Les conserves de haricot vert, tomate et cà¢pres font les frais de l'insuffisance en quantité et en qualité des approvisionnements. L'abricot, produit sucré, risque de subir les effets du changement de mode de consommation en Europe. Les industriels réfléchissent à une stratégie de diversification de l'offre. A deux mois de la clôture de la campagne d'exportation 2011-2012, les exportateurs de conserves de produits végétaux font grise mine. «Ce secteur vivote. Il y a une petite amélioration par rapport à l'année dernière pour quelques produits, mais globalement on note une perte de vitesse des produits marocains sur les marchés d'exportation», commente un responsable de la Fédération des industries de la conserve des produits agricoles et de la mer (Ficopam). Il souligne que la perte de compétitivité, engendrée par le niveau du prix et la faiblesse de la production pour certains fruits et légumes, a commencé il y a une dizaine d'années. Les statistiques de l'Etablissement autonome de contrôle et de coordination des exportations (EACCE) arrêtées à fin décembre 2011 confirment en effet que les exportations de plusieurs produits sont dans le creux de la vague. C'est le cas par exemple des cornichons et des câpres qui totalisent 8 318 tonnes entre juillet et décembre 2011 (six premiers mois de la campagne) contre 9 033 tonnes pour la même période de la campagne précédente, soit un repli de 8,6%. Pour les cornichons, les expéditions ont porté sur 88,12 tonnes au cours de la campagne 2011-2012 contre 122,75 tonnes la campagne antérieure. Un recul justifié, selon la Ficopam, par l'indisponibilité de la matière première qui induit la non-compétitivité des exportations marocaines sur les marchés étrangers et particulièrement ceux de l'Union Européenne. Selon cette fédération, le Maroc est sérieusement concurrencé par l'Inde et les pays de l'ex-URSS dont les prix sont 30% moins élevés. Et pour cause, la faiblesse du rendement à l'hectare n'atteint que 3 tonnes au Maroc alors que chez les concurrents il est de l'ordre de 10 tonnes. Pour les câpres, la perte de compétitivité est plutôt due à la qualité du produit. Même si le Maroc produit la moitié de la production mondiale de câpres (24 000 tonnes annuellement), ses exportations perdent du terrain face à des pays comme l'Iran ou encore la Jordanie dont la production répond aux exigences des marchés étrangers. «Les câpres du Maroc ont un gros calibre alors que les clients veulent des câpres de petite taille. Nous avons un problème de cueillette puisque les petits calibres, situés en haut du câprier, doivent être cueillies avant qu'elles ne grossissent. Pour la main-d'œuvre, en général constituée de petites filles, cela est éprouvant. Et quand elles acceptent de le faire, elles exigent un prix élevé. Soit 10 DH le kilo au lieu des 6 DH généralement proposés», expliquent les industriels. S'agissant de la tomate en conserves, c'est surtout l'indisponibilité de la matière première qui explique la baisse des exportations. Le volume est passé de 404,40 tonnes à fin décembre 2010 à 300,82 tonnes en 2011. Le rendement à l'hectare est en moyenne de 45 tonnes au lieu de 110 tonnes chez les principaux concurrents. Les industriels sont donc contraints, pour répondre à leurs besoins, d'importer annuellement 2 500 tonnes de concentré de tomate. Dès lors, le prix à l'export devient élevé et moins compétitif que celui de la concurrence. Le haricot vert est confronté aux mêmes difficultés. Le Maroc, autrefois très bien positionné, ne fait plus le poids devant le Kenya. Ce qui a poussé les industriels à se concentrer sur la conserve de l'haricot vert extra fin en bocal. Les exportations ont totalisé 66,19 tonnes en 2011-2012 contre 26,82 tonnes à la même période de la campagne antérieure. Il y a certes une nette progression, mais la valeur ajoutée reste insignifiante. Aujourd'hui, dit-on à la Ficopam, 50% de la production nationale (76 000 tonnes) de haricot vert sont exportés frais. Par ailleurs, les industriels notent que les conserveurs ont été contraints d'abandonner plusieurs produits faute d'indisponibilité ou d'insuffisance d'approvisionnement. Le cas le plus récent est celui de l'artichaut qui a été abandonné, faute de compétitivité sur les marchés européens, même si les industriels estiment qu'il constitue une niche porteuse pour se positionner sur le marché américain. Ils se contentent pour le moment de petits volumes. Les exportations de fonds d'artichauts sont passées de 6,89 tonnes durant la campagne 2010-2011 à 7,43 tonnes pour 2011-2012. Au total, les exportations de conserves de légumes ont décru de 9,4%, à 1 772,25 tonnes. Les fruits rouges, une niche à développer… Heureusement que les olives qui constituent une bonne partie des quantités commercialisées à l'étranger se sont mieux comportées. D'après les chiffres de l'EACCE, les exportations ont atteint 31 000 tonnes contre 30 305 tonnes, soit 2,3% de plus. Ce qui s'explique par une progression de la production nationale qui s'est située à 1,4 million de tonnes contre 800 000 tonnes. Cette hausse de la production a porté, dit-on à la Fédération des industries de la conserve, le niveau d'activité des usines de 50% de leur capacité de production, il y a quatre ans, à un peu plus de 60% actuellement. Autre satisfaction : la conserve de jus de fruits et légumes dont les ventes atteignent 2 313,60 tonnes, soit 3 fois plus qu'en décembre 2010. Pour les conserves de fruits, les exportations ont atteint 7 314,51 tonnes en 2011-2012 contre 5 477,45 tonnes la campagne antérieure, en hausse de 33,5%. Les ventes sont tirées par les conserves d'abricot (naturel, sirop et autres) et les pulpes. Pour la première catégorie, le volume exporté s'est situé à 2 079,25 tonnes, en hausse de 11,3%. Corrélativement, 4 303,32 tonnes de pulpes ont été expédiées contre 2 741,55 tonnes une année plus tôt, soit une ascension de 57%. L'abricot surgelé est également bien demandé. Le Maroc en a vendu 3 299,34 tonnes contre 2 034,38 il y a un an, soit une hausse de 62,2%. Cependant, la fédération tient à préciser qu'un recul de la demande sur l'abricot en conserve commence à se faire sentir sur les marchés étrangers où l'on consomme moins de produits sucrés. Les quantités de fraise surgelée ont en revanche dégringolé de 51% : 2 929,93 tonnes ont été commercialisées au lieu de 6 010,95 tonnes en décembre 2010. La tendance est en faveur de la fraise en frais dont les exportations atteignent, selon la Ficopam, 50 000 tonnes, soit la moitié de la production nationale estimée à 100 000 tonnes. Pour les industriels, la stratégie pour redresser la barre réside dans la diversification de l'offre. A cet égard, une étude est en cours pour la conserve d'abricot. Autre chantier : le développement des exportations des fruits rouges (groseilles et myrtilles) en conserve. Pour ces fruits, les exportations sont estimées à seulement 2 tonnes en frais. Soulignons par ailleurs que le volume global des produits d'origine végétale exporté à fin décembre 2011 se monte à 104 960,39 tonnes, en recul de 21,77%. Entre autres raisons, la forte chute des légumineuses qui n'avaient pas dépassé le millier de tonnes au lieu de 16 000 tonnes à l'égale période de la campagne précédente.