La ville compte dix fourrières d'une capacité totale de 3 000 voitures et 7 000 motocycles qui n'ont rapporté que 3,5 MDH à fin octobre 2014. La mauvaise gestion et la fraude sont les principales raisons de cette situation. Les terrains de neuf fourrières sont occupés de manière abusive. Les fourrières de Casablanca sont gérées de manière archaïque. Pour preuve, la ville en a une dizaine mais les recettes ne sont pas au rendez-vous. A fin octobre 2014, les revenus sont évalués à 3,439 MDH contre 4,068 millions en 2013 et 2,57 millions en 2012. Il faut savoir que selon les tarifs fixés par la loi, le Conseil de la ville perçoit pour chaque voiture de tourisme un montant de 20 DH par jour. Ce tarif est fixé à 30 DH pour les véhicules dont le poids est supérieur à 3,5 tonnes et 50 DH pour ceux qui pèsent plus de 8,5 tonnes. Les propriétaires des deux roues (bicyclettes ou vélomoteurs), eux, paient 5 à 7 DH. La capacité totale de ces dix fourrières peut atteindre 3 000 voitures et 7000 deux- roues. La plateforme de Hay Hassani qui comprend deux fourrières, en l'occurrence celle d'Anfa et d'Aïn-Chock, est la plus importante. Elle peut accueillir 800 voitures et 1 000 vélomoteurs. La fourrière de Derb Soltane-Al Fida a une capacité de 500 voitures et 400 motos. Celle de Sidi Bernoussi peut recevoir 500 voitures et 1000 motocycles. L'arrondissement d'Ain-Sebaâ compte également deux fourrières d'une capacité totale de 600 véhicules et 800 motos. La préfecture de Ben-M'sik Sidi Othmane dispose de deux dépôts qui accueillent respectivement 200 voitures et 400 motos, 100 voitures et 1 000 motos. Enfin, l'arrondissement de Sbata dispose d'une petite fourrière dont la capacité peut atteindre 100 voitures et 100 motos. Il en est de même pour celui de Sidi Moumen dont la capacité est estimée à 100 voitures et 2 000 motos. Cela sans compter celle qui vient d'être créée, à savoir la fourrière de Nassim. Par un simple calcul, il est possible de déduire qu'il existe un grand écart entre ce que perçoit la commune de Casablanca et les recettes potentielles. Théoriquement, pour un total de 3000 voitures et 7 000 motocycles avec un tarif minimum de 20 DH et 5 DH, les recettes doivent avoisiner les 34 millions de DH par an, soit dix fois plus qu'actuellement. Alors où passe l'argent des fourrières ? Avec 30% de la capacité, les recettes doivent dépasser 10 MDH par an «Nous n'exploitons pas ces plateformes à 100% puisqu'elles sont souvent occupées par les véhicules abandonnés ou ceux dont les propriétaires sont impliqués dans des affaires judicaires», explique un responsable au Conseil de la ville. Pour les premières, «nous attendons que les propriétaires les retrouvent. Dans le cas contraire, nous devons attendre un an et une journée avant de pouvoir entamer la procédure de vente. Cette procédure est très longue, ce qui fait que ces voitures restent au minimum deux ans. Et vu les conditions de stationnement, la valeur de vente est presque faible», argumente-t-il. Pour le second groupe, le conseil doit attendre jusqu'à ce que le propriétaire sorte de prison. «Généralement, ils refusent de récupérer leur voiture, puisque la facture devient parfois plus élevée que sa valeur vénale», regrette le responsable. En somme, ces véhicules occupent 20 à 40% des espaces des fourrières. Celui de Hay Hassani fait l'exception, car 90% des voitures qui y sont parquées sont de ce type. Néanmoins, «cela ne pose pas vraiment problème puisque nous trouvons souvent une solution pour déposer les voitures. Du fait que la fourrière ouvre ses portes jusqu'à 20h30, le séjour moyen des véhicules s'établit à une ou deux journées maximum», explique un employé de la fourrière. Selon les professionnels du secteur, chacune des fourrières reçoit en moyenne 40 voitures et 60 motos par jour. «Ces chiffres peuvent être multipliés par 3 ou 4 en cas d'activités officielles, ou simplement lors des ''hamalates''», confirme le professionnel. En gros, même si on estime que ces fourrières opèrent seulement à 30% de leur capacité, le montant des recettes devrait dépasser les 10 MDH par an. «Cela n'est pas le cas parce qu'il y a une partie de l'argent qui échappe au Conseil de la ville», déclare le responsable. Pour l'histoire, à l'époque de l'ancienne loi relative aux collectivités