Plusieurs types de cultures touchées et l'absence de pluies aggrave la situation n Le ministère de tutelle étudie les mesures d'aide à apporter. Crise, mini-crise, pas de crise… L'appréciation de l'état de l'agriculture marocaine varie au gré des interlocuteurs, mais une chose est admise par tous : si la vague de froid qui s'est abattue sur le pays a provoqué des dégâts certains, il est en revanche difficile – et en tout cas prématuré -, de se prononcer sur l'impact que pourrait avoir, sur la campagne agricole, le déficit hydrique enregistré jusque-là. Les difficultés de l'agriculteur sont donc de deux ordres, mais relèvent toutes deux des caprices de la nature. D'abord, le froid. Les températures minimales tout à fait exceptionnelles enregistrées depuis la mi-janvier ont causé des dégâts considérables, en particulier pour les cultures dites tropicales (banane, avocat, canne à sucre…) et celles qui se trouvaient au stade de la floraison (fève, petits pois, haricot vert, artichaut, etc.). Le ministère de l'Agriculture, tout en confirmant que le gel a effectivement affecté «certaines cultures sensibles», préfère attendre que lui soient parvenus les rapports d'enquêtes sur le niveau des dégâts causés par le froid, pour fournir quelque information chiffrée que ce soit. D'ores et déjà, un certain nombre de mesures d'aides aux agriculteurs affectés sont à l'examen. Il s'agit en particulier du rééchelonnement des dettes («mais au cas par cas», précise-ton), de l'approvisonnement en plants et en semences des cultures de printemps, de l'activation du Fonds pour les calamités naturelles, de l'augmentation du rythme d'usinage de la canne à sucre pour éviter sa fermentation et du renforcement des assurances agricoles. Les producteurs, eux, estiment en revanche que la situation est très mauvaise. Ahmed Darrab, président de l'ASPAM (Association des producteurs d'agrumes du Maroc), déclare que sa corporation est en train de réévaluer les dégâts, car les chiffres annoncés la première semaine de février étaient en dessous de la réalité. «En fait, précise-t-il, les dégâts sur les fruits, par exemple, n'apparaissent vraiment qu'à partir du dixième jour du début de la vague de froid». Tout en soulignant que certaines régions peuvent être moins affectées que d'autres, M. Darrab évalue à 50-60 % les pertes de récoltes dans certains vergers. Le président de l'ASPAM relève également que ce sont les cultures de plein champs qui ont subi le plus de dégâts. A Marrakech, confie-t-il, ce sont 2 000 hectares de melon qui ont été endommagés. L'APEFEL (Association des producteurs et exportateurs de fruits et légumes) pour sa part est formelle : «Pour les cultures de plein champs, c'est la catastrophe absolue dans la région du Souss Massa, et plus particulièrement dans les exploitations proches des montagnes, comme à Taroudant», nous confie un membre de cette association. «Même les cultures sous serre sont affectées. La tomate, à titre d'exemple, est endommagée à hauteur de 20 % à 25 %», ajoute-t-il. Ceci pour les dégâts visibles. «Il y a des dégâts qui ne se manifesteront que plus tard. Car, il faut savoir qu'en deçà d'un certain niveau de température, les plants sont stressés, ils ne croissent pas normalement», explique un technicien. Concernant les agrumes, relativement plus résistants, les chiffres annoncés début février sont à reconsidérer. Sur une production oscillant entre 1,2 à 1,4 million de tonnes par an, 30 000 à 40 000 tonnes ont été déclarées perdues. Nous savons maintenant que les régions de Beni Mellal, Marrakech, du Gharb et une partie du Souss ont été sérieusement touchées. Partant de là, les professionnels de l'ASPAM ont saisi le ministère de l'Agriculture à qui ils demandent de mettre en œuvre trois mesures : la constitution de commissions officielles d'évaluation, comprenant des représentants de l'administration et des professionnels, afin d'évaluer avec précision les dégâts et proposer des indemnisations aux sinistrés, l'intervention du gouvernement auprès du Crédit agricole et des autres organismes financiers en vue de rééchelonner les crédits de campagne et autres prêts contractés par les agriculteurs, et la mise en place d'un système de prévision météorologique «plus adapté aux besoins et attentes des agriculteurs». S'agissant du déficit hydrique (notamment à Kalaat Sraghna, Haouz, Souss…) dû au retard des précipitations, le ministère de l'Agriculture ne paraît pas préoccupé outre mesure. «Les premiers éléments en notre possession n'indiquent pas que la situation est alarmante à l'échelle nationale. Cela dépend des régions. Et puis, cette situation de déficit hydrique, nous la vivons chaque année, surtout dans les régions du sud et du sud-est». Il n'empêche que, selon le même ministère, le manque d'eau a déjà affecté 800 000 ha de céréales sur une superficie totale semée de 4,9 millions d'hectares. Certes, nul ne peut prévoir comment la situation va évoluer dans les prochains jours, mais le ministère de l'Agriculture, et c'est compréhensible, ne veut pas se départir de son optimisme de rigueur : «Si la pluie tombe d'ici quinze jours, la campagne, qui a bien démarré, pourra être sauvée. N'oubliez pas que les céréales ont un pourcentage de redressement très significatif». Espérons qu'il pleuve, en effet, car dans le cas contraire, avec le froid puis la sécheresse, l'agriculture serait tout bonnement sinistrée. 800 000 ha de céréales affectés, 2 000 ha de melon perdus, 25% de la production de tomate du Souss perdue…la liste s'allonge de jour en jour.