La liste ne concerne que 6% des médicaments vendus sur le marché. Soixante produits figurant sur la liste sont non remboursables par l'AMO. Les mutuelles déçues par le niveau de la baisse, les industriels apprécient la démarche prudente du ministère. La baisse du prix des médicaments annoncée depuis quelques semaines par le ministère de la santé n'aura pas d'effets sur l'activité des pharmaciens et, en fin de compte, sur le budget médicaments des patients. C'est en substance ce que l'on peut retenir des indiscrétions au sujet de ce dossier en cours de finalisation au ministère de la santé. Celui-ci n'a toujours pas officiellement dévoilé la liste des 320 médicaments concernés, cependant il y a beaucoup d'agitation dans le milieu mutualiste. Certaines mutuelles se disent même déçues. Et les arguments ne manquent pas. Tout d'abord, c'est la démarche progressive adoptée par le ministère de la santé qui est montrée du doigt. En effet, la baisse des prix se fera en deux temps. Dans l'immédiat, seront concernés les médicaments traitant les affections de longue durée (ALD) notamment l'oncologie, l'hépatite C, la sclérose en plaque et enfin l'hématologie. Pour le reste, la baisse se fera dans un cadre réglementaire, c'est-à-dire par un décret. Le prix public marocain sera alors fixé pour une période déterminée au terme de laquelle il sera procédé à sa révision. «Sachant que l'adoption d'un décret nécessite du temps, il est certain que l'on attendra encore des années peut-être pour avoir la baisse des prix d'une deuxième fournée de médicaments vendus dans les officines», expliquent les responsables d'une mutuelle. Ensuite, il est souligné que l'impact de la mesure ministérielle sera nul pour les officines, actuellement en situation de crise du fait que les traitements pour les ALD sont dispensés dans les hôpitaux et les cliniques et sont achetés directement auprès des laboratoires pharmaceutiques. On retiendra, quand même, que le prix de certains de ces médicaments a baissé de 50%. Ce qui se traduira, selon des industriels pharmaceutiques, par une économie de 800 000 DH par an pour les hôpitaux. Les mutuelles reconnaissent en effet l'importance d'une telle économie pour le secteur public de la santé. Néanmoins, elles tiennent, quand même, à préciser qu'il ne s'agit pas d'une véritable baisse de 50%, mais plutôt d'«une régularisation puisque le ministère n'a fait que répercuter la baisse de prix de ces molécules dans leurs pays d'origine». Cette observation est confirmée par les industriels. Ils soulignent cependant que la baisse a le mérite de garantir aux patients l'accessibilité des médicaments coûteux. Le ministère affirme que la baisse a été décidée sur la base d'un benchmarking Ces industriels notent que la progressivité adoptée par le ministère de la santé est «une démarche intelligente dans la mesure où, d'une part, elle répond aux besoins des patients atteints de pathologies chroniques, et, d'autre part, elle va permettre le maintien de l'équilibre financier des pharmacies qui sont en crise». Une baisse de prix générale pour tous les spécialistes du marché (5 300 environ) aggraverait la crise du secteur, étant donné que 90% des médicaments vendus en officine ont un prix inférieur à 100 DH, et entraînerait même, selon les industriels, la fermeture de 30% des pharmacies, en particulier celles qui sont implantées dans les régions éloignées. L'autre problème soulevé par les mutuelles concerne le niveau de la baisse. Le ministère de la santé, notons-le, a avancé que la baisse pourrait aller jusqu'à 50% pour des molécules innovantes et coûteuses (20 000 à 30 000 DH la boîte). Mais, dans le milieu mutualiste, on relève que «pour certains produits la baisse est insignifiante et ne dépasse pas deux ou trois dirhams. Ce qui n'aura aucun impact sur les dépenses des patients et encore moins pour les assurés de la CNOPS !». Précisons que les assurés de la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale achètent les médicaments à un prix étudié au niveau de la pharmacie de la caisse. «Aujourd'hui, même avec la baisse des prix certains médicaments resteront plus chers que la pharmacie de la CNOPS. Quel est donc l'intérêt pour les assurés de cette caisse ?», s'interroge une source proche du dossier. Les mutuelles soulignent pour démontrer le faible impact de la baisse pour les assurés, qu'environ 60 produits parmi les 320 annoncés ne figurent pas dans la liste des médicaments remboursables par le régime de l'assurance maladie obligatoire. Ils présument que le ministère a pris une mesure dans l'urgence pour réagir aux critiques sur la cherté du médicament. Au ministère de la santé, on explique que la baisse a été décidée sur la base des conclusions d'un benchmarking avec l'Arabie Saoudite, la Turquie qui vient de baisser ses prix de 45%, l'Espagne, la France, la Belgique ou encore le Portugal.