45 500 unités mises en chantier et 12 500 logements réalisés après trois ans. Les promoteurs privés invoquent la cherté du prix des terrains pour expliquer leur manque d'intérêt pour le produit. Depuis le lancement du programme des logements à 140 000 DH, en 2008, les pouvoirs publics fondaient beaucoup d'espoir sur cette initiative pour offrir un toit aux populations à bas revenu habituellement exclues des circuits immobiliers traditionnels. Mais, trois ans après, le niveau des réalisations s'est avéré être en deçà des ambitions. Selon des sources officielles, 75 500 logements ont été programmés jusqu'à janvier 2011. Comparé à l'objectif de 130 000 unités visées à fin 2012, on peut convenir que le rythme est encourageant. Sauf que seuls 12 500 logements ont été finalisés jusqu'à présent. Et encore, le nombre de ménages qui ont déménagé vers les nouvelles habitations reste très faible. A ce jour, seulement 4 000 logements ont été livrés à leurs propriétaires sur 11 000 commercialisés. Al Omrane, le holding public d'aménagement immobilier qui a pris en charge 7 500 des logements réalisés, impute cette lenteur aux procédures de commercialisation de ce produit. «Puisque les logements sont destinés aux catégories sociales à faibles revenus et en priorité aux habitants des bidonvilles, ceux des maisons menaçant ruine ainsi qu'aux porteurs d'uniforme (agents des FAR et des Forces auxiliaires), des commissions locales veillent méticuleusement à la sélection des bénéficiaires», explique Najib Lahlou, membre du directoire d'Al Omrane. Le problème est qu'en raison d'une demande de plus en plus forte, étant donné que la cible (ayant un revenu mensuel de moins de 3 000 DH) constitue une bonne partie de la population, la procédure d'attribution prend beaucoup de temps que prévu. C'est pourquoi les responsables du holding examinent avec le ministère de l'habitat la possibilité de «réviser ces procédures afin d'accélérer les opérations de commercialisation et d'écouler les stocks», souligne M. Lahlou. 33 000 logements en cours de réalisation Il faut rappeler en effet que la vente des logements à 140 000 DH passe obligatoirement par les délégations régionales de l'habitat, auprès desquelles s'inscrivent les postulants dont la demande sera examinée par une commission comprenant plusieurs départements ainsi que les autorités locales. Les procédures de commercialisation ne sont pas la seule cause de la lente mise en œuvre du programme. Certes, Al Omrane fait état de 33 000 logements en cours de réalisation et 30 000 autres en cours d'étude. Mais la cadence d'exécution reste loin des aspirations des responsables. Car en ajoutant aux 33 000 logements en cours de construction les 12 500 déjà finalisés on arrive à peine à 45 500 unités dont la concrétisation peut être observée sur le terrain. Autrement dit, au bout de trois ans environ, on est à peine à un taux de réalisation de 35% de l'objectif. De fait, si le processus de vente nécessite quelques réglages, c'est surtout l'implication mitigée des promoteurs privés qui inquiète. Ces derniers invoquent la rareté et la cherté du foncier notamment dans les villes. «Il est quasiment impossible de produire des logements à ce prix dans des villes où la spéculation immobilière est à son paroxysme comme à Marrakech, Casablanca, Rabat et Tanger», confie un responsable du ministère de l'habitat. Or, le besoin en ce produit est énorme dans ces villes. Seule solution : l'intervention de l'Etat pour mobiliser le foncier de l'Etat. Sur ce point, les responsables de Al Omrane réfutent pourtant ce problème. «Les terrains sont disponibles et on les met à la disposition de tout promoteur qui veut investir dans ce programme» , souligne M. Lahlou. Il faut rappeler à cet effet l'acquisition par le holding public de 3 852 ha, en juillet 2009, auprès de la direction des domaines (ministère des finances) destinés à être commercialisés auprès des promoteurs privés qui pourront y engager des programmes mixtes comprenant des logements à 140 000 DH, ceux à 250 000 DH (social) et ceux de moyen standing, et ceci afin de réaliser une péréquation leur permettant de rentrer dans leurs frais.
Foncier : Al Omrane défend ses prix en invoquant les coûts de viabilisation Al Omrane propose effectivement du foncier. «Mais à quel prix ?», s'interroge Youssef Ibn Mansour, président de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI). Une manière de dire que les tarifs imposés par le groupe sont inaccessibles surtout pour réaliser des logements à bas prix. «Les terrains acquis par Al Omrane à 50 ou 60 DH sont vendus aux opérateurs à 600 voire à 800 DH le m2 et, avec ce prix, il est quasiment impossible de produire des unités à 140 000 DH, même avec la péréquation. Les promoteurs privés pourraient, avec le même tarif, investir dans d'autres segments beaucoup plus rentables» , explique M. Ibn Mansour. Mais Al Omrane justifie cette différence de prix par le coût supporté par le holding pour viabiliser ce foncier. «Nous assurons les travaux de viabilisation, ainsi que d'autres prestations comme le ramassage d'ordures, l'éclairage, les espaces verts, le branchement d'eau et d'électricité sans parler de certains équipements publics, nous vendons le terrain au prix coûtant», se défend M. Lahlou. Même l'élaboration d'un catalogue de prix compétitifs pour les matériaux de construction n'a pas eu d'effet sur les décisions d'investir des promoteurs. A l'annonce du programme, ces derniers avaient prévenu que le défi des pouvoirs publics était très grand, tellement le projet était difficile à réaliser à cause du problème du foncier. Et, ils avaient souligné que l'Etat devait déployer de gros efforts sur ce plan justement, notamment dans les grandes villes, pour assurer la réussite de ce programme. «Mais quand l'Etat propose des terrains à ces niveaux de prix, il est normal que les promoteurs immobiliers manifestent peu d'engouement pour ce programme», fait remarquer le président de la FNPI. Selon des professionnels, plusieurs entrepreneurs qui avaient signé des conventions avec l'Etat trouvent aujourd'hui des difficultés à réaliser leurs projets. On cite l'exemple de la ville de Lakhyayta où «les terrains acquis par les promoteurs privés pour y construire des logements à 140 000 DH sont encore vides». Pourtant, l'Etat, et avec un prix de 600 DH le m2 pour le terrain, avait démontré, calculs à l'appui, que les promoteurs immobiliers pouvaient réaliser une marge moyenne de 20 000 DH par logement, soit un taux de marge nette de 14%. Cela est-il insuffisant ? Ou bien est-ce l'effet du redémarrage du logement social. Le casse-tête reste entier.