un citoyen achète un appartement à une commune urbaine. Il en acquitte le prix intégral, en quelques années, par anticipation au crédit qui lui avait été consenti. Il demande alors à la commune la mainlevée de l'hypothèque consentie sur le bien : pas de réponse. Il s'adresse au tribunal administratif qui l'envoie paître ! C'est un triste constat qu'il convient de faire alors que débute une nouvelle année : la justice au Maroc va mal. Rien n'y fait: ni les déclarations des ministres successifs, ni les nombreuses doléances des citoyens, encore moins les signes d'alerte lancés par des organismes indépendants. Trois affaires récentes illustrent ce fait. Dans la première, un citoyen achète un appartement à une commune urbaine. Il en acquitte le prix intégral, en quelques années, par anticipation au crédit qui lui avait été consenti. Il demande alors à la commune la mainlevée de l'hypothèque consentie sur le bien : pas de réponse. Il s'adresse au tribunal administratif qui l'envoie paître ! Dans la seconde, un couple achète un superbe appartement, les pieds dans l'eau auprès d'un prestigieux promoteur immobilier. Comme la construction en est à ses débuts, on opte pour un contrat d'achat régi par la loi V.E.F.A. Le temps passe et l'appartement n'a toujours pas surgi de terre, mais le promoteur devient menaçant et réclame brutalement l'intégralité du prix de vente convenu. L'acheteur proteste, fait valoir les différentes clauses énumérées dans son contrat, mais rien n'y fait : le promoteur insiste, promettant même d'annuler la vente sans restituer les avances. Ce qui est un délit pénal, passible du tribunal correctionnel. L'acheteur saisit la justice qui l'envoie se promener ! Dans la troisième et dernière affaire, M.S. reçoit un courrier étrange, émanant d'une banque, lui intimant de régler la somme de 650000 DH pour un crédit qui lui a été consenti. Et pour augmenter la pression sur la dame, la banque fait inscrire une saisie-conservatoire sur sa villa et menace de passer à la vente aux enchères si le montant réclamé n'est pas versé. Problème : Mme S. ne connaît pas cette banque, elle n'a bénéficié d'aucun crédit et confie l'affaire à son avocat, qui dépose une demande de radiation pure et simple de la saisie, abusive selon lui. Le tribunal lui demande d'aller voir ailleurs s'il y est. Donc trois dossiers simples, limpides et ne souffrant aucune contestation, preuves et documents à l'appui, dans lesquels des citoyens lésés demandent l'application de la loi. Ils ne cherchent pas à s'enrichir, ne réclament rien d'impossible, mais cherchent tout bêtement à défendre leurs intérêts menacés. Et pourtant, saisie, la Justice les remballe sèchement : par trois fois, la Cour, pourtant composée à chaque fois de magistrats différents, les déboute avec des arguments surprenants. Dans le premier cas, le tribunal estime que certaines taxes n'ont pas été acquittées à la commune, suite à la vente/achat de l'appartement. Sauf que celle-ci, qui ne s'est jamais fait représenter lors des audiences, ne réclame rien. Dans le second cas, le juge estime qu'il n'y a pas lieu de se prévaloir de la loi V.E.F.A ; pour lui c'est une transaction banale entre deux parties, et tant que le vendeur n'a pas apporté la preuve du paiement intégral du prix convenu, il n'est pas fondé à protester. Enfin, dans le troisième cas, le tribunal estime (on se demande bien comment) que c'est à Mme S. de payer 650 000 DH. D'après lui, puisque saisie il y a, donc la dette existe. Et seul son apurement permettrait de lever la saisie sur la maison. En fait et pour résumer la situation, la justice souffre surtout d'un déficit en ressources humaines, les magistrats, en majorité carriéristes, se moquant bien de la saine application du droit: leur but, c'est la productivité à outrance dans l'espoir d'une promotion rapide. Et quoi de plus rapide que d'émettre à la pelle des jugements en irrecevabilité de la demande. Comme jadis un leader historique conseillait face à ses nombreux ennemis, «Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens». Dans le Maroc de nos jours ce serait plutôt, version tribunal : «Rejetez toutes les demandes, les plus persévérants iront en appel»… et s'ils n'en n'ont pas les moyens tant pis pour eux ! Espérons qu'en 2015 cette mentalité changera.