En mai dernier, la Banque centrale imposait la gratuité pour 16 opérations bancaires au profit des particuliers. L'affichage des tarifs dans les agences est respecté, mais les grilles ne sont pas toujours mises à jour. En octobre 2006, le Groupement professionnel des banques du Maroc (GPBM) avait adopté, sur recommandation de Bank Al-Maghrib (BAM), de nouvelles règles pour la fixation des frais et commissions bancaires par l'ensemble des banques commerciales de la place ainsi que les modalités de leur communication aux clients, dans l'objectif d'alléger la facture mensuelle de la petite clientèle des banques et de mieux l'informer sur les frais qu'elle supporte. En mai 2010, la banque centrale est allée plus loin en imposant aux banques d'offrir gratuitement à leur clientèle 16 services bancaires. Nous sommes actuellement en 2011, qu'est-ce qui a vraiment changé, dans la pratique, au niveau de la tarification des opérations bancaires ? Sur la base d'une enquête que La Vie éco a menée auprès de plusieurs agences de la place, il ressort que les banques commerciales appliquent globalement la directive de BAM sur la gratuité des 16 opérations bancaires (voir encadré en page suivante). Cela dit, si les banques offraient gratuitement quelques- unes de ces opérations bien avant l'entrée en vigueur de la directive de BAM, comme c'est le cas pour les versements d'espèces ou l'envoi mensuel du relevé de compte, certains établissement continuent à prélever des frais pour un service qui figure pourtant dans la liste des opérations gratuites fixée par la Banque centrale. Il s'agit en effet de l'émission de virements de compte à compte, entre particuliers, au sein de la même banque, qu'Attijariwafa bank, la BMCI, le CIH et le Crédit Agricole continuent à facturer. Prenons l'exemple de la Banque verte. Celle-ci a mis à jour sa grille tarifaire en juin 2010, soit un mois après l'entrée en vigueur de la directive de BAM, afin de tenir compte des nouvelles mesures qu'elle impose. Pourtant, cette grille mentionne que les virements sont toujours facturés à 10 DH, même si le bénéficiaire est dans la même agence, et ils sont facturés à 15 DH s'il est dans une autre agence. S'agit-il d'une omission ou d'une mauvaise interprétation de la directive ? Chez les trois autres banques, il faut dire que leurs grilles tarifaires, affichées au niveau des agences, ont été mises à jour avant l'entrée en vigueur de la directive de BAM, et qu'aucune version plus récente ne figure dans les agences ayant fait l'objet de notre enquête. Mais il ne s'agit pas d'un simple décalage entre ce qui est affiché et ce qui est pratiqué, car par exemple chez le CIH, le relevé de compte d'un client indique bien que cette opération continue d'être facturée (bénéficiaire autre que l'émetteur du virement mais détenant un compte dans la même banque). Pour ce qui est de l'affichage des tarifs au sein des agences, il faut reconnaître que tous les guichets ayant fait l'objet de notre enquête disposent de panneaux détaillant l'ensemble des frais et commissions appliqués, et ce, contrairement à ce qui a été relevé lors de nos précédentes enquêtes. Néanmoins, rares sont les agences qui ont des tarifs à jour. Des agences affichent des tarifs qui remontent à 2006 ! En effet, certaines agences continuent d'afficher une tarification qui remonte à plusieurs années. L'une d'entre elles, appartenant à BMCE Bank et située en plein quartier résidentiel à Casablanca, dispose d'un panneau qui remonte à 2006, sachant qu'une mise à jour effectuée en 2009 est disponible dans d'autres guichets de la banque. Chez le Crédit du Maroc, la grille tarifaire la plus récente que nous avons réussi à trouver date de 2008. Et de manière générale, rares sont les agences, quelle que soit la banque, qui mettent à la disposition de leur clientèle une tarification qui intègre les nouvelles dispositions de la directive de BAM. Les frais et commissions pratiquées ne figurent pas non plus