Abdelaziz Fouganni, Président de l'Ordre national des huissiers de justice La Vie éco : La nouvelle loi sur les huissiers de justice impose un concours pour le recrutement de nouveaux huissiers, quelles nouveautés apporte-t-elle ? Avant la loi de 2006, le recrutement d'un huissier de justice ne se faisait pas, en effet, par concours, et donc c'est le ministère de la justice qui le nommait directement. Cette nomination ne se basait pas sur des critères objectifs et ne prenait pas en considération le rôle économique et la dimension du contentieux dans une région. Résultat : on trouvait dans certaines villes un nombre d'huissiers disproportionné par rapport à la dimension du contentieux, et donc dans certaines régions il y avait des huissiers en chômage technique. Ce concours d'accès à la profession est ouvert aux candidats entre 25 et 45 ans, titulaires d'une licence en droit ou d'un diplôme équivalent. L'autre nouveauté est que le candidat qui réussit le concours doit, avant de commencer d'exercer, faire un stage de six moins, auprès des tribunaux et des cabinets d'huissiers de justice, stage sanctionné par un examen de fin de stage. Maintenant, notre ordre demande à ce que l'huissier fasse au moins deux ans de formation après la réussite du concours, et que cette formation soit en phase avec les réalités économiques et l'évolution technologique du pays . Un huissier est en relation permanente avec les justiciables et, de ce fait, il doit acquérir des aptitudes psychologiques, une formation ouverte à la sociologie, aux techniques de communication et à la comptabilité. Pourquoi ne pas créer carrément une filière de spécialisation, après le DEUG, dédiée à la formation des huissiers de justice dans nos facultés de droit ? Il y a des huissiers de justice qui gagnent bien leur vie malgré la tarification jugée humiliante. Il se rattrapent sur les commissions ? Vous parlez d'une infime minorité d'huissiers de justice qui arrive à brasser sufisamment d'affaires pour vivre correctement tout en étant honnête. Certains aussi sont corrupteurs et corrompus et s'enrichissent d'une manière illégale, mais il faut prouver ces actes de corruption. Reste que le plus grand nombre des huissiers vit dans la misère. Ils sont souvent issus d'un milieu pauvre et exercent un métier pauvre. Comment bien faire son travail dans ces conditions matérielles ? Est-il vrai que votre corps de métier veut aussi monopoliser tout ce qui est notification et évincer ainsi de ce domaine les secrétaires greffiers ? Oui, nous voulons aussi réparer cette injustice qu'est la double compétence en matière de notification entre huissiers de justice et secrétaires greffiers. Ces derniers empiètent sur notre domaine, alors que la loi est claire : la notification et l'exécution des jugements sont du domaine de l'huissier de justice. Nous voulons aussi la levée d'interdiction de facto qui nous est imposée en matière d'exécution des jugements à l'encontre des compagnies d'assurance. Nous nous demandons aussi pourquoi il y a une lenteur dans l'utilisation de la force publique attribuée par la loi à l'huissier, au moment où le procureur du Roi donne cette autorisation dans l'heure qui suit la demande.