Les textes en préparation et ceux déjà votés vont dans le sens du désengagement de l'Exécutif du contrôle des professionnels de la justice. Structurellement, le ministère de la justice et des libertés est le département qui connaîtra le plus de changements dans les prochaines années. Alors qu'il s'agissait d'un ministère de souveraineté et d'une autorité de tutelle de la majorité des professions juridiques, il devient, au fil des promulgations des textes et de la mise en place de la nouvelle Constitution, un «ministère comme un autre». Entre les projets de textes fondateurs sur le pouvoir judiciaire et la magistrature, la nouvelle loi sur le notariat, la réforme de la profession d'avocat ou encore celle des experts judiciaires…, le ministère de la justice et des libertés se recentre sur son rôle d'arbitre. L'Inspection pourra faire des propositions pour le renforcement de l'efficience du système judiciaire Ainsi, dans les projets de loi relatifs au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire et au statut de la magistrature, les institutions regroupant les magistrats ne seront plus sous la tutelle du ministère de la justice. Ce dernier n'aura plus le statut de vice-président au Conseil supérieur de la magistrature et ne sera plus l'autorité de tutelle de l'Inspection générale de la justice. Cette dernière sera composée d'un inspecteur en chef (nommé par le Roi) et d'inspecteurs désignés par la présidence déléguée qui est assurée par le premier président de la Cour de cassation. La nomination des inspecteurs se fait après approbation des membres du conseil où siège le médiateur, notamment. L'Inspection générale «aura pour mission d'enquêter et de contrôler les juridictions en vue d'unifier les méthodes de travail», expliquait d'ailleurs Mustapha Ramid lors de sa présentation du texte à la Commission parlementaire, insistant également sur le désengagement de son ministère de toute mission d'inspection par «souci d'indépendance». Des rapports d'investigation seront soumis au conseil. L'Inspection pourra aussi proposer des mesures pour renforcer l'efficience du système judiciaire. Ce pouvoir d'inspection est également accordé aux présidents des Cours d'appel (arrondissement judiciaire). Concernant le parquet, le pouvoir de notation, d'inspection et de contrôle sera quant à lui transféré au procureur général près la Cour de cassation. Le ministère absent des conseils régionaux Ce désengagement du ministère de la justice vaut également pour les professions indépendantes sous sa tutelle. Avocats, notaires, et experts judiciaires, notamment, sont de plus en plus autonomes. Les premiers ont d'ailleurs eux-mêmes forcé cette démarche puisqu'ils ont longtemps manifesté contre «l'interventionnisme» de l'Executif, notamment dans le dossier de l'assistance judiciaire. Aujourd'hui, c'est l'association des barreaux elle-même qui gère le budget alloué à cet effet et gère, en concordance avec les présidents de tribunaux, le dispatching des dossiers. Pour ce qui est des notaires, les choses sont plus compliquées, car le ministère a au contraire renforcé son pouvoir de contrôle et de sanctions, mais n'intervient plus dans le fonctionnement interne de la profession: la nouvelle loi ne prévoit aucun représentant du ministère dans les conseils régionaux, ni dans le conseil national. Concernant les experts judiciaires, la future création d'un ordre national permettra plus d'autonomie pour une profession sous la coupe du ministère, puisque c'est au siège de celui-ci que se rédigent les tableaux nationaux des experts assermentés, ainsi que leurs coordonnées. C'est ainsi que «l'hyper-ministère» qu'est la Justice, comme l'Intérieur, perd de en plus en plus son pouvoir de contrôle et de sanction au «profit d'un rôle d'arbitre et de gestionnaire», poursuit M. Ramid. En effet, l'autonomie des professions sous sa tutelle lui permettra de se concentrer sur des chantiers «structurels». Le programme du ministère de la justice comprend, outre le développement des capacités institutionnelles, la garantie de la qualité de la formation de base et l'accroissement du niveau et de l'efficacité de la formation continue, et ce, pour l'ensemble des corps de métiers relevant du domaine judiciaire. Il devra s'atteler au lancement effectif des travaux de réalisation du nouveau siège de l'Institut supérieur de la magistrature (ISM). En parallèle, le ministère s'engage à déployer des efforts importants pour accélérer et rehausser le niveau de l'infrastructure des juridictions à travers le lancement de la construction de plusieurs juridictions et tribunaux de famille ou de juges résidents grâce à un partenariat avec des professionnels en la matière au niveau national (passation de contrats de maîtrise d'ouvrage déléguée).