au niveau des sites internet de toutes les banques de la place. Hormis Attijariwafa bank, la Banque Populaire et la Société Générale, dont les portails permettent d'accéder à leur tarification, les autres établissements n'ont prévu aucun document téléchargeable ou consultable sur leurs sites. Et même si les frais et commissions d'Attijariwafa bank sont accessibles par internet, la version fournie date de 2008. S'agissant maintenant des opérations dont les frais restent librement fixés par les banques, leur coût n'a globalement pas changé en comparaison avec ce qui se pratiquait il y a deux ou trois ans. Par exemple, les frais de tenue de compte sont toujours facturés à 45 DH par trimestre chez Attijariwafa bank et la Société Générale, et l'extrait de compte en agence coûte toujours 10 DH dans l'ensemble des banques. Néanmois, certains frais ont été revus à la baisse, alors que d'autres sont bel et bien en hausse. En effet, les frais de tenue de compte qui étaient, en 2008, de 15 à 25 DH à la Banque Populaire (selon le nombre d'opérations effectuées dans le trimestre), sont désormais de 20 à 30 DH. Ces frais ont été également relevés à la BMCE Bank (45 DH par trimestre au lieu de 30 DH), au CIH (40 DH au lieu de 30 DH) et à la BMCI (44 DH au lieu de 42 DH). 10 DH pour l'encaissement d'un chèque chez BMCE Bank, 0 DH à la Société Générale Pour le retrait avec un chèque guichet, les clients de BMCE Bank, BMCI et la Société Générale ne facturaient aucun frais en 2007 et 2008. Aujourd'hui, cette opération coûte 10 DH chez ces trois banques. Le coût des virements vers une autre banque a également été relevé chez certains établissements. Attijariwafa bank le facture actuellement 10 DH, alors qu'elle prélevait 5 DH seulement en 2008. Au Crédit du Maroc, ce service coûte 20 DH alors que la banque le facturait 15 DH en 2007. Et pour ce qui est du retour des chèques impayés, il est actuellement facturé 25 DH par la BMCI contre 20 DH en 2007, 20 DH par le CIH contre 10 DH trois ans plus tôt, et 30 DH par Crédit du Maroc contre 20 DH en 2007. D'autres opérations ont, au contraire, connu une baisse de tarif. Par exemple, l'encaissement d'un chèque hors place à été ramené de 8 à 5 DH chez Attijariwafa bank. A la BMCI, le retrait d'espèces d'une autre agence que celle du titulaire du compte est passé de 25 DH à 10 DH, et le virement à une autre banque de 15 à 10 DH. En tout cas, qu'ils aient été revus à la hausse, à la baisse ou maintenus inchangés, les frais des principales opérations bancaires continuent de présenter de grandes disparités entre une banque et une autre. Le retrait par chèque de guichet, pour les clients titulaires d'un chéquier, est par exemple gratuit chez le Crédit du Maroc et le Crédit Agricole, alors qu'il peut coûter jusqu'à 50 DH à la Banque Populaire (0,5% du montant du retrait, avec un minimum de 10 DH et un maximum de 50 DH). La remise de chèque à l'encaissement est pour sa part facturée 10 DH à BMCE Bank et la BMCI, alors qu'elle est gratuite à la Société Générale. Ces écarts résultent de la conjonction de plusieurs éléments, notamment le degré d'automatisation de l'opération qui influe sur son coût de revient, la valeur ajoutée du service pour le client, et la politique commerciale de chaque banque qui peut faire en sorte qu'un service soit offert gratuitement même s'il a un coût relativement élevé. Quelle que soit la raison qui pousse une banque à facturer un service plus cher que les autres, sachez que tous les frais restent négociables. En effet, les grilles tarifaires affichées dans les agences ne sont que les conditions standard que les banques appliquent à la clientèle ordinaire. Un grand déposant particulier peut se voir offrir tous les services bancaires gratuitement s'il en fait la demande ou fait jouer la concurrence. En effet, auprès de plusieurs agences, on explique que la recherche de dépôts, en ces temps de tensions sur les liquidités, pousse à beaucoup de souplesse.