Les experts-comptables ont reçu plusieurs demandes de consultation sur les moyens de bénéficier de ce dispositif. La direction des impôts promet de renforcer les contrôles pour débusquer les éventuels fraudeurs. Il fallait s'y attendre. Après l'introduction par la loi de Finances 2011 d'un taux d'impôt sur les sociétés (IS) préférentiel de 15% pour les entreprises réalisant un chiffre d'affaires inférieur ou égal à 3 MDH, nombre de sociétés en exercice cherchent à tirer profit de cette mesure. C'est ce que confirment des experts-comptables interrogés par La Vie éco. Parmi eux, Abderrahman Sentissi, qui dit avoir été consulté par ses clients dans ce sens depuis quelques semaines. Et dans ce lot, figurent également des promoteurs immobiliers, précise Hamid Errida, Tax Manager au cabinet Guarrigues Maroc. Confirmant le mouvement, Abdelkader Boukhriss, expert-comptable gérant du cabinet Experts Consultants Associés, reconnaît là une tendance naturelle qui tend à détourner toute mesure fiscale de son objectif premier. Car il faut bien rappeler que dans son esprit, l'IS préférentiel pour les sociétés réalisant un chiffre d'affaires inférieur ou égal à trois millions de dirhams a pour but d'encourager les entreprises opérant dans l'informel à rejoindre le circuit légal et non pas pousser celle déjà organisées à minorer leur chiffre d'affaires. Naturellement ce détournement de recettes potentielles n'est pas pour plaire à l'administration fiscale. Celle-ci n'a d'ailleurs pas manqué une occasion depuis le début de l'année pour mettre en garde explicitement les professionnels de la comptabilité, leur annonçant son intention d'être particulièrement regardante sur les comptes des entreprises pour l'année en cours dans le but de déceler les cas de fraude. Un regain de vigilance qui par ailleurs avait été annoncé par Abdellatif Zaghnoun, le directeur général des impôts lors du dîner débat organisé par La Vie éco le 27 janvier dernier (www.lavieeco.com). Le patron du fisc s'était même engagé à contrôler systématiquement les entreprises qui déclareraient pour l'exercice en cours un chiffre d'affaires inférieur ou égal à 3 MDH en baisse par rapport à l'exercice 2009. Le problème est que «les moyens de contrôle de l'administration fiscale en la matière restent limités», souligne Abdelkader Boukhriss. La scission d'entreprise bénéficie d'un cadre fiscal incitatif jusqu'à fin 2012 Ceci étant, le levier basique pour les entreprises souhaitant profiter de l'IS préférentiel de 15 % demeure le maintien de leur volume d'activité en dessous de la fameuse barre des 3 MDH et ce en agissant sur l'activité commerciale. «Concrètement, une entreprise dont le chiffre d'affaires approcherait trois millions de dirhams en fin d'année pourrait tempérer avant de décrocher ou d'exécuter un contrat», explique un expert-comptable. Le tout, il va sans dire, est de rester dans la légalité en évitant par exemple de reporter pour l'année d'après la comptabilisation de livraisons effectuées sur l'année en cours. Mais qu'en est-il des sociétés qui drainent des niveaux de chiffre d'affaires plus importants ? Celles-ci ont une autre voie pour profiter de la mesure : opter pour un partage de leur chiffre d'affaires par voie de scission d'entreprise. L'idée est de scinder l'entreprise en plusieurs entités réalisant individuellement un volume d'activité inférieur ou égal à 3 MDH. Par exemple, une entreprise intégrée pourrait créer des filiales qui fabriqueraient les intrants d'autres entités. Cette voie est d'autant plus recherchée qu'elle bénéficie d'un cadre fiscal incitatif (au même titre que la fusion) introduit par la loi de Finances 2010 et qui se prolonge jusqu'à fin 2012. En effet, et jusqu'à cette échéance, au lieu de l'imposition immédiate, la plus-value de scission réalisée sur certains actifs bénéficie d'un sursis d'imposition jusqu'à leur retrait ou cession ultérieure. Cela dit, la scission, outre des tracas administratifs, peut présenter plusieurs aspects contraignants. D'abord, elle doit nécessairement se traduire par l'apport intégral des activités de la société scindée. Autrement dit, une entreprise qui scinde son activité entre plusieurs entités est dissoute et disparaît suite à cette opération. Ensuite, l'apport d'activités dans le cadre de la scission doit porter sur des activités autonomes et différentes. A titre d'exemple, une entreprise commercialisant des pièces de rechange ne peut se scinder en deux entreprises exerçant cette même activité. En outre, «le déclenchement d'une opération de scission peut perturber la marche normale de l'activité d'une entreprise, avertit Abderrahman Sentissi, surtout au vue des difficultés sociales que cela peut engendrer». Last But not least, la scission peut présenter un risque fiscal non négligeable puisqu'elle «donne systématiquement lieu à un contrôle fiscal», assure Hamid Errida. Tout est donc question d'arbitrage pour les entreprises.