Un juge, ça juge… et encore ! , et… sans trop d'état d'à¢me. Mais ce n'est pas ce qu'on lui demande, ni son unique rôle dans la société. sa mission est aussi bien sociale que juridique, car il doit pouvoir apaiser des tensions par des jugements équitables. Or, cette notion d'équité lui est inconnue, tout comme celle élémentaire de la présomption d'innocence… Et la boucle est bouclée, car l'une des principales causes de la surpopulation carcérale revient essentiellement au non-respect de la présomption d'innocence. Nous sommes donc à l'orée d'une nouvelle saison qui s'annonce prometteuse en matière de réformes diverses, notamment concernant le monde de la justice. A ce propos, il convient de faire un lien entre trois données. D'abord, c'est aussi la rentrée scolaire, période où les établissements d'enseignement ouvrent leurs portes pour accueillir des milliers d'enfants, avides de savoir et de connaissance. Ensuite, il faut se rappeler l'une des dernières déclarations du ministre de la justice avant la période estivale et qui concernait la surpopulation carcérale. Les chiffres sont éloquents : 65 000 détenus, pour… 30 000 places. Un record d'entassement, des capacités dépassées de 100%, un taux d'occupation de 216%. Enfin, on doit garder en mémoire le discours adressé à la Nation par le chef de l'Etat, à l'occasion de la Révolution du Roi et du Peuple, le 20 août dernier, dans lequel il déclarait : «Jeunes du Maroc, vous êtes la vraie richesse de la Nation». On peut se poser la question de savoir ce qui relie entre eux ces trois éléments, et la réponse tient en un seul mot : l'éducation. Robert Badinter, ancien Garde des Sceaux (appellation du ministre de la justice, en France) avait constaté que «la prison n'est qu'un espace muré qui cache les échecs de la société». Or, que fait celle-ci lorsqu'elle se retrouve devant des cas de surpopulation carcérale ? Elle construit de nouveaux centres de détention, ce qui n'est pas la bonne réponse à apporter à ce problème. Et c'est ici que se rejoignent les trois notions : la rentrée scolaire, la déclaration du Souverain et la notion d'éducation. Victor Hugo affirmait il y a plus d'un siècle : «Ouvrez des écoles pour fermer des prisons». C'est cette approche qui semble avoir été privilégiée par le Roi, conscient que «c'est dans le système de l'éducation que réside le défi principal du moment». Reprenons : les prisons sont pleines ; la faute en incombe à un système général, éducatif, juridique et légal, qu'il serait bon de revoir. Car selon l'écrivain britannique Mark Twain, «celui qui ouvre une prison doit savoir qu'on ne la fermera pas». Donc, tout repose sur l'éducation, la formation, la sensibilisation, le tout bien sûr accompagné d'un sérieux lifting en ce qui concerne le corpus juridique du pays. Il importe alors d'enseigner aux enfants dès leur jeune âge le respect des lois et règlements, au même titre qu'on leur inculque d'autres données fondamentales. Cette instruction civique est primordiale, car elle façonne les esprits de ceux qui en bénéficient. Mais il faut aussi penser à la formation de nos magistrats, pas seulement sur le plan juridique, mais aussi au niveau moral et intellectuel. Au Maroc, un juge, ça juge… et encore !, et… sans trop d'état d'âme. Mais ce n'est pas ce qu'on lui demande, ni son unique rôle dans la société. Sa mission est aussi bien sociale que juridique, car il doit pouvoir apaiser des tensions par des jugements équitables. Or, cette notion d'équité lui est inconnue, tout comme celle élémentaire de la présomption d'innocence… Et la boucle est bouclée, car l'une des principales causes de la surpopulation carcérale revient essentiellement au non-respect de la présomption d'innocence. Résultat : plus de 50% des personnes détenues sont en attente de leur procès…donc présumées innocentes, mais déjà incarcérées. Chez nos magistrats (tous corps confondus, juges ou procureurs), la mise en détention est la règle, quel que soit le délit commis, et ce, bien que le code de procédure pénale stipule en toutes lettres que l'incarcération doit demeurer l'exception ! Un chèque revenu malencontreusement sans provision ? Au trou ! Un banal accident de circulation avec mort d'homme ? Au trou ! De sombres histoires d'héritage, de pensions alimentaires ou de paiements divers ? Au trou ! Quitte à ce que ces mêmes personnes soient relaxées quelque temps plus tard ! Une autre notion est magnifiquement balayée d'un revers de manche : celle du doute, qui doit toujours profiter à l'accusé… sauf dans la législation marocaine, inébranlable, droite dans ses bottes et perpétuellement convaincue de la culpabilité des prévenus. D'où, au Maroc, la fâcheuse impression générale qui prévaut : «On peut croire à la justice, mais se défier des juges» !