l'immédiat, elles sont contraintes de le prendre en compte dans la tarification des nouvelles souscriptions. Présentée ainsi, la hausse agace le patronat qui redoute à nouveau une entente des compagnies sur les tarifs. Ali Boughaleb assure dans ce sens que «chaque compagnie s'appuiera sur ses statistiques et ses objectifs commerciaux pour proposer une grille de primes». A ce jour, les assureurs n'ont pas encore calculé les majorations définitives à appliquer car, cette fois-ci, ils veulent travailler en bonne intelligence avec tous leurs partenaires – patronat, syndicats, ministère des Finances et intermédiaires en assurance – pour amortir le choc. Tout le monde veut éviter l'épisode de 2003, lorsqu'il a fallu recourir à l'arbitrage du premier ministre pour résoudre la crise. Mais même avec des majorations de 45 à 52 %, «le système actuel serait intenable à court terme, car le gros des indemnisations AT servies par les assureurs ne bénéficie pas aux victimes qui y ont réellement droit». Pour l'anecdote, la FMSAR a additionné une IPP (incapacité permanente partielle) de 240 % à travers différentes déclarations d'un assuré aux compagnies de la place ! «C'est pourquoi nous voulons nous attaquer au mal à la source en moralisant d'abord les procédures d'indemnisation des AT», souligne M. Boughaleb. CGEM, FNACAM, DAPS (Direction des assurances et de la prévoyance sociale), les avis convergent vers la nécessité de revoir en premier la loi 06/03 relative aux AT. Ce que préconise d'ailleurs la Banque mondiale (voir La Vie éco du 17 février 2006). La FMSAR, elle, reconnaît déjà que la procédure d'indemnisation ouvre la porte à une gymnastique à la limite de la légalité. A commencer par «la possibilité d'opter pour le rachat du capital lorsque l'IPP est inférieure à 10%». Pour planter le décor, M. Boughaleb relate le cas d'un salarié victime d'une entorse sur le lieu de son travail, évaluée généralement à un taux d'IPP inférieure à 10 %. Sachant qu'il pourra opter pour le rachat de capital au lieu d'une rente, il s'amusera à renouveler indéfiniment l'expérience. Dans ce cas de figure, l'IPP est rarement contestée par l'assureur, qui préfère solder immédiatement le sinistre au lieu de gérer une petite rente viagère qui alourdira anormalement ses coûts d'exploitation. La FMSAR note que jusqu'à 80% des indemnités de l'AT sont absorbés par des sinistres dont l'IPP est inférieure à 10 %. Dans le cas d'une IPP supérieure ou égale à 10 %, les choses se compliquent si le taux est contesté par la compagnie d'assurance. «Et c'est toujours le cas», selon un courtier. Le médecin-conseil de l'assureur est tenté de minorer le taux d'IPP pour satisfaire son commanditaire. Commence alors un long processus marqué par les démarches de la victime en vue de faire accepter le taux d'IPP par la compagnie. «L'intervention d'un avocat complique davantage le dénouement du dossier, car il le porte devant la justice», note-t-on à la FMSAR. «Et c'est ce que les assureurs veulent éviter dorénavant pour minimiser les sources de dérapage», souligne M. Boughaleb. En finir avec l'exclusivité du médecin-conseil Les assureurs sont bien conscients que l'exclusivité du médecin-conseil pose problème et veulent imposer une consultation médicale collégiale et indépendante des deux parties, sans intervention, ni des avocats ni de la justice. Mais ils veulent aussi supprimer la possibilité de bénéficier d'un capital pour une IPP inférieure à 10% afin de dissuader les imposteurs. Faraj Benwahoud estime pour sa part que «c'est l'entreprise qui paye en définitive les dérapages du système d'indemnisation. L'employeur se retrouve avec une nouvelle majoration technique, fonction des sinistres déclarés et dont la majorité sont grevés d'une IPP inférieure à 10%». Avec sa double casquette d'intermédiaire et de chef d'entreprise membre de la Fédération de la PME, il estime que seul un système de franchise en cas d'IPP (capital) inférieure à 15 % pourrait endiguer les dérapages. La FMSAR abonde dans le même sens, brandissant la réussite du système tunisien. Une procédure qui préconise une franchise pour toute IPP inférieure à 5 %, en prenant uniquement en charge les indemnités journalières et les soins. Pour des IPP comprises entre 5 et 15%, qui n'affectent pas la capacité de travail de la victime, l'indemnisation est fonction du préjudice réellement subi. Le calcul de la rente au capital est plafonné le cas échéant à 3 ans de salaire. Ce n'est qu'à partir d'une IPP de 15 % que la victime a droit à une rente ou un capital en fonction des années travaillées.