locales, Casablanca était partagée en dix petites communes. Chacune d'elle gérait elle-même ses dépenses et ses recettes. Depuis le changement de la loi et la création de la Commune urbaine de Casablanca en 2004, c'est cette dernière qui collecte les recettes y compris celles des fourrières. Cependant, les régisseurs qui se chargent de la collecte des amendes font toujours partie du personnel des arrondissements. Des micmacs à l'entrée et à la sortie des véhicules «Les sociétés de dépannage qui opèrent dans ces fourrières n'ont aucun contrat avec le Conseil de la ville», explique le responsable avant d'ajouter que s'«ils sont là c'est parce qu'ils entretiennent de bonnes relations avec les agents et les régisseurs». En effet, ils sont sollicités par les policiers pour le remorquage. Toutefois, pour s'assurer de recevoir la totalité de leur paiement à une fréquence quotidienne, «ils versent au régisseur une commission sur chaque voiture, à condition que ce dernier veille sur leurs intérêts. D'autres installent leur propres employés au sein des fourrières pour contrôler les entrées et sorties», explique une source très au fait des pratiques dans ce milieu. Et c'est là que le problème se pose, car au moment du paiement des frais de dépannage et de la fourrière, l'automobiliste reçoit un seul reçu, celui relatif à la période de dépôt. «Or, au lieu de remettre ce reçu, les régisseurs s'arrangent pour donner à l'automobiliste un récépissé de la société de dépannage qui comprend la totalité du montant», confie notre source. Et d'ajouter : «Pour éviter de garder une trace du passage de la voiture dans la fourrière, les dépanneurs ne déposent même pas le bon d'entrée de la voiture». Il faut dire que toutes ces pratiques et autres font perdre au Conseil de la ville des sommes faramineuses. Pourtant, cet organisme n'envisage pas pour l'instant d'adopter un mode de gestion qui assure la rentabilité et préserve les véhicules contre les vols ou les incendies. Les terrains des fourrières sont tous squattés Lors de la session ordinaire du mois d'avril 2014, le Conseil de la ville de Casablanca avait voté un projet de concession de la gestion de certaines fourrières communales à des opérateurs privés sur la base d'un cahier des charges. Selon les professionnels, ce projet est mort-né. Et pour cause, les vingt sociétés de dépannage qui se partagent le territoire casablancais ont mis la pression pour que ce projet ne voie pas le jour. En effet, il faut savoir que le cahier des charges prévoyait que les sociétés de gestion déléguée doivent être équipées d'une flotte de voitures de dépannage. Une mention qui risquait de mettre en péril le business des sociétés de dépannage. En réalité, ce n'est pas la seule raison qui a poussé le Conseil de la ville à renoncer à cette proposition. Il est important de savoir que «hormis la fourrière d'Aïn-Sebaâ (située dans le voisinage de la prison d'Oukacha) qui est implantée dans une rue impasse, les neuf autres sont installées sur des terrains appartenant à des privés dans le cadre de l'occupation pour utilité publique», confirme le responsable du Conseil de la ville. Dans ce cas, «si le conseil opte pour la gestion déléguée, tous les propriétaires de ces terrains vont enclencher des procédures judiciaires en vue de récupérer leurs biens», déclare un élu. Une situation que la ville ne saura pas gérer, faute de moyens financiers et à cause de la rareté du foncier à Casablanca. Illustration : lors de la dernière session du Conseil de la ville, «les élus ont été obligés de voter la décision du transfert de la fourrière de Hay Hassani, située actuellement sur la route d'Azemmour, à la préfecture de Bouskoura. Une décision qu'ils reportaient depuis plus d'une dizaine d'années», explique un élu. Le motif est que le terrain de la fourrière appartient à la Société nationale d'aménagement communal (Sonadac) qui veut le récupérer. Comme alternative, le Conseil de la ville «prévoit de louer un terrain pour une longue durée dans la préfecture de Bouskoura. Mais cette proposition impliquera une augmentation des prix du dépannage, de stationnement, mais surtout une lourdeur des procédures de récupération des voitures», fait savoir la même source. Ce qui veut dire qu'une solution durable n'est pas encore à portée de main.