Depuis début février, les entreprises ont l'obligation de n'émettre que des chèques pré-barrés et non endossables. L'obligation du chèque pré-barré non endossable est entrée en application le 1er février. Toutes les personnes morales et personnes patentées ne pourront plus désormais effectuer leurs règlements avec des chèques autres que ceux-ci. La mesure a été introduite à la suite d'une recommandation de Bank Al Maghrib qui a poussé le Groupement professionnel du Maroc (GPBM) à instaurer la pratique par voie de règlement interbancaire. Objectif : instaurer la transparence, la traçabilité des transactions et, indirectement aussi, encourager la bancarisation. Les objectifs sont louables, certes. Sauf que la mesure n'a pas manqué de causer très rapidement un souci aux entreprises. Comment doivent-elles procéder désormais pour alimenter leur caisse en liquide ? Tous les comptables et chefs de d'entreprises, surtout les PME, vous le diront. Dans toute entreprise, il existe toujours une somme en liquide disponible pour payer diverses dépenses surtout les petites et les imprévues. Une petite réparation ou un achat urgent à faire, un livreur ou un plombier à payer, des timbres fiscaux à acheter, l'argent pour mettre de l'essence dans la moto du coursier…autant de dépenses pour lesquelles un chèque n'est pas le moyen de paiement le plus adéquat, et encore moins s'il est barré et non endossable. Et pour cause, dans un pays où les petits métiers sont souvent pratiqués par des personnes non patentées, non bancarisées, il faut disposer de liquide pour parer aux urgences. Jusque-là, pour alimenter la caisse en argent liquide, la pratique la plus courante consistait à libeller un chèque au porteur ou au nom d'un coursier ou de tout autre employé de la société. Ce dernier se rendait alors à l'agence bancaire retirait l'argent et le tour était joué. Dans certaines entreprises, particulièrement les grandes et structurées, où le chèque barré et non endossable était pratiqué depuis longtemps, avant la directive du GPBM, les banquiers avaient pris l'habitude d'accorder quelques largesses. Il suffisait que la personne habilitée à signer les chèques appose par écrit la mention «Non barré et non endossable» accompagnée de sa signature pour permettre à l'agent de retirer l'argent. Mais depuis début février, ces pratiques sont de moins en moins tolérées et les directeurs d'agence bancaire sont plus fermes. Les premiers jours de ce mois de février, beaucoup de coursiers habitués à ce genre d'opérations ont eu la mauvaise surprise de se voir refuser le retrait. Comment faire alors pour alimenter la caisse ? Solution la plus évidente : l'entreprise peut remettre un chèque à un employé ou à une tierce personne qui doit le verser dans son compte et retirer du liquide. Difficile à appliquer et surtout dangereux sur le plan comptable et fiscal. Car l'entreprise devra justifier au fisc et à la CNSS la contrepartie du chèque donné à son agent avec le risque de se voir redresser pour sous-déclaration de rémunération. La question a été posée aux premiers concernés, en l'occurrence les banquiers. Auprès du GPBM, on reconnaît que «le chèque pré-barré non endossable posera forcément quelques désagréments au début pour certaines opérations, entre autres, l'alimentation de la petite caisse». Pour y remédier, les banquiers proposent une solution : la mise à disposition. Comment ça fonctionne ? Simple : à chaque fois qu'elle a besoin d'argent liquide pour alimenter sa caisse, l'entreprise adresse à sa banque un courrier lui demandant, par le débit de son compte, de mettre à la disposition d'un tel la somme souhaitée en spécifiant l'identité et le numéro de la personne (le coursier par exemple) et surtout en mentionnant bien que cette mise à disposition a pour but d'alimenter la caisse. C'est du moins ce que proposent les banquiers et les professionnels de la comptabilité aussi. Dans certaines banques de la place, comme BMCI par exemple, la question a été anticipée et les employés des agences ont été formés bien à l'avance à la résolution du problème. Certaines banques aussi ont déjà préparé des formulaires préétablis pour les mises à disposition. La mise à disposition étant une solution, se pose cependant le problème du coût. Car, contrairement au retrait d'espèces en agence qui est gratuite, la mise à disposition, elle, est une opération payante. Pour s'en convaincre, un simple tour des agences de la place : une opération de mise à disposition coûte généralement entre 20 et 30 DH et, dans certains cas, beaucoup plus. Cela dit, le GPBM indique que les banquiers se sont mis d'accord sur la nécessité de faire preuve de souplesse pour les premiers mois d'application de la mesure. Mais «souplesse ne veut pas dire laxisme», prévient le patron d'une grande banque de la place. «Le chèque pré-barré et non endossable, explique-t-il, est une mesure qui a d'abord pour objectif de sécuriser les transactions en les rendant traçables et transparentes et qui, in fine, devrait améliorer le taux de bancarisation». Selon un patron d'entreprise, la caisse en liquide ne devrait pas exister et il affirme l'avoir banni de son entreprise depuis longtemps. Oui, mais comment faire pour traiter ces nécessaires dépenses et payer les petits fournisseurs de services sans lesquels le Maroc ne pourrait pas tourner, même s'ils sont dans l'informel ?