Le dépôt d'une plainte au pénal nécessite au préalable l'accord du parquet. parfois, le substitut de service refuse tout simplement d'accepter la plainte : si elle émane d'un citoyen, il pourra être éconduit sans autre forme de procès ; si elle émane d'un avocat, on prendra la peine de l'habiller juridiquement : c'est une affaire qui relève du civil, maître, cette banale dispute autour d'un héritage. Peut-être. Peut-être pas ! Et s'il convient aux antagonistes de donner à leur histoire une connotation pénale ? Le rôle du parquet étant d'enregistrer TOUTES les plaintes… Le rôle principal d'un tribunal est de régler les conflits, trouver des solutions aux litiges, et d'appliquer sainement les lois dans le souci principal d'apaiser et de calmer les tensions nées de ces contentieux. Les juges sont donc un facteur essentiel, contribuant par leur activité à démontrer aux citoyens qu'il existe des lois, et que l'Etat veille à leur application afin de préserver les intérêts divers. Mais il n'en va pas toujours ainsi, et pour plusieurs raisons. Ainsi, plusieurs fois, des citoyens saisissent la justice dans l'espoir de régler un problème quelconque (divorce, dettes non honorées, occupation illégale d'un local…) pour lesquels la solution devrait être rapide et sans ambiguïtés, sauf que les choses ne se déroulent pas toujours comme prévu. Tel citoyen propriétaire de plusieurs locaux, commerciaux ou à usage d'habitation, a des soucis avec certains de ses locataires : non-paiement de loyers, règlements en retard, violation des conditions de copropriété… Depuis des années, il s'adresse à la justice, et a dépensé des fortunes en taxes judiciaires, honoraires d'avocats, d'experts, mais il constate que ses nombreuses demandes d'expulsion demeurent sans suite, voire qu'elles sont rejetées par les tribunaux pour des raisons qui souvent sont discutables : production d'une photocopie au lieu de l'original du contrat de propriété, adresses du locataire indélicat incomplète… Un autre citoyen, lui, constatant que sa vie conjugale bat de l'aile, engage avec l'assentiment de son épouse une procédure de divorce. Selon eux, l'affaire sera réglée rapidement : ils ne sont mariés que depuis trois ans, n'ont pas d'enfants, et estiment en toute lucidité qu'il est raisonnable de tourner la page. Sauf qu'ils se retrouvent embarqués dans un marathon judiciaire qui va les accaparer tout le printemps, et leur pourrir leur été. Car la loi est claire : le juge doit faire une tentative de conciliation entre les époux : première audience. Bien entendu, ils confirment courtoisement leur intention de se séparer. Mais la loi insiste : il faut maintenant tenter une conciliation par l'intermédiaire de membres de la famille. Ce qui nécessitera trois autres audiences, avant de constater que la position des époux n'a pas évolué. Finalement, et au bout de plus de sept audiences, le magistrat prononcera le divorce : ce qui aurait pu être beaucoup plus rapide, et moins onéreux pour le contribuable. Relevons aussi une autre particularité de notre système judiciaire : le dépôt d'une plainte au pénal nécessite au préalable l'accord du parquet. Ce qui déjà constitue une entrave au droit des citoyens de saisir la justice librement car, parfois, le substitut de service refuse tout simplement d'accepter la plainte : si elle émane d'un citoyen, il pourra être éconduit sans autre forme de procès ; si elle émane d'un avocat, on prendra la peine de l'habiller juridiquement : c'est une affaire qui relève du civil, maître, cette banale dispute autour d'un héritage. Peut-être. Peut-être pas ! Et s'il convient aux antagonistes de donner à leur histoire une connotation pénale ? Le rôle du parquet étant d'enregistrer TOUTES les plaintes… à charge pour lui, par la suite, de prendre une décision de classement sans suite ! (Mais il est vrai que ça fait travailler les procureurs un peu plus longtemps). Ainsi, et en vieux routier des prétoires, un auguste avocat casablancais écrivait à un de ses clients qui le sollicitait pour une consultation sur une affaire, et sur ses chances d'aboutir : «Vous ne devez cependant pas ignorer que toutes sortes de facteurs, connus ou pas, internes ou externes, peuvent influer sur le cours d'une action judiciaire, et que même si votre position est parfaitement justifiée juridiquement, le risque existe que son bien-fondé ne soit pas reconnu par les tribunaux». C'est sans doute ce qui faisait dire à Charles Dumercy (ancien avocat, juge et écrivain belge) : «Au lieu d'un bandeau, la Justice devrait porter des lunettes !».