Toute entreprise qui veut être performante est tenue d'avoir une visibilité à moyen terme, notamment en matière de recrutement, de mobilité, de gestion de carrière et de formation. « Cette année, j'ai eu trois départs en retraite à gérer en plus d'une assistante partie en congé maternité. J'ai eu du mal à trouver des remplaçants», explique ce manager. La patronne d'un cabinet conseil a également vécu une expérience similaire. «Mon entreprise grandissait au fil des années. Je ne pouvais assurer seule cette croissance. J'ai fait promouvoir une de mes collaboratrices au poste de directrice adjointe. Elle avait pourtant le potentiel. Mais les résultats ne suivaient pas. Peut-être que je n'ai pas su l'accompagner dans ses nouvelles fonctions». Beaucoup d'entreprises vivent ces situations de nature à réduire leurs performances, faute de s'y être préparées suffisamment à l'avance. En effet, il n'y a pas si longtemps, la gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC) préoccupait encore peu d'entreprises à cause de la stabilité de l'environnement économique. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. Parce que le monde change et que l'environnement de l'entreprise change, c'est désormais une démarche d'anticipation qu'il faut. Pour assurer la continuité de l'entreprise, il est important d'avoir une visibilité à moyen terme en matière de recrutement, de mobilité, de gestion d'effectifs et de carrière, de formation…«C'est un enjeu stratégique majeur et une mission prioritaire des DRH dans ce qui peut être considéré comme une nouvelle bataille pour les entreprises», explique Hassan Chraibi, consultant et DG du cabinet Ingea Conseil. Toute entreprise en quête de performances est donc tenue de préparer la relève à tous les niveaux hiérarchiques de l'entreprise. Cela passe par l'utilisation de systèmes de détection et de gestion des hauts potentiels et une stratégie de recrutement réfléchie. Les outils permettant d'identifier et d'encadrer les hauts potentiels ne manquent pas. Techniques d'évaluation «peer review», «assessment centers», «balanced scorecards», il y a toute une panoplie de techniques qui peuvent être utilisées seules ou en mixte. Par exemple, pour faciliter la mobilité verticale, des entreprises comme Renault ont opté pour des comités de carrière, incluant le PDG et les membres du comité de direction (Lire interview de Mohamed Bachiri, DRH Group de Renault Maroc, en page 4). «Aujourd'hui, tous les niveaux du management peuvent être concernés par le management des successions. On rassemble les candidats choisis pour monter à un échelon supérieur dans un vivier de hauts potentiels, et ceci sans qu'il y ait obligatoirement de postes vacants dans l'immédiat», souligne M. Bachiri. Dans ce groupe, une liste de successeurs potentiels, pour tout poste concerné (généralement trois personnes) est arrêtée bien à l'avance. «Chaque cas est traité au niveau du comité. Il s'agit également lors des entretiens d'évaluation de recueillir les attentes de chacun pour pouvoir mettre en place les actions idoines. Grâce à ce vivier, on accélère le développement et la carrière des collaborateurs pour leur permettre d'occuper le rôle auquel on les destine», explique le DRH Group de Renault Maroc. Comme Renault, beaucoup d'entreprises, notamment les multinationales, ont mis en place ce genre de système. Chez GlaxowSmithKline Maroc, par exemple, trois types de profils sont identifiés pour prendre la relève. D'abord les cadres juniors qui sont aptes à remplir à moyen terme des fonctions de middle management, les cadres seniors appelés à occuper à moyen terme des fonctions de directeurs centraux, directeurs de sites et les leaders appelés à remplir des fonctions de responsabilité à l'international. Plusieurs critères de choix sont retenus. Pour prétendre à de nouvelles responsabilités, un collaborateur doit réaliser d'excellentes performances et de très bonnes qualités comportementales. Un programme de formation de managers coachs destiné à l'ensemble des cadres dirigeants et intermédiaires a été mis en place pour que chacun puisse gérer un haut potentiel au sein de son entité. La transmission du savoir est un vecteur de motivation Les DRH insistent sur le fait que la sélection se fait généralement en faisant bien attention à l'équilibre entre services ou départements. La maîtrise du processus de promotion est aussi essentielle. «On doit franchir des étapes importantes pour pouvoir accéder au poste désiré tout comme l'entreprise doit réguler les demandes qui sont parfois disproportionnées par rapport au potentiel de l'individu», prévient M.Bachiri. Ceci dit, une gestion prévisionnelle ou un plan de succession reposent avant tout sur la transmission du savoir, souligne Hassan Chraibi. Une telle démarche présente plusieurs avantages aussi bien pour l'entreprise, l'accompagnateur que l'accompagné. Même si l'objectif n'est pas de préparer la promotion verticale «la transmission du savoir est un vecteur de motivation pour les collaborateurs», explique Mohamed Bachiri. La préparation de la relève n'intéresse pas que les grandes entreprises, mais les PME aussi. Pour ces dernières, il s'agit non seulement d'identifier les hauts potentiels et de préparer la relève, mais aussi de favoriser les conditions de la croissance. De manière plus large, le message véhiculé par une gestion efficace des carrières est clair : c'est un moyen pour retenir les meilleures compétences ainsi qu'un outil pour attirer de plus en plus de talents.