On veut à tout prix être dans le gouvernement, quitte à sacrifier alliances, amitiés et histoire commune. Affligeant… Les jeux sont faits. Après s'être classé 3e en 2002 et 2e en 2007, mais avec le plus grand nombre de voix, le PJD a réalisé, lors du scrutin du 25 novembre 2011, un score sans appel : 27% des sièges au Parlement ! Il peut donc légitimement prendre la tête du gouvernement. Il reviendra aux analystes et aux historiens de décortiquer le pourquoi du comment d'une aussi large victoire, la part du vote-sanction, les ressorts psychologiques qui ont pesé aussi fort sur la décision de vote en faveur du PJD, il reste que la rue a parlé et ceux qui n'ont pas voté et qui voulaient autre chose auront eu tort. La rue a parlé. Mais la rue a surtout exprimé un besoin de changement. Un modèle nouveau, un pacte de confiance à renouveler. «Pas toujours les mêmes». On veut plus de transparence, on veut un Maroc propre… Evidemment, même avec ses 107 sièges, le PJD devra aller chercher sa majorité chez les autres, ceux qu'il a critiqué à un moment ou un autre, ceux qui l'ont égratigné à tort ou à raison. Tout est question de dosage d'animosité, tout est aussi question de concessions. Qui seront demain les futurs alliés du PJD ? Il est intéressant d'observer que la victoire du parti islamiste a fait vaciller une Koutla du haut de ses 20 ans, habituée à jouer les premiers rôles et qui, aujourd'hui, avance en rangs dispersés pour se chercher une place au soleil. L'USFP et le PPS hésitent, l'Istiqlal a dit oui d'emblée. Le parti de Allal El Fassi invoque une responsabilité historique et veut faire bénéficier le gouvernement de son expérience aux affaires. Et la Koutla ? Et les promesses d'avant campagne ? Aucun parti n'a une responsabilité historique, le Maroc ne va pas s'écrouler parce que l'Istiqlal n'est pas au gouvernement. La responsabilité historique est de faire front commun et l'Istiqlal se décrédibilisera en abandonnant la Koutla pour des sièges ministériels. Soit c'est toute la Koutla, soit ce n'est aucun de ses membres et le champ politique en sortira grandi. A moins de tuer cette Koutla et de clarifier les choses, mais l'on n'ose pas : elle peut resservir dans 5 ans…pour des sièges ministériels. De la même manière, on ne peut que fustiger le MP ou l'UC qui font les yeux doux au PJD, en vouant aux gémonies cette alliance qu'ils ont intégrée pour une parcelle de gloire. Peu leur en chaut ! Un siège de ministre vaut bien de sacrifier G8 et principes. Navrant ! La victoire du PJD peut donner l'occasion à la classe politique d'assumer ses choix, de renforcer sa cohérence, de regagner les électeurs de demain, de se remettre en question. A défaut, c'est la même classe politique qui, demain, sera toujours en train de rebâtir des alliances nouvelles pour une place au soleil d'une journée dont ils prennent le crépuscule pour l'aube.