Nous dansons sur un volcan mais chacun continue son petit bonhomme de chemin comme si de rien n'était. Ici, comme là. Faudra-t-il que le pire advienne pour que nous nous réveillions? Le monde se pare d'habits effrayants. La faute juste aux médias qui feraient leur beurre des mauvaises nouvelles ? Non, malheureusement pas. Il semblerait que nous soyons entrés de plain-pied dans un de ces temps où l'histoire se marque au coin du pire. Un pire qui, quand il ne se fait pas effectif, menace à tout moment. La semaine dernière s'est close au Maroc sur les informations fournies par le BCIJ sur les attentats biologiques que la cellule terroriste démantelée il y a une dizaine de jours aurait projeté de mener sur le territoire national. Après analyse des substances saisies, les conclusions sur la portée létale des armes ainsi confectionnées sont terrifiantes. La contamination de l'eau et des aliments par des bactéries mortelles et la diffusion de celles-ci dans l'air par un procédé d'aérosolisation faisaient partie des projets que le commando arrêté comptait mettre à exécution. Cela aurait signifié des victimes non par dizaines mais peut-être par milliers. Armes biologiques. Leur simple évocation a toujours fait frémir. Voilà maintenant que leur menace n'est plus juste théorique mais un danger devenu hautement potentiel. Pendant combien de temps encore notre bonne étoile nous protégera-t-elle ? Cette interrogation hante les responsables chargés de notre sécurité. On boucle la semaine dernière sur le spectre de l'arme biologique, ou l'actuelle sur un autre, tout aussi sympathique : celui du nucléaire. Ainsi de cette info en provenance de Corée du Nord. Lundi, Pyongyang s'est dit prêt à des frappes nucléaires à l'aveuglette contre son voisin du sud et les USA. La raison ? L'organisation par les forces sud-coréennes et américaines des plus importantes manœuvres jamais réalisées (300 000 Coréens et 17000 Américains mobilisés) dans la péninsule. Y voyant «des exercices de guerre nucléaire non dissimulés visant à porter atteinte à la souveraineté (de la Corée du Nord), sa riposte sera d'effectuer des frappes nucléaires préventives et offensives», a-t-il prévenu dans un communiqué. La rhétorique belliqueuse est une constante de ce pays, le plus isolé du monde. Ce n'est pas la première fois qu'il roule ainsi des mécaniques. Mais, vu la nature de son régime et du profil de ses dirigeants, on ne peut toutefois exclure qu'il y ait un jour passage à l'acte, un quatrième essai nucléaire venant à nouveau de lui valoir des sanctions internationales. Le nucléaire fonctionne comme arme de dissuasion depuis 70 ans. Il a permis aux deux grands Blocs, capitaliste et communiste, même aux moments de plus grande tension, d'en rester à la guerre froide, le souvenir d'Hiroshima et Nagasaki ayant durablement marqué les esprits . Mais imaginons que les balises de sécurité qui, jusqu'à présent, ont fonctionné, sautent. Imaginons qu'un fou, qu'un nouvel Hitler soit porté à la tête de l'une ou l'autre des grandes puissances nucléaires du monde. Qu'adviendra-t-il ? La course en tête du magnat de l'immobilier Donald Trump à la primaire républicaine est venue brutalement mettre le scénario du pire sur la table. Ses déclarations outrancières – la dernière en date n'étant rien moins que le changement de la loi américaine pour une légalisation de la torture pour les jihadistes – font frémir jusque dans son propre camp. Au sein de celui-ci, des personnalités en vue n'hésitent plus à donner de la voix, allant jusqu'à menacer de voter démocrate si Trump devait porter leurs couleurs à la présidentielle. Dans les journaux américains, des historiens prennent la plume pour rappeler qu'Hitler a accédé démocratiquement au pouvoir. C'est dire que la perspective de voir Trump s'installer dans le bureau ovale ne relève plus de la science-fiction. Cette levée de boucliers sera-t-elle suffisante pour freiner sa course ? Rien n'est moins sûr. Le populisme a le vent en poupe et pas juste aux USA. En France, Marine Le Pen, présidente du Front national, parti d'extrême droite, est donnée par les sondages au second tour des élections présidentielles de 2017. Là aussi, personne ne peut imaginer raisonnablement qu'elle puisse franchir le plafond de verre. Mais un attentat de grande ampleur à la veille des élections, et tout pourrait basculer. Dans les autres pays européens, même ceux du Nord, modèles de la social-démocratie, le même phénomène est en cours. Quant à notre monde musulman, n'en parlons pas ! C'est la chute libre à tous les niveaux. Au Caire, «Oum dounia», un tribunal a prononcé une peine d'emprisonnement à vie contre un enfant de quatre ans ! Au moment des faits qui lui sont reprochés, il en avait deux ans et demi ! Il n'y a rien à comprendre, sinon qu'on nage en plein délire. Un délire froidement exploité par Daesh qui tire parti des errances multiples et des désespoirs à répétition pour faire carburer sa machine de la mort. Nous dansons sur un volcan mais chacun continue son petit bonhomme de chemin comme si de rien n'était. Ici, comme là. Faudra-t-il que le pire advienne pour que nous nous réveillions?