La première préoccupation d'un nouveau ministre c'est de constituer son cabinet. Certains membres du gouvernement s'adressent au Premier ministre pour réserver un traitement salarial plus avantageux aux équipes de leurs cabinets. La constitution d'un cabinet figure parmi les premières préoccupations d'un nouveau ministre, cette tâche n'étant pas exempte de difficultés. D'abord en raison de la rareté des profils dédiés à des fonctions aussi sensibles qu'«éphémères». Et surtout, à cause des salaires peu motivants que l'Etat consacre à cette catégorie de personnes contractuelles et non pas fonctionnaires. Aussi, le chef de cabinet perçoit une rémunération brute de 16 000 DH (13 600 DH nets). Il ne bénéficie d'aucun autre avantage, à l'exception d'une voiture de service. Les conseillers et chargés d'études touchent, pour leur part, à peine 12 000 DH (10 400 nets). Quant au chef du secrétariat particulier du ministre, il est rémunéré à hauteur de 8 000 DH bruts. Face à ces salaires modestes, comment le ministre arrive-t-il à convaincre des compétences de rejoindre son équipe, d'autant plus qu'il peut être mis fin à sa fonction, et donc à leur carrière, à tout moment ? Tout dépend en fait du poids des ministres et des moyens financiers de leurs départements. Certains membres du gouvernement parviennent ainsi à convaincre le Premier ministre de leur signer une dérogation qui permet de réserver un traitement salarial plus avantageux aux équipes de leurs cabinets. Ils obtiennent généralement des rémunérations similaires à celles des membres du cabinet du chef du gouvernement, à savoir un forfait de 30 000 DH nets par mois. D'autres essayent de se débrouiller avec les moyens de leurs départements. Ils versent ainsi à leurs collaborateurs des compléments de salaires, sous forme d'indemnités de déplacement forfaitaires. Il s'agit d'enveloppes allant de 1 000 à 7 000 DH par mois, que les services financiers inscrivent dans le cadre de déplacements, souvent fictifs, des membres de cabinets dans différentes villes du pays. Pour arriver à des sommes importantes, le régisseur peut établir à la même personne des missions pour une vingtaine de jours au cours du même mois. Et la pratique est reconduite de la même manière, chaque mois. Autre méthode pour relever ces salaires : l'octroi d'indemnités kilométriques qui sont versées par trimestre ou une fois tous les ans. Cette astuce est tellement répandue dans les ministères et autres institutions publiques que les contrôleurs des finances avalisent les dossiers. Non pas parce qu'ils y recourent, eux aussi, mais surtout parce qu'ils sont conscients que cette irrégularité a essentiellement pour objectif de relever la grille des salaires de ces cadres à un niveau raisonnable. Dans un Etat qui se respecte, il serait peut-être temps de régulariser ces petites pratiques connues et acceptées par tous.