En tentant de les fonder sur le mérite, il se retrouve avec une grève. Les syndicats admettent le principe de l'évaluation mais contestent les critères qui sous-tendent celle-ci. Des négociations seront bientôt entamées entre les deux parties. Ilfaudra encore du chemin pour que la récompense du mérite et de la performance soit la règle dans l'administration. La tentative d'imposer un système d'évaluation de la performance et de notation pour l'octroi des primes, tant jalousées par les autres ministères, aura connu ses premiers couacs. Devant entrer en vigueur le 30 juin, déjà , expliqué par une note circulaire du 14 novembre (voir encadré), le système d'évaluation aura débouché sur une grève des fonctionnaires de ce département, le 8 décembre. Cependant, le principe de l'évaluation n'est contesté par personne, et les syndicats déclarent même qu'ils y tiennent plus que d'autres. Ce qu'ils rejettent, en revanche, c'est le système tel qu'il est décliné dans la décision de leur ministre. Pourtant, cette décision, Fathallah Oualalou l'avait déclarée caduque quelques jours avant le déclenchement de la grève, à en croire le secrétaire général du syndicat national des Finances (SNF – majoritaire), affilié à la CDT, Mohamed Daidaa. «Lorsqu'il nous a reçus le 5 décembre, en prévision de la grève que nous préparions, le ministre nous a assurés que la décision était caduque. Seulement, il s'agissait d'une assurance verbale alors que nous, nous voulions un écrit », confie Mohamed Daidaa. Tout semble indiquer qu'au-delà du contenu de la décision – qui peut être discuté voire modifié – ce que recherchait Fathallah Oualalou, c'était surtout de faire admettre l'idée que le moment était venu de revoir le système de distribution des primes, de donner à chacun selon son mérite, en somme d'installer dans son département la culture du rendement. Et si l'objectif était effectivement celui-là , on pourrait dire qu'il est atteint. Pour le reste, l'administration des Finances dit comprendre que puissent se manifester des appréhensions quant aux «dérives», toujours possibles, qui naà®traient d'une évaluation faite par des supérieurs du travail de leurs subordonnés. Le directeur de l'Administration générale (DAG), Omar Faraj, se dit prêt à discuter avec les syndicats pour, ensemble, améliorer ce qu'il y a lieu d'améliorer. «Il faut mettre en place un système plus équitable et qui se base sur des critères scientifiques et objectifs», déclare Mohamed Daidaa. Ces critères, précise-t-il, doivent aussi être «spécifiques à chaque service». En France, la prime de fonction n'est octroyée qu'aux agents recouvreurs Au-delà de ce problème d'évaluation, ce qui paraà®t irriter les fonctionnaires grévistes, c'est surtout la prime de fonction qui vient en sus de la prime de masse. Cette prime de fonction, ils en contestent sinon l'existence même, du moins la consistance. Il faut savoir que le ministère des Finances distribue chaque semestre une prime de masse à son personnel en fonction du grade, de l'échelle, de l'échelon et de la notation de chacun. L'argent qui alimente cette cagnotte provient essentiellement des amendes et autres pénalités de retard facturées aux contribuables. La distribution de cette prime, qui est une pratique universelle, est justifiée par le fait qu'il faut encourager les fonctionnaires à faire rentrer toujours plus d'argent et, par la même occasion, les mettre à l'abri des tentations. A ceci près qu'en France, par exemple, cette prime de masse n'est octroyée qu'aux agents recouvreurs (impôts, douane, perceptions). Outre cette prime de masse, il existe aussi une prime de fonction, comme dans tous les départements ministériels, sauf que celle servie aux Finances est beaucoup plus consistante parce qu'elle provient, elle aussi, des amendes et majorations appliquées aux contribuables (voir encadré). Or cette prime est liée non pas au grade mais à la fonction, ce qui fait que deux fonctionnaires à l'échelle 10 et au même échelon peuvent se retrouver avec des salaires largement différents et c'est là que le bât blesse. Ce sont quand même 700 millions de DH de primes qui sont distribués, en tout et chaque année au ministère des Finances. «Ne vous en faites pas, ailleurs aussi il existe des pratiques qui permettent de distribuer des primes sans que ça en ait l'air», tempère un fonctionnaire des Finances. C'est pourquoi, beaucoup estiment que Fathallah Oualalou a eu le mérite de formaliser ces primes, donc de les rendre transparentes et surtout, aujourd'hui, de vouloir en faire un outil de récompense de la performance. Y arrivera-t-il ? Un salaire de ministre comme prime de fonction ! En dehors de la prime de masse, c'est surtout la prime de fonction qui crée des tensions, car ses primes sont élevées, et même très élevées. Exemple : alors que dans n'importe quel ministère, un chef de service classé à l'échelle 10, échelon 6, a droit à une prime de fonction de 1 750 DH par mois (500 DH pour la responsabilité et 1 250 comme prime de déplacement), au ministère des Finances, la même personne, à grade égal et fonction égale, perçoit une prime de fonction de 45 000 DH par semestre (7 500 DH par mois), en plus de la prime de masse qui est de 15 700 DH par semestre (2 616 DH le mois). Sachant que le salaire normal d'un chef de service est de 5 000 DH, celui qui exerce au ministère des Finances toucherait donc 15 000 DH par mois, contre seulement 6 750 DH ailleurs. Ceci n'est qu'un exemple car, à mesure que l'on monte dans la hiérarchie, les primes grossissent sensiblement. Un directeur-adjoint, lui, perçoit comme prime de fonction semestrielle 108 000 DH (18 000 DH par mois), et un directeur central jusqu'à 320 000 DH (53 000 DH par mois, presque le salaire d'un ministre) Les critères d'évaluation qui ont créé la discorde La décision signée par Fathallah Oualalou le 14 novembre dernier, relative au système d'évaluation et de notation pour l'octroi des primes, énumère en son article 3 douze critères sur la base desquels seront évalués les fonctionnaires : qualité du travail, réactivité et rythme de travail, assiduité, autonomie, capacité d'adaptation, esprit d'initiative et d'innovation, discrétion et confidentialité, relations interprofessionnelles, communication, compréhension des objectifs de la fonction, aptitude à la direction d'équipe. La définition de chaque critère est précisée dans un guide d'évaluation annexé à la décision. L'ensemble du personnel du ministère est évalué et noté sur deux volets : la performance individuelle (80 %) et la performance collective (20 %)