Les problèmes du développement ne peuvent se résoudre du jour au lendemain. Par contre, si chacun, à sa propre échelle et à son propre niveau de responsabilité, fait preuve de probité et de sérieux, les défenses du pays et sa capacité à lutter contre l'obscurantisme meurtrier s'en verront renforcées. Pour 2015, réinvitons le rêve à la table. Nos enfants y ont droit En 1992, la reine Elisabeth II d'Angleterre qualifia d'«annus horribilis» l'année, particulièrement dévastatrice pour l'image de la famille royale, qui bouclait alors le quarantième anniversaire de son arrivée sur le trône. Cette expression, depuis rentrée dans le langage courant, s'applique parfaitement à 2014. On verra donc cette année se clore sans regret. Sur un plan strictement national, il y eut ces terribles inondations du mois de novembre, inondations qui furent catastrophiques à divers niveaux. Par leur ampleur d'abord avec plus d'une cinquantaine de victimes emportées par les flots en même temps que ponts, routes et habitations et des pertes matérielles estimées à plus de six milliards de dirhams. Sur le plan éthique ensuite en ce que cette catastrophe naturelle, par les dégâts colossaux qu'elle a provoqués, a éveillé comme soupçons de malversations à grande échelle dans la gestion des deniers publics. Quand des ponts à peine construits s'écroulent alors que d'autres, vieux de mille ans, résistent, il est difficile d'imaginer que les intempéries, aussi violentes furent-elles, sont les seules à incriminer. Un malheur ne venant jamais seul, il y eut, dans la foulée, le scandale de la pelouse inondée du complexe sportif Moulay Abdallah de Rabat, affaire très mal vécue par les Marocains qui se sont sentis atteints dans leur image. Là aussi, même s'il faut attendre les résultats de l'enquête en cours pour se prononcer, beaucoup de questions se posent. Sur un registre plus géopolitique, la montée en puissance du monstre Daesh est un facteur de régression pour le monde entier. La menace terroriste représentée par l'organisation d'Al Baghdadi donne le champ libre aux sécuritaires qui reprennent du service, n'hésitant pas à malmener les libertés individuelles au nom de la sécurité. Alors que les musulmans sont les premières et les plus grandes victimes des exactions djihadistes, leur stigmatisation atteint des proportions inégalées en Occident où l'extrême-droite fait le plein des voix. Au Maroc même, les révélations sur la forte implication marocaine dans l'organisation Etat islamique tant au niveau de la hiérarchie que du nombre des enrôlés donne froid dans le dos. Le haut commandement de l'EI compte plusieurs Marocains et le Maroc, comme fournisseur en combattants étrangers, se positionne à la troisième place derrière l'Arabie Saoudite et la Tunisie. A intervalles réguliers, on apprend le démantèlement de cellules djihadistes qui procèdent au recrutement et ou planifient des attentats terroristes à l'échelle nationale. Dans la foulée, le ministère de l'intérieur en profite pour réduire le champ d'action des ONG des droits de l'homme, multipliant les interdictions de leurs activités comme si c'était elles qui représentaient un danger pour la nation ! Or le danger, et personne ne l'ignore, réside en ces jeunes revenus de tout et qui ne croient plus en rien. Qui sont dégoûtés par les malversations, dégoût qui s'est exprimé avec force lors des inondations de fin novembre comme de l'affaire du stade Moulay Abdallah. Quand vous avez un stade entier qui conspue un ministre en le traitant de voleur, il y a lieu de s'inquiéter. Sans attendre les résultats de l'enquête en cours, les 34 000 présents à la finale du Mondialito ont rendu leur verdict. Pour eux, cette pelouse inondée ne pouvait être que le fruit de la triche et de l'incompétence. Et tant pis pour la présomption d'innocence à laquelle tout mis en cause a droit, fut-il un haut responsable. Alors, bien sûr, des procès très médiatisés sont offerts à l'opinion publique pour lui montrer que nul n'est à l'abri de la loi. Sauf que, souvent, on ne comprend rien à l'affaire et que les prévenus ne représentent qu'eux-mêmes (l'affaire Karim Zaz par exemple). Ne nous jouons pas de mots, l'heure est grave. L'émergence de Daesch et la fascination qu'elle exerce sur la jeunesse musulmane est un danger mortel pour nos sociétés. Sans une prise de conscience généralisée, sans un engagement de tous pour combattre ce fléau, des jours noirs se préparent. Et qu'on ne se raconte pas d'histoires ! Ce n'est pas en multipliant sans discernement les arrestations qu'on arrêtera l'hémorragie. Au contraire. Plus on jettera de gens en prison, plus on fabriquera de terroristes. Le seul moyen de contrer l'expansion de l'idéologie djihadiste est de redonner aux jeunes la foi dans l'avenir et dans ceux qui les gouvernent. Les problèmes du développement ne peuvent se résoudre du jour au lendemain. Par contre, si chacun, à sa propre échelle et à son propre niveau de responsabilité, fait preuve de probité et de sérieux, les défenses du pays et sa capacité à lutter contre l'obscurantisme meurtrier s'en verront renforcées. Pour 2015, réinvitons le rêve à la table. Nos enfants y ont droit.