M. T. ne retrouve pas son bagage, une fois débarqué de l'avion qui le ramenait de Rome. Les employés de l'aéroport le font lanterner, ceux de la compagnie d'aviation lui promettent que tout sera réglé incessamment. les jours passent, et, finalement, excédé, il saisit la justice… qui le déboute aussi promptement car il a dépassé les délais fixés par la Convention de Varsovie régissant le transport aérien ! Nous avons vu dans l'édition précédente que face à l'Administration, le citoyen/ contribuable demeure assez faible, démuni et sans vraie protection, malgré l'institution du tribunal administratif. Les administrations connaissent leur force, leur puissance, et ne s'embarrassent que rarement des jugements qui leurs sont contraires. Un récent rapport du médiateur pointait le fait que les plaintes les plus nombreuses concernaient les administrations et leur refus d'exécuter les jugements rendus. Mais en dehors des administrations, la loi sur la protection des consommateurs suscite bien des résistances. D'abord de la part des grands groupes, qui n'entendent pas se laisser menacer. R.S. a découvert fortuitement la présence d'insectes dans son pot de yaourt. Il s'adresse à son épicier, qui répond qu'il n'est en rien responsable de ce que contiennent les pots qu'il vend. Il convient de voir avec la société qui les distribue… laquelle est différente de celle qui les fabrique. Un imbroglio total, juridiquement opaque, à dessein d'ailleurs afin de brouiller les pistes. Un juriste consulté lui conseille de n'engager aucune procédure, car, comment prouvera-t-il que ce n'est pas lui qui a placé les insectes après avoir ouvert le pot ? Mme R., elle, conserve quelques bouteilles d'une grande marque de boissons gazeuses… contenant des objets divers : clous rouillés, capsules avariées… et même quelques cafards ! Une expertise judiciaire diligentée à sa demande conclut que les boissons sont impropres à la consommation. Son avocat saisit le tribunal, sollicitant une indemnisation pour le préjudice moral subi. D'arguties en arguments, après plusieurs audiences, la Cour juge la demande irrecevable : il fallait assigner la société X, non celle dont le nom est mondialement connu, et figure sur tous les produits de la marque. Au Maroc, elle s'est enregistrée sous cette appellation, qui n'a rien à voir avec le nom connu. Première défaite du consommateur. Une seconde requête, rectifiée, est engagée aussitôt. Là, c'est le magistrat qui se montre pointilleux, et ordonne une seconde expertise. Il ne semble pas convaincu du bien-fondé de la demande en indemnisation, allant même jusqu'à soupçonner Mme R. d'avoir introduit elle-même les éléments étrangers dans la bouteille de soda ! (les bouteilles présentées sont pourtant scellées, et manifestement n'ont jamais été ouvertes). L'expert désigné va plus loin que son précédent collègue : les corps étrangers retrouvés dans la boisson sont susceptibles de causer des troubles graves à la santé en cas de consommation ; nous ne sommes pas loin de l'empoisonnement, puni de mort au Maroc, rappelons-le. A titre de comparaison, en Occident, dès qu'un produit avarié ou défectueux est signalé sur les marchés, il est automatiquement retiré du circuit commercial à grands renforts de publicité, où l'on invite les consommateurs à venir se faire dédommager… bien avant qu'ils ne le demandent eux-mêmes ! Mais au Maroc, c'est différent car notre culture est particulière. Ainsi, le magistrat en charge de l'affaire estime qu'il n'y a pas de préjudice, le produit impropre à la consommation n'ayant pas été consommé ! En d'autres termes : «Mourrez d'abord, protestez ensuite…», et encore ! Le juge pense qu'il s'agit tout simplement d'une tentative indue d'enrichissement aux dépens d'autrui, et rejette la demande d'indemnisation. Enfin, M. T. ne retrouve pas son bagage, une fois débarqué de l'avion qui le ramenait de Rome. Les employés de l'aéroport le font lanterner, ceux de la compagnie d'aviation lui promettent que tout sera réglé incessamment. Les jours passent, et, finalement, excédé, il saisit la justice…qui le déboute aussi promptement car il a dépassé les délais fixés par la Convention de Varsovie régissant le transport aérien ! Ces trois cas illustrent bien les difficultés éprouvées par les citoyens à se faire entendre pour défendre leurs droits élémentaires ; soit par méconnaissance des lois (tout le monde n'est pas juriste), soit par ignorance des procédures à suivre, souvent complexes, longues et coûteuses. La solution consisterait, parallèlement à l'adoption de lois, à encourager la constitution d'associations de défense des consommateurs, soutenue par les pouvoirs publics, et s'appuyant sur une presse spécialisée, à l'instar des associations françaises, et du très influent magazine Soixante millions de consommateurs redouté par toutes les entreprises vendant des produits au public. A Lire aussi : Vous avez dit protection du consommateur ? -1ère partie-