L'ANP s'apprête à lancer une étude devant servir de base à la refonte du système tarifaire des droits de ports. Officiellement, il s'agit pour l'agence de l'adapter au nouveau contexte du secteur, surtout que l'actuel système date de 1996. Pour les spécialistes, il pourrait s'agir d'une simple excuse pour revoir à la hausse les tarifs. C'est un projet qui semble anodin à première vue, mais qui risque bien de créer la polémique dans le secteur maritime d'ici quelques mois. Tout est parti d'un simple appel d'offres lancé il y a quelques jours par l'Agence nationale des ports (ANP) pour une étude devant déboucher sur une refonte du système tarifaire des droits de ports. Il s'agit là d'un ensemble de redevances qui sont perçues par l'ANP pour tout débarquement de marchandises ou de passagers dans les ports sous sa gestion, ainsi que sur les services offerts aux navires y transitant (droit de stationnement, droit de mouillage, droit d'entrée…). Sur le principe, l'agence souhaiterait revoir ces tarifs de manière à les adapter au contexte actuel et contribuer au renforcement de la compétitivité des ports marocains. L'agence se base surtout sur le fait que le système tarifaire en vigueur a été élaboré en 1996 et que, depuis, le secteur portuaire a connu bien des mutations. Il s'agit d'abord du changement de mode de gouvernance des ports. Depuis 2006, l'ANP disposant de l'autonomie financière a remplacé l'ODEP. La dernière décennie a été également marquée par une importante évolution des trafics portuaires et le changement de leurs structures, suite notamment à l'impact de l'accélération de l'ouverture de l'économie nationale sur l'international. Enfin, les conditions de traitement des trafics se sont améliorées, suite aux différentes initiatives prises par les pouvoirs publics, ainsi que l'ANP, dans ce sens. A partir de là, il paraît logique, du point de vue de l'agence, de revoir la structure tarifaire. Les tarifs resteront inférieurs à ceux des ports européens Chez les opérateurs maritimes, ce chantier pourrait avoir des effets pervers sur le secteur : au lieu de renforcer la compétitivité des ports, il la réduirait. En effet, selon la démarche préconisée dans l'appel d'offres, le cabinet qui se chargera de l'étude devra baser une partie de son travail sur un benchmark avec différents ports méditerranéens. «Actuellement, on ne peut pas benchmarker avec les ports tunisiens, libyens et égyptiens en raison du contexte particulier que vivent ces pays. Cela réduit donc l'échantillon des ports à prendre pour exemple à ceux de la rive nord de la Méditerranée où les droits de ports sont bien plus élevés que ceux du Maroc», analyse un opérateur dans le domaine portuaire. Ce faisant, l'étude pourrait déboucher sur des recommandations de relèvement des tarifs sans que les ports marocains deviennent plus chers que leurs concurrents méditerranéens. «Si les ports européens sont plus chers, ils ne sont pas moins compétitifs vu la qualité des services qui y sont offerts», souligne un expert maritime pour qui «toute hausse des tarifs portuaires au Maroc réduirait nettement leur compétitivité même s'ils sont plus bas qu'en Europe». Cette analyse se base surtout sur le fait que la compétitivité d'un port ne doit pas être considérée sur la base du simple aspect des tarifs portuaires mais plutôt sur l'ensemble des coûts logistiques. Chez les pays concurrents, ces coûts sont évalués entre 10 et 15% de l'ensemble des coûts que supportent les opérateurs économiques contre plus de 20% au Maroc. Si l'augmentation des tarifs des droits de ports se confirme, les coûts logistiques devraient donc logiquement suivre. C'est en tout cas ce que craignent aujourd'hui les opérateurs portuaires. Ce n'est pas la première fois que ce sujet est soulevé. En 2010 déjà, une étude semblable à celle que s'apprête à lancer l'ANP a été confiée à un cabinet étranger, en l'occurrence à Advanced Logistic Group (ALD). A l'époque, le cabinet avait impliqué les opérateurs dans l'élaboration de ses recommandations, lesquels opérateurs avaient déjà soulevé cette problématique en cas de relèvement des tarifs. Jamais les résultats de cette étude n'ont été divulgués et l'ANP n'avait plus communiqué sur le sujet. Du moins, pas avant le lancement du nouvel appel d'offres. Qu'adviendra-t-il de cette nouvelle étude ? Débouchera-t-elle vraiment cette fois sur une augmentation des tarifs des droits de ports ? Il faudra attendre 2015 pour avoir une réponse. Seule certitude pour l'instant, l'agence souhaite que son nouveau système tarifaire soit plus simple et plus transparent pour les opérateurs. Il devrait également inclure des modifications majeures pour certaines catégories d'opérateurs, à l'exemple des armateurs générateurs de trafics qui devraient bientôt être soumis à un régime tarifaire «incitatif» au lieu d'un système de ristourne comme c'est le cas actuellement. Parallèlement, l'agence devra étudier l'opportunité de remplacer l'assiette actuelle par une nouvelle assiette facilement évolutive, contrôlable et conforme aux normes internationales.