Ils sont au nombre de 205 et opèrent dans des domaines divers et variés. Le secteur de la santé totalise à lui seul 90 SEGMA. L'Etat a lié les subventions accordées à ces entités à leur capacité de réalisation. SEGMA : Services de l'Etat gérés de manière autonome. L'acronyme est autant familier pour les fonctionnaires des finances et autres spécialistes des finances publiques que complètement étranger pour le citoyen lambda. Il est vrai cependant que l'emploi de ce sigle est plutôt rarissime ; il ne réapparaît dans la presse, et de manière laconique, qu'à l'occasion de la présentation du projet de Loi de finances au Parlement. Pourtant, les SEGMA, c'est ce qu'il y a de plus proche de la vie quotidienne des citoyens : hôpitaux, centres de santé, Trésorerie générale du Royaume, Administration des douanes et des impôts indirects, les complexes sportifs de Casablanca, Rabat et Fès, la Météorologie nationale, les Centres régionaux d'investissement, etc. La liste est longue, elle comporte 205 SEGMA plus exactement, opérant dans des domaines divers et variés : cela va de la santé à la communication et transport, en passant par l'enseignement et la formation professionnelle, l'agriculture et la pêche, les activités récréatives (comme le sport et le tourisme), les activités économiques, sociales… Bref, les SEGMA, ce sont ces entités qui, dans les territoires et au quotidien, déclinent l'action publique, accomplissent, bien ou moins bien, les tâches pour lesquelles l'Etat les a créés. Tout en étant une composante de la Loi de finances depuis l'année 2000, les SEGMA ont cette particularité de bénéficier de l'autonomie financière, moyennant une rémunération, partielle ou totale, des prestations fournies aux usagers. Ce qui ne les empêche pas de recevoir des dotations budgétaires, fixées dans la Loi de finances. Pour 2014, par exemple, les crédits ouverts pour les SEGMA dans le projet de Loi de finances se montent à 3,1 milliards de DH, dont 2,2 milliards de DH pour les dépenses d'exploitation et un peu plus de 900 millions de DH pour les dépenses d'investissement. Afin de rationaliser les transferts budgétaires, et donc de maîtriser les ressources publiques, il est prévu, dans le cadre de la réforme de la Loi organique des finances, de conditionner toute création d'un nouveau SEGMA à la capacité de ce dernier à couvrir au moins 50% de ses charges par des recettes propres. A la lecture de cette disposition, on peut penser qu'aujourd'hui les ressources propres de ces services ne sont pas suffisantes. Le rapport du ministère des finances sur les SEGMA accompagnant le projet de Loi de finances 2014 indique, au contraire, que le gros de ces entités (71,2%) parvient à atteindre ce seuil, et même à le dépasser très largement. En fait, seuls les SEGMA opérant dans les domaines de l'enseignement, de la formation professionnelle, de l'agriculture, forêt et pêche maritime (au nombre de 59 sur un total de 205) ont des taux de couverture inférieurs à 50%. D'une certaine manière, cela paraît presque…normal, sachant que ces SEGMA opèrent dans des domaines peu ou pas lucratifs, comme c'est le cas, à titre d'exemple, de l'Ecole des sciences de l'information du HCP, ou encore du parc national de Souss-Massa relevant du Haut commissariat aux eaux et forêts et à la lutte contre la désertification. Ce qui est frappant, en revanche, c'est de constater que les SEGMA intervenant dans les domaines de la santé et de l'action sociale, soit 47% de l'ensemble des SEGMA, obtiennent des taux de couverture (de leurs charges par des ressources propres) très largement supérieurs à 50% et même au-delà de 100% s'agissant de l'année 2011. Ne parlons pas de ceux qui sont sur des créneaux économiques, comme les transports, la communication, les infrastructures ; ceux-là, depuis quelques années, couvrent la totalité de leurs charges par des recettes propres. Au moins 50% des charges doivent être couvertes par des ressources propres La question qui se pose, et à laquelle le ministère des finances ne donne pas de réponse, est celle de savoir pourquoi exiger de tous les SEGMA, indépendamment de leur champ d'intervention, de satisfaire à l'exigence des 50% de couverture des dépenses par les ressources propres. Est-ce que cela signifie que ces services vont devoir augmenter les tarifs des prestations qu'ils fournissent? Ou, alors, est-ce une manière de les inciter à maîtriser leurs dépenses ? Comment les hôpitaux, les dispensaires et autres centres de santé ont-ils déjà réussi à engranger des recettes propres représentant en moyenne plus de 80% de leurs charges sur les cinq dernières années ? Est-ce seulement grâce à une meilleure gestion des ressources ? Ce qui interpelle surtout, c'est de constater que, globalement, les SEGMA, au moins depuis 2007, dégagent chaque année des excédents. Ces deux dernières années (2011 et 2012), les excédents reportés représentent même quelque 55% de leurs recettes. Une situation, soit dit en passant, que l'on observe également dans les budgets des collectivités locales. Que traduisent ces excédents qui apparaissent à chaque exercice ? Que la capacité de réalisation de ces SEGMA est faible ? Selon le ministère des finances, en tout cas, le taux global de réalisation des dépenses, en 2012 par exemple, n'a pas dépassé 43%. Et cette faiblesse dans l'exécution des dépenses ne concerne pas que les charges d'exploitation (dépenses de personnel et de matériel), c'est le cas aussi de dépenses d'investissement (voir encadré). Sans doute, est-ce pour cette raison d'ailleurs que le ministère de l'économie et des finances a décidé, il y a déjà quatre ou cinq ans, de surseoir au transfert automatique des subventions au profit des SEGMA, faisant dépendre celles-ci de leur capacité de réalisation. L'idée avait germé lorsque le gouvernement précédent, confronté à la problématique du déficit budgétaire, commençait à chercher les moyens de le maîtriser en agissant, entre autres, sur certaines dépenses. Mais on constate que l'exécution des budgets des SEGMA s'achève toujours sur des excédents (voir graphe), même lorsque le ministère des finances ne «décaisse» pas la subvention prévue. En 2012, par exemple, l'excédent des recettes sur les dépenses de l'ensemble des SEGMA s'élevait à 3,9 milliards de DH. Les organismes agissant sur le terrain social ont, eux, dégagé un excédent qui équivaut à 75,5% de leurs recettes ! Et ceci malgré le fait que cette année 2012 précisément, ces SEGMA n'avaient pas reçu la subvention qui était inscrite dans les prévisions de dépenses de la Loi de finances. A quoi aurait-elle servi d'ailleurs ? Cette situation, à vrai dire, n'est pas propre à l'année 2012, ni aux SEGMA à caractère social. Entre 2007 et 2012, les SEGMA ont réalisé une recette moyenne de 4,9 milliards de DH par an. Parallèlement, la dépense moyenne est de 1,9 milliard de DH par an. Le solde (excédentaire) ressort ainsi à 3 milliards de DH chaque année en moyenne. Visiblement, il y a un énorme problème de capacité de réalisation. Cela est-il dû à un manque de ressources humaines, de moyens techniques, de systèmes d'organisation ? Peut-être faudrait-il engager un audit pour le savoir et ainsi y apporter les corrections nécessaires. Le commun des citoyens ne comprendrait pas que ces services de proximité, en particulier ceux qui ont des missions sociales ou de santé, puissent chaque année dégager des excédents quand on connaît les déficits accumulés sur ces terrains-là.